Togo - Le patron de l’OBUTS, un « intermittent » de l’union de l’opposition
Un député élu doit-il céder son siège à un candidat malheureux aux élections législatives au nom de la solidarité ou d’un certain gentlemen agreement ? La polémique est créée par un homme : Gabriel Mensan Agbéyomé Kodjo de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (Obuts), et reprise à cœur-joie par les propagandistes de Faure Gnassingbé et la question agite le Collectif « Sauvons le Togo » et l’opinion. Mais pour des observateurs, cette agitation de l’homme cache bien des intentions.
Gérard Adja coûte que coûte au Parlement
C’est le vœu d’Agbéyomé Kodjo. Plus qu’un simple vœu, c’est presqu’un droit (sic) qu’il réclame et qu’il justifie par une litanie d’arguments. Et bruyamment, puisqu’il a amené l’affaire sur la place publique.
Dans des déclarations sur une chaine radio de la place, Agbéyomé Kodjo allègue, non sans avoir au préalable déversé sa bile sur l’Alliance nationale pour le changement (Anc) et son leader, que le 1er Vice-président de l’Obuts et candidat du Cst dans Lomé-Commune aurait rapporté 42 000 voix, mais n’a pas été déclaré élu. Par ailleurs il est évoqué une soi-disant entente au sein du Cst en amont des élections législatives et qui professerait la représentativité par la cession (sic) de siège à un parti membre malheureux. C’est au nom de tout cela que l’ancien Premier ministre réclame avec autant de véhémence le désistement d’un élu Cst ou Anc – c’est selon -, au profit de Gérard Adja. Et pour lui, les deux élus qui doivent faire place nette sont Alphonse Kpogo et Drah.
« C’est possible qu’au nom de la représentativité, un élu d’un parti puisse se désister au profit d’un autre. Mais sur quelle base juridique cela peut-il se faire, au point de constituer une sorte de droit que l’on puisse réclamer ? Et Agbéyomé Kodjo le fait si bien qu’il ne manque que de porter plainte au Tribunal de Première Instance de Lomé et engager un avocat pour défendre sa cause, puisque lui et son Vice-président parlent même d’injustice », se gausse un confrère qui s’étonne de tout le bruit fait par l’homme « qui n’est même pas arrivé à se faire élire par ses frères et sœurs » et qui « souffre toujours de ses relations conflictuelles avec Agboyibo qui n’était même pas candidat ».
Attitude de mauvais perdant
Ce que le commun des citoyens n’arrive pas à comprendre, c’est qu’au moment où l’on reproche à l’Anc de faire croire d’avoir été aux législatives sous sa propre bannière et de s’approprier les dividendes du travail collectif du Cst, Agbéyomé Kodjo sert à l’opinion que Gérad Adja a rapporté – sans doute par son aura -, plus de 42 000 voix au Cst à Lomé. Soit le 2e meilleur score du Collectif dans Lomé-Commune. Sur ces chiffres justement, un compatriote glose qu’au regard d’une telle audience, Gérard Adja est alors plus côté au sein de l’opinion et mérite d’être le vrai président de l’Obuts, puisqu’Agbeyomé Kodjo lui-même tête de liste dans son Yoto natal, n’a récolté que 7598 voix sur 48484 suffrages exprimés, soit plus de 34 000 que son patron.
L’une des raisons invoquées par Agbeyomé Kodjo pour appuyer sa réclamation concerne la place de Monsieur Adja sur la liste des candidats du Cst. Ce dernier était en effet 9e sur la liste ; et il en est presque révolté parce qu’il serait au préalable 2e ou 3e avant d’être parachuté 9e. « Lorsque j’étais en prison, j’ai appris qu’on m’a placé en 2ème ou 3ème position sur la liste CST dans le grand Lomé. C’est avec indignation qu’on m’apprend à ma sortie que je suis le 9ème sur la liste. J’ai demandé des explications aux autres membres de l’OBUTS, qui ne m’ont pas convaincu. J’ai alors menacé de quitter la liste pour ouvrir ma propre liste indépendante. C’est Agbéyomé qui m’en avait dissuadé », a pleurniché Gérard Adja. Cette « injustice » existait, mais aucun mot n’a été soufflé là-dessus. Il a fallu qu’il ne soit pas élu pour que le directoire de l’Obuts trouve nécessaire d’en parler. Adja aurait été élu que l’opinion n’en saurait rien.
