La question des droits de l’homme est la clé de voûte qui permet d’évaluer le niveau de construction de l’Etat de droit dans un pays.
L’Etat de droit suppose, faut-il le rappeler, l’élaboration des lois et règles ainsi que leur respect scrupuleux par les dirigeants dans la gestion des affaires de l’Etat, mais aussi dans la gestion quotidienne des citoyens.
Dans un Etat de droit, la force appartient à la loi, rien qu’à la loi, loin des muscles et de la force brute. Dans un Etat de droit, la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) est naturelle et se vit de fait.
Mais que constatons-nous dans notre pays ?
Un recours permanent aux réflexes primaires qui se manifestent fondamentalement par la force brute et l’irraison mais surtout aussi par l’immixtion quasi permanente de l’exécutif dans les affaires de la justice pour naturellement tordre le cou au droit.
Le principe sacrosaint de la séparation des pouvoirs cède donc sa place à un hybridisme atypique où le droit, la force et l’irraison forment un ferment opaque à partir duquel l’on dirige les affaires de l’Etat.
La manière cavalière avec laquelle beaucoup de dossiers judiciaires sont gérées au Togo illustre parfaitement nos propos et prouve à suffisance que notre pays a encore un très long chemin à faire pour s’arrimer aux principes orthodoxes d’un Etat de droit.
Plutôt que s’appuyer exclusivement sur les prescrits de la loi pour agir, la police judiciaire, les magistrats du parquet comme ceux de siège, influencés manifestement par le politique, forgent une nouvelle méthode de travail, se fourvoyant ainsi de l’éthique et de la déontologie de leur métier pour se rendre complices des cabales politiques initiées par l’exécutif contre des leaders d’opinion gênants.
L’exemple le plus patent qui illustre parfaitement cet égarement des magistrats du Togo est le cas typique de Frédéric Abass Kaboua, président du mouvement des républicains centristes (MRC), interpellé avec robustesse depuis le 30 mai dernier, et qui continue de croupir à la prison civile de Notsè contre tout bon sens et tout droit sans que cela n’émeuve personne au sommet de l’Etat.
Il faut juste rappeler que le pouvoir de Faure Gnassingbé l’accuse d’avoir pris part, par un alchimique don d’ubiquité, à une réunion à Lomé le 5 janvier pour planifier l’incendie du marché de Lomé qui a eu lieu le 11 janvier alors que Abass Kaboua, à l’époque était en France dans une clinique pour des soins de santé.
Malgré la flagrance de ce mensonge éhonté de la part du pouvoir de Lomé, Abass Kaboua n’a toujours pas recouvré sa liberté.
Il est maintenu dans les geôles de la prison civile de Notsè dans des conditions exécrables alors qu’il est aussi médicalement avéré que l’intéressé « souffre d’une pathologie neurochirurgicale dont la prise en charge ne peut se faire que dans un centre médicochirurgicale spécialisé ».
Rien que pour des raisons de santé, Frédéric Abass Kaboua aurait dû avoir déjà recouvré sa liberté.
Mais les autorités togolaises n’ont que faire de la santé de ce dernier comme de beaucoup d’autres qui ont été dans leurs mailles et qui ont fini par rendre l’âme par manque de soin adéquats.
Il s’en dégage donc une constante, une fois que le dossier d’un citoyen est signalé, sa vie ne dépendra que du bon vouloir de l’exécutif. Alors où sommes-nous ? Dans une dictature pure et simple où tout est téléguidé, toutes les ficelles sont tirées d’en haut.
Finalement, l’on observe que l’exécutif sur confine dans un rôle catalytique mais déterminant dans le sort que la justice doit réserver à la vie des prévenus.
Mais le plus dramatique dans ce scénario reste le caractère méchant, indécent et cruel mais surtout aussi déraisonné des poursuites que l’exécutif initie à l’égard des personnes qu’il redoute.
Par vengeance, l’on s’en prend aux personnes gênantes sans pour autant y mettre de la forme, ni de la raison. Or, un dirigeant ne peut réellement réussir à s’affirmer devant ses administrés que par un modèle de comportement qui repose fondamentalement sur les valeurs et les vertus qu’il incarne.
C’est clair que lorsque nous parlons de valeurs et vertus, nous mettons de côté, très loin, l’esprit de vengeance, l’hypocrisie, la haine, la jalousie, la méchanceté…qui sont naturellement rattachés aux esprits faibles, non épanouis.
A l’opposé de ces bassesses, l’on aspire donc à avoir d’un dirigeant, à quelque niveau que ce soit, l’élévation permanente d’âme, le discernement, la maîtrise de soi et une certaine puissance intérieure qui se traduit par le sens de la mesure en toute chose et le sens aigu de la responsabilité.
Un dirigeant ne peut en aucun cas jouer un rôle catalytique, il décide et assume toujours dans l’intérêt supérieur de la nation.
Le Togo ne saurait faire exception à ces principes universellement connus et admis. Il doit rentrer dans les pratiques orthodoxes du droit, de l’Etat de droit et de la raison. Et cette mission incombe en premier aux décideurs qui sont au faîte du pouvoir dans notre pays.