Plus de cent pays se réunissent à Londres sous l'égide d'Angelina Jolie et de William Hague pour sensibiliser à ce mal souvent dissimulé dans les conflits.
L'actrice Angelina Jolie et le chef de la diplomatie britannique William Hague ouvrent mardi à Londres un sommet "sans précédent" sur les violences sexuelles pendant les conflits et l'utilisation du viol comme "arme de guerre". La star d'Hollywood, ambassadrice de bonne volonté du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés, et le ministre britannique vont présider jusqu'à vendredi le plus grand événement jamais consacré au sujet. Il réunit des délégations de plus de cent pays, représentants gouvernementaux, ONG, religieux, experts militaires et juridiques, associations humanitaires et membres de la société civile.
Seront présents 48 ministres des Affaires étrangères, mais aussi ceux qui étaient et continuent à être en première ligne : des victimes, des témoins et des acteurs sur le terrain, tel le gynécologue-obstétricien congolais Denis Mukwege, qui soigne les femmes violées en République démocratique du Congo (RDC). Outre les échanges officiels, le sommet propose tout un programme ouvert au public avec des ateliers, des conférences, des expositions et du cinéma muet pour sensibiliser à un mal souvent dissimulé sous l'horreur de la guerre. L'objectif est d'"éveiller les consciences" sur l'étendue du fléau, de "combattre l'impunité" et de "créer un élan irréversible" qui puisse déboucher sur "des actions concrètes sur le terrain".
36 femmes violées chaque jour en RDC
Les chiffres sont accablants. Selon les Nations unies, 36 femmes et filles sont violées chaque jour en RDC, où on estime à plus de 200 000 le nombre de femmes ayant souffert de violences sexuelles depuis 1998. Entre 250 000 et 500 000 femmes ont été violées au cours du génocide du Rwanda de 1994. Plus de 60 000 lors du conflit en Sierra Leone. Et au moins 20 000 pendant le conflit en Bosnie au début des années 1990. Angelina Jolie et William Hague recevront vendredi le renfort du secrétaire d'État américain John Kerry, qui en a fait un "combat personnel". Les deux ministres avaient écrit ensemble en février une tribune dans laquelle ils affirmaient : "Nous avons vu l'horreur. La question maintenant est de savoir si on peut fédérer les actions et les énergies pour l'empêcher."
"Trop d'endroits que j'ai visités en tant que secrétaire d'État portent encore les cicatrices d'un temps où le viol a été utilisé comme une tactique d'oppression et d'intimidation", a insisté lundi John Kerry dans le Evening Standard. Selon le secrétaire d'État américain, il faut commencer par considérer le viol en temps de guerre comme "un crime international majeur, et plus seulement comme la conséquence inévitable de tout conflit". "Il faut ensuite convaincre chaque gouvernement de refuser de servir de refuge à ceux qui ont commis ces actes infâmes." Ce dernier point "devrait être un des héritages principaux du sommet de Londres", a insisté John Kerry.
Sort des lycéennes nigérianes
Voir comment on peut améliorer les systèmes judiciaires, la formation des militaires et le soutien aux victimes fera partie des autres pistes évoquées. Il sera également question à Londres du sort des plus de 200 lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigeria. William Hague accueillera jeudi son homologue nigérian, ainsi que des représentants des États voisins du Bénin, du Tchad, du Cameroun et du Niger, pour discuter des moyens de "vaincre" le groupe islamiste. À l'instar de son homologue américain, le chef de la diplomatie britannique se veut très impliqué dans le combat contre les violences sexuelles en temps de guerre. En annonçant la tenue du sommet en février à Washington, il avait raconté comment il avait été inspiré par Angelina Jolie et son film datant de 2011, Au pays du sang et du miel, sur la guerre en Bosnie. Sans ce premier long-métrage de la réalisatrice, la réunion de Londres "n'aurait jamais vu le jour", avait-il alors admis.
Angelica Jolie et William Hague s'étaient ensuite rendus sur place, en Bosnie, en mars. Ils y avaient rencontré des femmes victimes de viols pendant la guerre intercommunautaire. Vêtue de noir, très émue, Angelina Jolie avait répété son horreur devant "un des crimes les plus atroces et les plus sauvages" qui soient.