M. Faure Gnassingbé sera-t-il candidat à sa propre succession lors de l’élection présidentielle togolaise de 2015 ? Son départ constitue l’un des enjeux du dialogue entamé mi-mai par tous les partis politiques. Echaudés par les violences meurtrières et les fraudes qui entachent les scrutins depuis quarante ans, les opposants exigent des garanties. En premier lieu, l’arrêt du soutien français à la dictature.
Au Togo, qu’Amnesty International qualifiait autrefois d’« Etat de terreur», le journaliste français éprouve un malaise diffus. Venant d’un pays qui soutient un régime sanglant depuis quarante-neuf ans, le reporter se voit associé à des pratiques professionnelles douteuses. Le correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) et l’interlocuteur du général Gnassingbé Eyadèma, qui dirigea le pays de 1967 à 2005, fut longtemps... M. Jean-Christophe Mitterrand, fils du président François Mitterrand (1981-1995).
Aujourd’hui encore, certains confrères des médias internationaux ou des périodiques africains conservent l’habitude de passer prendre leurs « enveloppes » à la présidence, comme le confirme leur train de vie à Paris. Des militaires français encadrent une armée de répression, tandis que les diplomates cautionnent les élections et les tueries.
Pendant trente-neuf ans, le général Eyadèma a incarné les dictatures de la « Françafrique ». Il s’était illustré en prêtant la main à l’assassinat de Sylvanus Olympio, premier président élu du Togo, le 13 janvier 1963. Son successeur n’a que la légitimité d’être le fils d’un tel père, et de suivre ses traces. En 2005, l’« élection » truquée de M. Faure Gnassingbé a causé un millier de morts parmi les opposants et quarante mille réfugiés.
Dans le bidonville du quartier Bè Alaglo, à Lomé, Mme Akoko Agbezouhlon nous accueille d’un sourire éclatant et nous explique, en langue mina, comment elle vit dans une cabane de tôles rapiécées. Cette femme de 36 ans doit louer pour 8 000 francs CFA (12 euros) le mois ce qui ressemble à une case déglinguée à un « chef de quartier » autoproclamé. « Ici, il n’y a pas de dispensaire, et des écoles publiques demeurent sans instituteurs, raconte-t-elle. J’ai dû mettre mes enfants dans le privé. » Pour payer les 50 000 francs CFA (76 euros) par an de l’inscription, elle accepte des petits boulots précaires, comme des travaux de couture ou la vente de plats maison tels que l’akpan, un mets typiquement togolais à base de maïs.