En matière de violation de droits de l’Homme, de torture, de traitements inhumains et dégradants, notre pays le Togo demeure le champion toutes catégories confondues. A ce titre d’ailleurs il a été à plusieurs reprises cité dans des rapports des organisations des droits de l’Homme dont celui de l’organisation mondiale contre la torture, comme un pays où « les conditions de détention restent toujours précaires dans les lieux privatifs de liberté»
En effet, en ce jour du 26 août 2013, notre rédaction s’est rendue à la prison civile de Notsè pour une visite de courtoisie au leader du Mouvement des Républicains Centristes (MRC) Abass Kaboua. L’objectif est de s’enquérir de son état de santé, des conditions de détention et celles de ses codétenus. Grande fut alors notre surprise de constater la vétusté de cette prison qui n’en est pas une car nichée dans l’enceinte du camp des gardiens de préfecture non clôturée. L’insalubrité y règne en maîtresse. Une grille bleue de moins de 2m² sert de lieu de rencontre avec les prisonniers, endroit dans lequel règne une chaleur étouffante. Les visiteurs sont obligés de rester debout sous le chaud soleil du jour à deux mètres devant la grille bleue sur le premier pan de l’escalier avant de s’adresser aux détenus.
Particulièrement pour Abass Kaboua, un militaire se tient à côté, suit de prêt le mouvement des visiteurs et assiste discrètement aux discussions sans réellement dire un mot. Il faut alors lui demander permission du moins lui montrer les cadeaux (argent ou tout objet) avant de les remettre à tel ou tel détenu. Les gardiens de prison ne sont pas non plus épargnés par cette précarité. Leurs conditions de travail sont désastreuses. L’appâtâmes qui leur sert de bureau d’enregistrement des visiteurs et de surveillance est une véritable passoire. De jour comme de nuit, ils sont exposés à tous les aléas: moustique, vent, pluie… « Cela fait des années que nous demandons rien que des nattes en vain. Nous sommes exposés à tout et nous travaillons dans une totale insécurité » nous a discrètement confié un gardien. Premier de la classe pour les actes arbitraires posés par ses dirigeants, le Togo est également un cas d’école pour mettre en prison ses opposants qui ont le malheur de dénoncer la gestion catastrophique des ressources du pays. Abass Kaboua est une victime de trop de ce système gang-stérique qui s’érige sous la dictée du « Prince ».
Il était là, accroché à la grille bleue qui servait de portail et en même temps de garde fou pour d’éventuelle évasion des prisonniers. Dans un débardeur blanc-sal, short rouge arboré de bandes blanches Abass Kaboua, très impatient et préoccupé par sa santé ainsi que sa libération provisoire est complètement méconnaissable dû à ses cheveux et barbes touffus à l’allure d’un prisonnier Jhadiste capturé par l’armée régulière malienne lors de la guerre au Nord du Mali. A l’intérieur de ce cachot qui l’héberge s’y trouvent de nombreux délinquants récidivistes ou encore des petits vols de poulets, de moutons, de noix de palmes… pour satisfaire les besoins quotidiens. Ils sont généralement arrêtés à Notsè et ses environs, menottés et transportés sur des Zémidjan comme des animaux sous les yeux vigilants de ces gendarmes qui, eux-aussi les amènent sur d’autres Zémidjan. « C’est une réalité palpable. Les petits brigands sont amenés toujours ici de la même manière et très dangereux pour l’agent ou les agents qui les accompagnent. Car ils ne sont pas en sécurité. On peut les attaquer en cours de route et les blesser pourquoi pas les tuer. Mais on est qui pour ne pas exécuter l’ordre » nous dit un autre surveillant. C’est donc la situation que vit au quotidien le premier responsable du MRC, un Président de parti politique légalement constitué, un potentiel Président de la République et donc un homme politique. C’est vraiment dégueulas !
