Quand le FMI assouplit ses instruments et change de discours sur l’Afrique

Économie

Publié le dimanche 8 juin 2014 | Le Point

© aBamako.com par Atapointe
Conférence Africa Rising de Maputo: dȋner offert aux participants
Jeudi 29 mai 2014. Maputo. Le President du Mozambique, Armando-Emilio-Guebuza a offert un diner aux participants à la Conférence Africa Rising. Photo: De gauche à droite , Daniel Kablan Duncan premier ministre ivoirien et Christine Lagarde directrice générale du FMI

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A Maputo, lors de l'Africa Rising, Christine Lagarde a révélé un FMI avec une fibre africaine qu'on ne lui connaissait pas jusque-là.

L'Afrique monte, le Fonds monétaire international l'a encore confirmé avec une conférence de haut vol qui s'est déroulée jeudi et vendredi derniers à Maputo, la capitale du Mozambique. Le président Armando Guebuza a ouvert l' Africa Rising du FMI, une conférence destinée à faire le point sur les performances économiques du continent, et surtout sur les défis à venir. Elle a rassemblé les décideurs politiques mais aussi des investisseurs venus de la Chine, du Brésil et de l'Australie, ainsi que les acteurs de la société civile.

Cet manifestation faisait suite à la conférence de 2009 en Tanzanie. Celle-ci avait contribué à mobiliser le soutien international sur le Continent après la crise financière. En marge de la conférence, le premier ministre ivoirien Daniel Kablan Ducan a insisté sur l'importance d'une telle rencontre, cinq ans après la première.

"L'Afrique a résisté à la crise internationale de 2008. Maintenant, qu'est ce qu'il faut faire pour maintenir cette croissance et surtout faire en sorte que l'Afrique devienne émergente dans son ensemble ? C'est le fondement de cette rencontre", a-t-il dit.

Comme l'a rappelé Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds, la croissance économique devrait atteindre 5,4% cette année et 5,5% en 2015, alors que l'Afrique est devenue une destination privilégiée des investissements directs étrangers. "Un record de 80 milliards de dollars est attendu cette année", a-t-elle ajouté.

Un dynamisme qu'incarne à merveille le Mozambique. En 1984, alors que le Mozambique adhère tardivement au FMI, le pays fait partie des plus pauvres du monde. En 30 ans, sa croissance a explosé pour atteindre une moyenne de 7% par an. Aujourd'hui, le pari est celui du partage des ressources, alors que d'importants gisements de minéraux viennent d'être découverts dans le pays. Une réalité qu'on retrouve sur l'ensemble du continent où les populations ne bénéficient encore que trop rarement des richesses naturelles.

Les défis structurels, institutionnels et humains du continent

La directrice du FMI a ainsi plaidé pour une croissance inclusive, "parce que ce qui est mieux partagé est plus durable". Pour ce faire, les défis qui se profilent sur le continent sont nombreux. Le premier est démographique.
D'ici 2040, le continent le plus jeune du monde possèdera aussi la main d'oeuvre la plus important en totalisant un milliard de personnes en âge de travailler. Soit plus que l'Inde et la Chine réunies. Le second challenge est technologique, afin d'assurer la pérennité de la croissance. Sans oublier la nécessaire construction des infrastructures, seules capables de maintenir l'attrait des investisseurs. Un coût évalué à 93 milliards de dollars annuels. La directrice générale du FMI a également insisté sur la bonne gouvernance et la transparence, indissociables au bon usage des nombreuses richesses du continent.

Autant de challenges que le FMI propose de soutenir à travers, notamment, le partenariat des secteurs public et privé afin d'assurer des emplois "sur un continent où seul une personne sur cinq trouve un travail dans le secteur privé". Les femmes ont également été au centre des attentions. La directrice du FMI a ainsi fait sien un vieil adage africain : "Si vous éduquez un garçon, vous formez un homme. Si vous éduquez une fille, vous formez tout un village". Avant d'ajouter : "Allons-y pour le village !".

"Ce n'est plus le FMI de grand-papa"

Un événement destiné à réaffirmer la présence du FMI sur le continent. "L'Afrique est devenue un bright spot que le Fonds ne peut désormais plus ignorer", a déclaré un proche de Christine Lagarde. Il est vrai que le séisme économique qui s'est abattu sur l'Europe ne lui a laissé que peu de temps pour se concentrer sur les autres régions du globe. Mais le Fonds a également souvent été pointé du doigt pour ses politiques jugées trop rigoureuses par les pays en difficulté. Dominique Strauss-Kahn avait lui-même fini fustigé l'austérité imposée aux pays en difficulté en Europe. "Beaucoup d'Africains considèrent que dans ce mouvement de mondialisation soutenu par le FMI, il y a les pays qui gagnent et ceux qui perdent", souligne un étudiant en administration publique de l'Université Eduardo Mondlane à Maputo. D'autant que l'afro-optimisme ambiant ne peut masquer le chômage et la pauvreté encore galopants en Afrique, alors 45% des ménages subsahariens demeurent pauvres.

Mais l'institution est décidée à redorer son image auprès des pays du Continent. Réformes des outils financiers devenus plus souples, élargissement des prêts à 0% et conseils adaptés aux défis spécifiques de chaque région, le FMI a désormais assoupli sa politique d'aide aux pays pour favoriser les relances. "Nous avons réformé nos instruments financiers pour les rendre plus flexibles et plus en phase avec les besoins des membres notamment avec la FCR, la facilité de crédit rapide, et la FEC, la facilité étendue de crédit", plaide Mme Lagarde. Des instruments qui n'existaient pas il y a encore dix ans. La directrice générale du FMI a également insisté sur le rôle de partenariat de l'institution. "Ce n'est plus le FMI de grand-papa, c'est un FMI moderne qui ajuste, améliore et écoute pour fournir de meilleurs services à ses membres", a-t-elle conclu.

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