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Assassinat de Michel Evoda par la police de Cologne : wo ist das prinzip Hoffnung in der Welt?
Publié le dimanche 1 juin 2014  |  icilome


© Autre presse par DR
Komi Michel Evoda, jeune Togolais de 28 ans évoluant dans un club de rugby en Cologne, froidement abattu par la police allemande de deux balles dans la tête, le jeudi 12 décembre 2013.


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Togo - Sénouvo Agbota ZINSOU


Exprès, j’ai mis mon sous-titre en allemand et je l’ai presque entièrement emprunté à une journaliste allemande. Je vous dirai pourquoi.

Lorsqu’au début de mon séjour en Allemagne j’entendais des témoignages sur le comportement xénophobe et raciste de certains Allemands, je conseillais toujours la nuance contre la pensée commune, le discernement contre la généralisation. J’ai lu en particulier ce récit autobiographique intitulé Unter die Deutschen gefallen- Erfahrungen eines Afrikaners 1 (Échoué au milieu des Allemands, les expériences d’un Africain). Ce livre est un réquisitoire de quelques 286 pages contre les comportements racistes dont l’auteur a été personnellement victime. L’illustration de la couverture( sur fond de couleurs allemandes noire, rouge et or, l’ombre d’une tête noire dans laquelle est incrustée une autre tête bien éclairée, celle-là, d’un berger allemand, la gueule ouverte et la langue pendante) exprime bien le traumatisme subi par ce jeune médecin nigérian et qui le marque depuis son séjour en Allemagne.


Rien que le titre m’avait choqué d’abord. Puis à la lecture, je me suis rendu compte que les scènes décrites sont, malheureusement, d’une réalité insoutenable et curieusement banalisée, que si les problèmes exposés peuvent nous paraître excessifs, ils existent cependant quotidiennement. Mais, cela ne nous permettait pas de formuler un jugement généralisé et définitif. J’ai voulu nuancer. Lorsque j’ai moi-même écrit mon roman sur ce genre de problème, Le Médicament 2, mon but n’était nullement d’exposer la plaie du racisme pour en rester là ou pour faire honte aux racistes, mais de montrer que l’amour et l’amitié sont possibles dans toutes les sociétés contre la haine et l’adversité, que l’amour et l’amitié qui n’existent pas que dans la fiction mais aussi dans la réalité, peuvent constituer le remède, le médicament.


Mais, le grand problème est que certains ne supportent pas la simple idée qu’on leur dise que la haine et l’irrationnel existent dans leur société. La preuve en est que, un éditeur allemand à qui j’avais envoyé le manuscrit m’avait répondu, pour justifier le rejet, qu’il ne savait pas si les lecteurs aimeront lire « ces choses qui font honte ».

Le mot est lâché ! Et ce n’est pas un vain mot. J’ai eu à faire des lectures d’extraits du Médicament à Bayreuth, Erlangen, Nuremberg, Tübingen, Tutzing, Brême, Bad Boll, Thurnau, Stuttgart…Bien sûr, j’ai trouvé des gens qui voulaient discuter de la valeur littéraire du roman. Mais, dans plusieurs cas, on m’a dit que ce n’était pas de la fiction mais des accusations contre la société allemande et à ces prétendues accusations, on a souvent voulu opposer des accusations contre les demandeurs d’asile étrangers, africains surtout, qui sont menteurs, voleurs, violeurs, trafiquants de drogue, prostitués hommes et femmes…

Certains n’ont voulu voir dans mon roman qu’une dénonciation pure et simple du racisme«allemand». Mais, j’ai connu pire: des gens qui m’ont pris à partie, en sorte qu’après la lecture, à table, au déjeuner ou au dîner qui a suivi, ils n’ont même plus voulu me regarder. Ah! Ce sont les risques du métier. Est-ce pour éviter cela qu’une organisatrice de festival littéraire qui m’a invité et à qui j’ai proposé trois romans au choix, a écarté Le Médicament et m’a gentiment expliqué que, comme c’était la première fois qu’elle organisait cet genre d’évènement, elle voulait avant tout éviter un débat trop houleux pendant la manifestation?

Or, moi je suis habitué à écouter les arguments développés contre les Africains menteurs, voleurs, violeurs, trafiquants de drogue, prostitués hommes et femmes. Non pas que j’aie les armes nécessaires pour les défendre, mais parce que je suppose que mes contradicteurs peuvent être des hommes et des femmes de bonne foi.