Or, lors des dernières négociations entre pouvoir et opposition à la veille du scrutin législatif du 25 juillet 2013, un engagement avait été pris de libérer tous les détenus politiques dont Abass Kaboua et Olivier Amah. Force est malheureusement de constater que plus d’un mois après ces accords, Kaboua et ses compagnons d’infortune croupissent toujours en prison. Le régime de Faure Gnassingbé n’a qu’une parole d’ivrogne et ne respecte en rien les engagements qu’il a lui-même pris. La réconciliation qui est le fin mot qui est prononcé à longueur de discours pour flouer l’opinion et faire croire qu’un nouveau cap est amorcé pour rassembler toutes les forces et les énergies pour une refondation du pays est un vain mot.
Le seul tort d’Abass Kaboua est de se désolidariser de la bêtise pour affirmer qu’une autre gouvernance est possible. Du moins a-t-il un sourire et le moral au beau fixe. Courage donc à tous les détenus arbitrairement privés de leur liberté.
À la découverte d’une véritable forteresse
Située sur la nationale N°1 à 95 km de Lomé, la capitale togolaise, la prison civile de Notsè est abritée dans un vieux bâtiment fissuré et lézardé par endroits. La peinture qui recouvre cette bâtisse de construction coloniale est noircie et salie par de longues années d’abandon et d’absence d’entretien. Décrépi et fendu par endroits, le bâtiment ne semble pas pouvoir résister aux prochaines intempéries, et pourtant il est là depuis plusieurs décennies.
En effet, il est gardé par une escouade de surveillants armés installés dans un quartier général fait de paillote en face de la principale porte d’entrée. Tout autour, sont visibles des logements abritant les familles des surveillants, des logements dont ’allure n’a rien à envier au bâtiment principal. Dans la cour en face de la prison, des familles de poulets, de moutons, de chiens et de cochons font la ronde ou courent dans tous les sens sous le regard indifférent des surveillants, visiblement occupés par des soucis beaucoup plus sérieux. « Ils sont nos premiers voisins », ricane l’un à la vue de notre appareil photographique. De l’autre coté, à l’extrémité sud de l’enceinte, les enfants jouent aux billes ou au ballon en faisant un bruit assourdissant. Ce sont certainement les enfants des gendarmes et surveillants pénitenciers. «Vous êtes des espions ?» Première étape avant d’avoir accès au bâtiment, il faut se soumettre au contrôle et la vérification des identités. « Ne soyez pas surpris qu’on enregistre vos identités. C’est le règlement, on ne sait pas qui est qui », fait savoir le garde de service. Après cette étape, on est tenu de verser 500 F au scribe du jour en guise de droit de visite. Un permis de visite est rapidement délivré, sésame vous donnant droit à la prison.
En second lieu, l’interrogatoire. Plusieurs hommes en uniforme veulent savoir pourquoi vous êtes là. Ils semblent tous particulièrement intéresser par les raisons de votre présence et posent des questions sur les « vrais motifs » de votre visite, surtout lorsqu’il s’agit de parler à un «détenu politique» comme le Président du Mouvement des républicains centristes (MRC), Monsieur Abass Kaboua. « On vous envoie régulièrement pour venir espionner ici, n’est-ce pas ? C’est pour ça que tu es venu ici non ? », lance un jeune policier, une partie du corps dissimulée derrière les touffes d’herbes recouvrant la paillote improvisée en QG entendez, Quartier Général. Les choses semblent plus difficiles qu’espérer. L’éclaircie viendra du surveillant principal qui calme les ardeurs des uns et des autres.
Après quelques minutes de discussion avec celui-ci, et après s’être soumis à une minutieuse fouille corporelle qui ne donne rien, les portes de la prison s’ouvrent devant dans un grincement de dents. « On vous connait, vous les journalistes, vous parlez trop. Vous êtes des espions, c’est pour ça qu’on se méfie toujours de vos visites dans nos locaux. J’espère que vous ne cachez pas une caméra ou un de vos matériels pour enregistrer vos discussions. On ne veut pas de problèmes avec l’autorité », lança une dernière fois une surveillante au regard errant.