Toute personne lucide, capable de tenir tête à Faure Gnassingbé et de lui dire la vérité en face ne l’intéresse pas. C’est évident et ceux qui ont pris l’habitude de fréquenter le fils héritier savent bien ce trait de caractère de lui.
Faure Gnassingbé n’aime pas trop la vérité surtout quand elle n’est pas en sa faveur.
Voilà pourquoi, la plupart de ses collaborateurs, qui le connaissent bien et veulent profiter de lui et des biens de l’Etat, se confondent en courbettes et le caressent dans le sens du poil même devant des faits graves qui causent du tort à tout le pays.
Il suffit de regarder le fils du père les yeux dans les yeux, de lui dire clairement les choses en face pour que d’emblée il vous snobe désormais. Tant l’homme n’aime pas trop les esprits éclairés, tout comme il n’aime pas non plus des situations qui le contrarient et l’obligent à décider devant témoin.
Il préfère de loin faire semblant, amadouer, camoufler, flatter pour ensuite jouer un rôle catalytique pernicieux et faire croire que ceux sont les autres qui sont fautifs. Jamais il n’aime assumer ses responsabilités.
Beaucoup de Chefs d’Etats qui l’ont aidé par le passé le savent bien aujourd’hui. Et des gens comme le prélat du diocèse d’Atakpamé, Msr Nicodème Barrigah en savent également quelque chose.
C’est justement pour cette raison que la question du choix d’un médiateur pour le dialogue politique Togotelcom II va achopper. Pour que le fils du feu général accepte une telle option, il faudra des méthodes fortes. Pourquoi ?
Simplement parce qu’il sait d’avance que les réformes que l’on lui demande aujourd’hui relèvent justement du simple bon sens. Et tout médiateur, pour peu qu’il ait un minimum de lucidité va nécessairement prendre des positions qui vont aller à l’encontre des désirs du prince.
Quel démocrate affranchi ou quel homme de Dieu de la trempe de Msr Barrigah accepterait de valider un scrutin à un tour à une élection présidentielle au Togo au moment où la quasi-totalité des pays en Afrique ont raisonnablement opté pour des scrutins à deux tours ?
Pourquoi le Togo ferait-il l’exception quant au nombre des mandats présidentiels au moment où le principe démocratique veut que l’on ne fasse pas au-delà de deux mandats à la tête d’un pays ? Faure sait d’avance que les positions que son camp va prendre sur ces questions sensibles au cours de ce dialogue seront battues en brèche par le camp adverse et même par le médiateur si ce dernier est finalement désigné.
Et à plus forte raison, un prélat comme Barrigah, bien que très conciliateur, très pondéré et très éclairé sur les sujets touchant à la vie du Togo, va nécessairement faire peur à Faure Gnassingbé. Pourquoi ?
Juste que le fils héritier sait qu’il doit beaucoup à cet homme qui a mouillé le maillot avec une équipe compétente pour sillonner villages et hameaux du Togo afin de dégager de pertinentes recommandations dont la mise en œuvre devrait permettre de réconcilier les togolais.
Il sait qu’il a tourné l’homme en bourrique aussi bien sur cette question de la mise en œuvre des recommandations de la CVJR que sur beaucoup d’autres sujets liés aux différents dialogues ou à la gestion du dossier Bodjona dès ses premières heures.
Mieux, Faure a bien lu les recommandations de la CVJR et a aussi bien réalisé que celles-ci ont bien inclus la plupart part des sujets retenus pour ce dialogue.
En réalité, il se serait résolu à mettre en œuvre les recommandations de la CVJR que les 70% des sujets inscrits à l’ordre du jour de ce dialogue auraient déjà trouvé solution. Alors s’il ne l’a pas fait, c’est sans doute que celles-ci ne l’arrangent pas dans son plan funeste de s’accrocher indéfiniment au pouvoir contre vents et marrées.
Voilà pourquoi, le fils aura du mal à accepter la médiation d’un Barrigah ou d’un Chissano connu pour sa droiture et sa texture de démocrate affranchi.
Que les togolais comprennent bien que les discours mirobolants que tient souvent le fils d’Eyadema sur les questions des droits de l’homme, de la démocratie, de la bonne gouvernance etc. sont des poudres aux yeux.
Prenons juste l’exemple du brillant discours qu’il a prononcé lors de la cérémonie de remise du rapport de la CVJR. Quel togolais n’avait pas applaudi un tel discours dans lequel le fils héritier a comblé Msr Barrigah d’éloges, le qualifiant de fin diplomate ayant des qualités irréfutables et saluant particulièrement la pertinence des recommandations formulées par cette équipe d’éminentes personnalités ?
Mais que constatons-nous près de deux ans après ce rapport ? Aucune action concrète tendant à mettre en œuvre ses recommandations.
Alors il demeure clair que dans son être profond, le pouvoir n’aurait aucun sens s’il ne procure jouissance, facilités, privilèges et gloire. Et toute démarche qui tend à lui enlever ses avantages sont à bloquer, c’est le crédo du fils héritier.
Voilà pourquoi il a beaucoup langui sur cette question des réformes depuis 2006. Voilà pourquoi, pendant longtemps, il a trompé ses collègues présidents de la sous-région sur sa volonté de faire les réformes.
Voilà aussi pourquoi, dans ce dialogue, son camp va placer, à tout bout de champ des peaux de bananes pour pousser l’opposition à la faute et en prendre prétexte pour ne pas engager les réformes.
Mais tout compte fait, le choix d’un médiateur s’impose à ce dialogue. Face au faux-fuyant de Faure et de son camp, il importe de les mettre à nu devant témoin, et de les pousser au mur s’ils ne se résolvent pas à respecter, au moins une fois, parole.