L’ambassadeur des Etats-Unis au Togo, Robert Whitehead était mardi en audience chez le nouveau président de l’Assemblée Nationale, Damma Dramani.
A sa sortie de la rencontre, il s’est félicité, devant les caméras officielles de la féminisation de notre parlement. « 3 femmes au Bureau et 14 dans l’hémicycle, c’est un progrès significatif », a déclaré le diplomate américain.
Voilà qui rappelle à notre bon souvenir la tonitruante annonce qui avait été faite, en fin décembre par le Président de la République, Faure Gnassingbé instaurant la parité homme-femme dans la présentation des candidatures à des postes électifs.
Dans la foulée, l’Assemblée Nationale s’était empressée de matérialiser ce désir du Chef de l’Etat par le vote d’une loi consacrant ainsi cette parité.
A l’époque nous avions écrit un édito pour relever le caractère propagandiste et électoraliste d’une telle démarche qui nous semblait un peu trop précipitée et très peu sincère.
Aujourd’hui, les faits nous donnent raison. Sur un parlement de 91 députés, l’on ne compte que 17 femmes.
Mieux, dans la présentation des candidatures pour les élections législatives, UNIR qui est supposé être le porte-flambeau d’une telle disposition a très vite fait de la ranger dans les placards pour présenter à peine 12% de femmes sur les listes du parti. Incroyable !!! Quelle incohérence !!!!
A quoi était donc destinée cette annonce du Chef de l’Etat ?
A quoi va servir cette loi sur la parité qui a été précipitamment votée par l’Assemblée Nationale avant l’organisation des élections législatives si les initiateurs d’une telle disposition, qui sont de surcroît les décideurs du pays n’ont pas été en mesure de donner l’exemple en l’appliquant ?
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Voilà qui confirme encore une fois, le dilatoire, la fuite en avant et les bluffs érigés en style de gouvernance dans notre pays.
Il est évident que coincé de toute part, par les revendications syndicales qui ont instauré de fait une morosité dans le pays, le pouvoir était dans la recherche de subterfuges pour conquérir l’électorat à l’occasion des élections législatives.
L’astuce toute trouvée était d’emballer les femmes dans cette barque de parité et les déterminer à se mobiliser autour du parti du Chef de l’Etat surtout qu’il est établi, selon le dernier recensement que la population togolaise est constituée à 52% de femmes….
Pour faire court, nous reproduisons simplement l’article que nous avions écrit le 8 mars, journée internationale de la femme et qui illustrait parfaitement cette supercherie du pouvoir de Lomé.
Voici l’intégralité de cet article
La problématique sur la promotion de la gent féminine est de plus en plus au cœur des débats socio-politiques dans notre pays et dans beaucoup d’autres en Afrique et dans le monde. La femme, considérée pendant des siècles, à tort, comme un sexe faible revendique ainsi ses droits à savoir le droit à l’éducation, à la santé, à l’épanouissement mais aussi celui d’accès équitable aux fonctions de responsabilité.
Cette démarche des femmes qui vise avant tout à amenuiser les clivages entre l’homme et la femme est, je le crois, bien comprise par les hommes eux-mêmes qui, de discours en discours semblent dire qu’ils concèdent ces avantages à la femme.
C’est ainsi que dans son discours de fin d’année à la nation, le président de la République du Togo, Faure Gnassingbé a fait une annonce inédite qui instaure la parité homme-femme à des postes électifs, notamment à l’Assemblée nationale. La mesure sera concrétisée quelques semaines plus tard par le vote d’une loi par les députés.
Désormais chaque parti politique devra tenir compte de cette disposition dans l’élaboration des listes de candidatures qu’il devra présenter pour l’élection des députés.
L’initiative, comme on pouvait s’y attendre, a été prise béatement comme une aubaine par les femmes. Du coup on note depuis quelques semaines une mobilisation subite des femmes membres d’associations et groupements affiliés ou non au parti du chef de l’Etat autour de ce concept. C’est de bonne guerre et personne ne saurait aller à l’encontre d’un tel vœu.
Mais ne soyons pas naïfs. Des réalités évidentes subsistent et qui sont de nature à limiter la mise en œuvre effective d’une telle ambition.
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Je mets sous éteignoirs les pesanteurs culturelles qui, pendant longtemps, ont participé à maintenir la discrimination de la gent féminine dans notre pays, mais je voudrais juste retenir l’état des lieux actuel pour faire mon analyse.
Que constatons-nous aujourd’hui ? Le taux de scolarisation et d’alphabétisation des hommes est nettement supérieur à celui de la femme et de la jeune fille. Le nombre de femmes dans les instances décisionnelles de notre pays est très infime sinon insignifiant.
A l’Assemblée Nationale par exemple, à part les deux ou trois femmes issues des rangs de l’opposition, les cinq autres, issues de la majorité présidentielle sont des épouses d’officiers supérieurs des FAT. On a donc au total, à peine huit femmes dans un parlement qui compte 81 députés.
On observe enfin que très peu de femmes, même instruites s’adonnent à la politique ou aux affaires au sens élitiste du terme. La plupart se cantonnant dans le commerce informel, dans les activités primaires et notamment dans les champs.
Au gouvernement les femmes n’occupent que les postes ministériels de second rang mis à part celui du commerce et de la promotion du secteur privé et dans une moindre mesure, celui de l’environnement.
Dans un tel contexte, l’objectif d’une parité entre homme et femme pourrait-il se réaliser aisément ? Les esprits objectifs verront beaucoup de goulots d’étranglement dans la mise en œuvre brutale d’une telle ambition.
Le premier point que je relève, reste la bonne foi. Le chef de l’Etat en annonçant l’instauration d’une parité homme-femme dans le choix des représentants aux postes électifs visait-il réellement l’épanouissement de la femme ou c’était plutôt une mesure propagandiste pour mobiliser ces dernières autour de lui surtout en ce moment où son pouvoir se heurte à des difficultés de tout genre ?
Ma réponse personnelle s’oriente plutôt vers la deuxième hypothèse. Autrement, cette mesure, si elle était sincère, devrait commencer par des postes nominatifs.
Le Togolais aurait bien aimé voir une femme au poste de ministre de l’économie ou à celui de la justice. Oui, il est bien établi que les femmes jouissent d’une probité morale et d’une droiture qui les empêchent de s’associer à certaines bassesses.
Les bavures judiciaires et l’accaparement actuels des richesses du pays par une minorité imposent que, le chef de l’Etat s’il est de bonne foi, promeuve des femmes à ces deux postes stratégiques pour y opérer la révolution annoncée. Un équilibre hommes-femmes au gouvernement participerait, à mon humble avis, à limiter certains errements.
Le deuxième point qui me paraît important à ressortir reste l’état mental actuel des femmes. Très peu d’entre elles sont préparées à s’engager dans le monde politique. Très peu conçoivent pour l’instant, la possibilité pour elles de sortir de leurs habitudes de femmes de foyers pour embrasser un nouvel univers qui les plonge dans le combat habituellement réservé à la gent masculine.
Cela suppose donc que pour envisager une telle mesure avec efficience il faudra nécessairement procéder au préalable par méthode. Promouvoir l’éducation judicieuse de la jeune fille à la base, réorienter les contenus des programmes scolaires pour les calibrer en bonne partie sur cette problématique et enfin entrevoir une politique saine de valorisation des mœurs dans la sphère politique, économique et sociale.
Procéder autrement, reviendrait, sans doute à mettre la charrue avant les bœufs, ce qui en fin des comptes finirait par frelater ce noble vœu de nos sœurs et mères !