Comment se déclinerait une présence africaine contemporaine, littéraire, artistique, intellectuelle et vivace, se demande l'écrivain.
Quel serait le rapport des jeunes générations à l'héritage de la négritude ? Sur ce thème, la rencontre avait lieu à Dakar, où m'avait invité l'écrivain et universitaire Felwine Sarr qui l'animait, le samedi 31 mai 2014. J'y retrouvais le professeur Romuald Fonkua, l'écrivain Boubacar Boris Diop, et faisais la connaissance du directeur Afrique-Moyen-Orient de la branche Supply & Marketing de Total, M. Momar Nguer (1).
Héritage ? Avant d'en parler, nous avons commencé par rendre visite, jeudi 29 mai, aux héritages vivants que compte cette ville : ainsi avons-nous eu la chance de partager des instants, chez lui, avec l'aîné Cheikh Hamidou Kane, celui dont L'Aventure ambiguë nous a nourris, celui qui, toujours disponible, comme chaque fois que je l'ai rencontré, nous a encore enrichis avec sa pensée limpide, profonde. Par la suite, l'autre aînée, Aminata Sow Fall, dont le verbe se goûte avec une gourmandise pardonnable, qui fait partie aussi de ces auteurs dont un texte au moins constitue une oeuvre, La Grève des bàttu ou Les Déchets humains, nous a reçus chez elle, pour un déjeuner dans une ambiance si décontractée, si agréable...
Le lendemain, vendredi 30, je visite la librairie Athéna, que toute personne férue de littérature connaît à Dakar, et dont la renommée a débordé les frontières du pays de Senghor. Créée en 2006 par la Sénégalaise d'origine libanaise Lina Hussein, qui en fit aussi un lieu de débats auxquels participèrent des écrivains et intellectuels d'horizons divers, elle fut cédée, en 2013, aux écrivains sénégalais Felwine Sarr, Boubacar Boris Diop et Nafissatou Dia Diouf qui ont préservé l'esprit de cet espace de 230 m², sur deux niveaux, animé par une équipe dynamique. Entrer dans une librairie par exemple à Paris est en soi un acte plutôt ordinaire. Mais Athéna m'a procuré une grande émotion, non pas grâce à ses rayons assez fournis ni même par son espace "Langues nationales", mais à partir de ces titres du fonds Présence africaine qui firent partie de mon éducation.
Maïmouna d'Abdoulaye Sadji, Sous l'orage de Seydou Badian, L'âge d'or n'est pas pour demain d'Ayi Kwei Armah, et tant d'autres encore. Je m'offris le bonheur d'en acheter certains, même si je les avais déjà lus, relus. Comme pour garder avec Athéna un lien matériel et spirituel. Athéna m'a replongé dans mon héritage, fait de ce lien entre les années Présence africaine, la négritude, Cheikh Hamidou Kane et la littérature d'Afrique toujours en marche, en devenir, avec une relève plurielle.
De cet héritage, il est en partie question dans mon tout nouveau livre, La Couleur de l'écrivain (éd. La Cheminante), qui est aussi le titre du débat auquel me convie le festival Étonnants Voyageurs avec l'écrivain Nii Ayikwei Parkes, l'auteur de Notre quelque part, (éd. Zulma) roman traduit de l'anglais, dont on m'a dit du bien, et que je lirai sous peu. Ah, tiens ! Nii Ayikwei Parkes, du Ghana ! Comme un écho, là aussi, à l'aîné Ayi Kwei Armah ! Décidément, les héritages !
(1) Table ronde organisée par la fondation Total-Sénégal et l'institut Français, dans le cadre de la biennale des arts, sur l'actualité de la "Présence africaine".
(2) Débat le lundi 9, à 12 heures, salle 2 du Nouveau-Monde.