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Rapt de lycéennes : Au-delà de l’indignation, l’exaspération, la faillite sécuritaire d’un continent
Publié le mercredi 14 mai 2014  |  Togo News


© Autre presse
Googluck Jonathan, Président du Nigeria


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« Nur um der Hoffnungslosen willen ist uns die Hoffnung gegeben » (« C’est seulement à cause de ceux qui sont sans espoir que l’espoir nous est donné»).

La question : un Etat qui ne peut plus assurer la sécurité de ses citoyens est-il toujours un Etat ? Quid de son président ?

Dans une vidéo publiée par l’AFP , Abubakar Shekau, le détraqué mental et chef de Boko Haram, la bête noire du gouvernement nigérian a revendiqué l’enlèvement, le 14 avril passé, de 270 lycéennes.

Comme si le rapt, en soi, ne constituait pas une atteinte grave à la dignité humaine, il escompte vendre ces filles sur le marché ou les marier de force. Il proclame en langue haoussa: « les femmes sont des esclaves. Je veux rassurer mes frères musulmans : Allah dit que les esclaves étaient autorisés par l’islam. » Ce groupe armé que rien ne semble plus arrêter vient encore de massacrer plusieurs village dans le Borno et de tuer plus de 300 personnes, hormis les 1500 victimes innocentes déjà à son actif. Comme à son habitude, l’Etat nigérien qui était au sommet de l’Elysée sur la sécurité en Afrique du 6 décembre 2013 et au sommet UE-Afrique de Bruxelles des 2 et 3 avril 2014 continue de combattre la secte terroriste, l’arme au pied. Comment expliquer cet attentisme de Jonathan Goodluck face aux comportements irrationnels d’une secte d’un autre âge, comment tolérer tous ces crimes horribles?

"Le choix est entre un empire exaspérant et un Moyen Age insupportable"

Il aurait fallu, enfin, cette dernière vidéo de Abubakar Shakau pour voir l’empire exaspérant s’emballer contre le comportement moyenâgeux insupportable de Boko Haram dont tout le monde connaissait, depuis 2009, les atteintes graves aux droits humains. L’écart entre les petites victimes et les grandes, est le signe d’une apparence de ‘’sagesse horrible’’ambiante au Nigéria dans le monde entier. Cette sagesse est, en soi, aussi irrationnelle que le terrorisme que le gouvernement de Goodluck Jonathan dénonce et combat avec mollesse. Même si on peut admettre qu’ouvrir les yeux trop tardivement vaut toujours mieux que de ne jamais les ouvrir, cinq années pour combattre cette secte sans succès est inadmissible. Les Etats africains sont aujourd’hui la risée de groupes armés terroristes dont l’influence ne cesse d’accroître ça et là.

Le triomphe des groupes armés, même limité dans le temps et/ou en victimes, est l’expression du refus rédhibitoire des dirigeants africains de dialoguer avec ceux qui méritent qu’on leur prête attention, c’est-à-dire les intellectuels africains, de vrais opposants muselés, ou contraints à l’exil où ils vivent dans la mutilation, avec pour seul tort d’avoir oser dénoncer ce qui ne va pas. Lorsqu’on refuse de parler aux personnes sensées, on finit par dialoguer avec des débiles comme Boko Haram. C’est l’occasion de dire qu’au lieu d’une câlino-thérapie des maux africains, il faut une thérapie adéquate qui passe par l’institution de vraies Républiques en Afrique, des démocraties véritables. D’elles seules découleront tout le reste qui manque à ce continent où l’horreur, comme le rapt de jeunes filles qu’un groupe terroriste brandit impunément comme un trophée.

Avec les langues qui commencent à se délier, Amnesty nous apprend en outre que les autorités nigérianes auraient été informées de l’imminence du rapt quatre heures d’avance. Mais qu’elles sont restées sans rien faire. Elles ne pouvaient rien faire ; les moyens faisaient défaut. Le courage, la volonté aussi.

Ceux qui devaient arriver, c’est-à-dire l’intervention des services secrets américains, français, britanniques, chinois et je ne sais quoi d’autres, sont arrivés. Ce sont là les signes avant-coureurs de la déliquescence de l’Etat, l’absence des Etats africains capables de pouvoir protéger l’intégrité physique de leurs citoyens. Au-delà des mots des sommets d’Etats, il y a nécessité de passer aux actes, de muer profondément pour survivre. Autant l’islam en Afrique fait des terroristes et non des saints, autant les politiques africaines se contentent de réciter servilement les leçons de bonnes gouvernances sans les appliquer concrètement.

Les Etats africains doivent s’impliquer fortement dans l’autogestion de leur sécurité

Ici encore, il nous vient à l’esprit cette injonction : ‘’L’Afrique devait maîtriser pleinement son destin et, pour y parvenir, assurer par elle-même sa sécurité… le développement, c’est la sécurité’ Entre le 6 décembre 2013 et le 14 avril, 2014, l’eau a coulé sous les ponts. La France, par la voix de son président, avait promis de former les armées africaines à la lutte anti-terroriste. Qu’a fait le président Jonathan Goodluck de cette intention ?

Qui plus est, lorsqu’on fouille le rapport annuel 2012 de Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique de la Commission Européenne, les moyens, les institutions et les volontés de toutes sortes ne manquent pas pour aider ce continent à s’autogérer durablement. Qui pose la paix et la sécurité comme condition sine qua non pour le développement ne doit pas être assis à une table d’un ‘’pseudo-davos africain’’ pendant que les lycéennes sont incarcérées quelque part, peut-être violées par leurs ravisseurs. Ce cas de rapt de jeunes filles constitue une honte pour la classe dirigeante africaine qui, une fois de plus, avoue son impuissance à protéger ses citoyens les plus fragiles.

Il urge pour les dirigeants africains de penser et d’agir, pour combattre le terrorisme qui est en train de gangrener tout le continent. Les Etats de droit et eux seuls paveront la voie royale d’une sécurité durable. L’enlèvement des lycéennes au Nigéria doit concerner l’Afrique dont les sages restent muets. La stratégie efficace doit viser l’éradication totale du terrorisme. Il n’est pas profitable de chercher à toujours le contenir comme c’est déjà le cas dans la zone sahélo-saharienne, en RCA et de le voir se réveiller dès que la vigilance baisse. Cela passe par une éducation républicaine où la chose publique est l’affaire du public, dans des débats républicains où les armes à feu ne sont pas les outils du dialogue. Osons espérer que toutes les lycéennes reviendront saines et sauves et que toutes les innocentes victimes réveillent un tant peu soit-il la conscience des dirigeants du continent.



Inoua Kodomalo

Expert indépendant sur la sécurité en Afrique

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