Mais, je suppose aussi que tout menteurs, voleurs, violeurs, trafiquants de drogue, prostitués hommes et femmes que soient les immigrés africains en Allemagne, ce n’est pas à coup de pistolet qu’il faille leur régler leurs comptes comme cela a été fait à Michel Evoda ou le feu mis à une cellule de police, sort réservé au Guinéen Oury Jallo ou encore par des actes quelconques de violence de la part des policiers allemands, intervenant parfois dans de simples disputes entre époux et choisissant, de leur propre chef, la « moins allemande » des personnes concernées pour la condamner à mort.


J’en viens au sous-titre, plus exactement au principe de l’espoir. Il a été donné à un article écrit sur une de mes pièces jouée à Bayreuth, Dina et Sichem3, inspirée par une histoire biblique( Genèse 34: 1-29) : les frères de Dina, fille de Jacob supposent que leur sœur a été violée par Sichem, prince du pays de Sichem. Pour la venger, ils usent d’une supercherie et massacrent tous les hommes du pays.

L’histoire était donc celle d’une violence exercée en intervenant dans des relations entre un homme et une femme. Dans la pièce, Dina et Sichem reviennent pour en faire une histoire d’amour et de réconciliation entre leurs peuples. Pour créer l’espoir, même si, en dépit des prétentions humaines, la route est encore longue jusque-là. Je croyais à l’amour et à l’amitié comme médicaments. Ne peut-on pas dire que, théoriquement Michel Evoda avait trouvé ces deux trésors, puisqu’il jouait dans une équipe de rugby de Cologne et que son épouse était allemande. L’intégration presque parfaite, en quelque sorte. Et pourtant!


Qui que l’on soit, Allemand, Africain…,quelques responsabilités que l’on exerce (policier, autorité judiciaire ou administrative, humain avant tout), il faut d’abord ouvrir l’esprit sur le crime, sur la haine raciale et l’irrationnel qui de tout temps, depuis la genèse, ont conduit au crime. J’ai trouvé cette phrase sur la honte, que j’invite le lecteur a méditer : «On devrait dire non la honte, mais les hontes, car il y a autant de hontes qu’il y a d’ « hommes » et de circonstances les concernant4»

Les organisations de défense des droits de l’Homme au Togo ont tenu, au sujet de la mort de Michel Evoda, une conférence de presse le mercredi 28 mai dernier et fait une déclaration dans laquelle on peut lire :

« En ces douloureuses occasions il est indiqué de rappeler que ce n’est pas la première fois que des membres de la diaspora africaine en Allemagne sont abattus par les forces de l’ordre. En exemple, les cas de Oury Jallo, Dominique Koumadio, Christi Schwundeck, Layé Alma Condé et d’autres encore. Face à ces drames, l’Allemagne a toujours justifié que ce sont des accidents ou que la police a dû intervenir en cas d’urgence. En tant qu’associations on ne peut accepter ces explications sans avoir des preuves tangibles. La police et la justice doivent prendre leur responsabilité pour aider à élucider sur les circonstances réelles de la mort de Michel.”

Cette exigence de la vérité concernant le crime dont a été victime Michel Evoda, dont a été victime Oury Jalloh et d’autres encore, n’est pas seulement celle des organisations de défense des droits de l’Homme au Togo. Elle aussi celle d’organisations en Allemagne comme Togo Action Plus, l’Initiative Oury Jallo… qui se battent depuis longtemps sur ce terrain, notamment dans l’affaire Oury Jallo.


Cette exigence doit être celle de tous ceux qui reconnaissent que c’est à l’humanité que les bourreaux et les assassins de Michel Evoda, de Oury Jallo et d’autres encore font honte.
Je reconnais que j’émets ici un aphorisme facile, mais cela vaut peut-être la peine : l’espoir, c’est comme la honte. Il doit être partagé par tous les hommes ou il n’est pas. Peut-être y a-t-il simplement différents degrés dans la honte, différents niveaux où les hommes peuvent s’enfoncer et demeurer dans la honte, par leur comportement et par leur attitude. C’est peut-être cela que la sagesse populaire ewe-mina exprime par ce proverbe: Ŋkpɛvi nyɔ wu ŋkpɛgã ( petite honte vaut mieux que grande honte ). N’est-ce pas que tous ceux qui sont concernés par l’affaire de l’assassinat de Michel Evoda ont le choix entre la petite et la grande honte?

Sénouvo Agbota ZINSOU

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1. Chima Oji Unter die Deutschen gefallen, Peter Hammer Verlag, Wuppertal 1992

2. Saz Le Médicament, éd. Hatier 2005

3. Eva Bartyla Von Prinzip Hoffnung in der Welt- Dina & Sichem von Sénouvo Agbota Zinsou:Burleskes Trauerspiel mit Gesang und Tanz, in Nordbayeriscerkurie du 20 novembre 98, p.13

4. Bernard Chouraqui Du conflit entre Homme et Juif, éd. de la Différence, p.88




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