C’est le Premier Ministre Arthème Séléagodji Ahoomey-Zunu que Faure Gnassingbé a chargé de conduire les discussions avec les partis politiques, en perspective des réformes préalables à la tenue des prochaines élections au Togo. Quelle est la marge de manœuvre de ce transfuge de l’opposition face à ses anciens camarades ? Le Temps analyse les enjeux du énième dialogue politique intertogolais.
Après avoir tergiversé, le gouvernement togolais ouvre les négociations avec les principaux partis politiques pour avancer sur le chantier des « réformes institutionnelles et constitutionnelles », convenues dans les accords politiques antérieurs. Le CAR, l’UFC, l’ANC, l’ADDI, Sursaut Togo et l’UNIR : tous des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale ont rencontré le chef du gouvernement, à tour de rôle, le mardi 13 Mai à Lomé. Au sortir de la rencontre, les délégués de chacune des formations concernées se sont montrés enthousiastes et confiants. Le gouvernement aurait manifesté une « réelle volonté » à discuter avec la classe politique pour trouver des solutions consensuelles. De l’ANC à l’UNIR, en passant par le CAR, l’UFC, l’ADDI et Sursaut Togo, on semble vouloir contribuer à la recherche de solutions susceptibles de « sortir de la crise » pour enfin « s’occuper des vrais problèmes du pays ». La nouveauté dans ce round de discussions inter-togolaises, c’est la maturité, l’esprit d’ouverture et l’absence de cet esprit belliqueux qui avait caractérisé les dialogues antérieurs.
L’homme au centre du processus n’est autre que le Premier Ministre, celui-là même que dans certains milieux à Lomé on donnait pour partant voire mourant.
Un homme politique habile
Quand il était dans l’opposition (UTD, CPP…) Arthème Ahoomey-Zunu s’était montré habile tacticien. Facile de contact et ouvert d’esprit. Ses qualités faisaient qu’il avait des amis dans la plupart des autres partis, au sein de la presse et des organisations de la société civile. Ancien lieutenant d’Edem Kodjo, Ahoomey-Zunu a su profiter de « l’ouverture » pour se faire une place au sein de l’establishment du pouvoir. Ministre à deux reprises puis Secrétaire général de la Présidence de la République, il a su mettre en confiance le chef de l’Etat en se glissant dans le cercle fermé des fidèles de Faure Gnassingbé. Sa nomination à la tête du gouvernement en 2012 n’avait pas surpris dans les milieux des personnes averties de la politique togolaise. Il fait partie des ‘’récupérés’’ de l’ancienne opposition (à l’instar d’Aïdam Georges, précédemment haut cadre du CAR devenu vice-président d’UNIR) qui portent la lanterne de la nouvelle gouvernance de Faure Gnassingbé.
Les cartes à jouer
La marge de manœuvre du premier ministre n’est pas si grande. La preuve en est d’abord cahier de charge du dialogue politique qu’il a annoncée à ses interlocuteurs. Le focus est prioritairement mis sur les élections municipales. Même si ces consultations ne sont pas négligeables (elles sont même les plus urgentes dont le Togo a besoin), le sujet peut servir de ballon d’essai pour Ahoomey-Zunu et son gouvernement. Ils s’en serviront pour prendre le pouls des opposants et mettre en perspective les réformes exigibles pour la présidentielle de l’année prochaine. La feuille de route qui est annoncée pour demain 15 mai fixera l’opinion sur les cartes que le gouvernement a en main dans le cadre de cette énième négociation.
L’opposition sans cohésion
L’opposition s’engage dans ce dialogue en rang dispersé. Tout le monde parle de réformes institutionnelles et constitutionnelles sans que l’on ait harmonisé les points de revendication. Les deux principales coalitions de l’opposition – Collectif Sauvons le Togo et Arc-En-Ciel – ne coopèrent plus et divergent sur l’épineuse question de leadership. Le 5 mars 2014, Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) a rencontré le Président Gnassingbé pour réclamer la tenue des négociations. Cette démarche avait été critiquée par les autres composantes de l’opposition qui dénient à Fabre la qualité de chef de fil de l’opposition. Il y a aussi la question de stratégie unitaire de candidature de l’opposition au scrutin présidentiel qui constitue un point de discorde.
Face à ce cafouillage, l’opposition est affaiblie et ne semble pouvoir obtenir de concessions notables de la part du pouvoir, de plus en plus sûr de lui. Le gouvernement aura beau jeu de mener à la dance à sa guide.