La contreperformance de l’Obuts, nombre d’observateurs attribuent sa responsabilité à ses propres dirigeants. C’est un secret de Polichinelle que le vivier du Cst, ce sont les militants de l’Anc. Même s’il n’a pas de longues années d’existence, ce parti est le plus côté de l’opposition. Au cours de la campagne du Collectif, toute l’assistance ou presque était habillé aux couleurs du parti de Jean-Pierre Fabre. Il arrivait même de croiser des militants de l’Obuts, bien habillés aux couleurs de l’OBUTS, mais portant par exemple le chapeau orange de l’Anc. Il nous revient, en outre, que le CST avait obtenu des places sur la liste avant d’aller chercher des candidats pour les occuper. Et certains ne seraient pas du milieu où ils ont été positionnés et parfois même pas connus comme membres du parti. Tout cela fait voir en cette agitation d’Agbéyomé Kodjo, les gesticulations d’un mauvais perdant.
Agbéyomé Kodjo, un « intermittent » de l’union de l’opposition
Cette polémique suscitée par le patron de l’Obuts n’est pas sans conséquences sur le Cst. Après celles sur le chef de file de l’opposition, la création du groupe parlementaire Anc, projet dénoncé par l’opinion – « Liberté » était le premier organe à lancer le pavé dans la mare ; mais il nous revient que la création d’un groupe Cst, qui parlerait constamment politique à l’Assemblée nationale alors qu’il s’agit d’un regroupement de partis et d’associations de la société civile, fournirait davantage de prétextes au pouvoir qui ne voyait pas d’un bon œil cette cohabitation -, voici celle de la démission exigée de Drah au profit, non du Pr Komi Wolou du Pacte socialiste pour le renouveau (Psr), 8e sur la liste Cst, mais de Gérard Adja, 9e. Et elle est récupérée à cœur-joie par les propagandistes de Faure Gnassingbé qui en parlent abondamment sur une certaine radio de la place et donnent presque raison à Agbéyomé Kodjo. C’est la cohésion au sein du Cst qui a créé de l’insomnie au Prince de la République qui en pâtit. Et ce n’est pas le premier coup du patron de l’Obuts. L’homme s’illustre finalement comme le casseur des tentatives d’union de l’opposition togolaise, ce qui le fait caricaturer au sein de l’opinion d’« intermittent » de l’union de l’opposition. Et les faits ne manquent pas pour l’illustrer.
Il nous souvient déjà qu’en février 2010, en amont de l’élection présidentielle, bien qu’ayant donné tout son aval à la création du Front républicain pour l’alternance et le changement (Frac) dont les bases ont été posées au cours d’une réunion à Paris en France, il fut le tout premier à cracher dans le plat une fois rentré à Lomé. Il s’était ainsi retiré pour faire cavalier seul alors que le Front devrait présenter un candidat unique. De cette élection, il s’en sortira avec un score élogieux proche de zéro. Mais Agbéyomé Kodjo sera également le tout premier candidat à avouer la victoire de Jean-Pierre Fabre, candidat justement du Frac. Après un bon moment de divorce, l’ancien Premier ministre va à nouveau se rapprocher du Frac avec sa formation politique pour la longue série de marches de contestation de la gouvernance de Faure Gnassingbé. Il va acter la reprise complète de la lune de miel avec ce Front et l’Anc par son adhésion en avril 2012 au Collectif « Sauvons le Togo ». Mais c’était non sans avoir une fois de plus fait parler son égo. Comme un spécialiste des volte-face et comme l’histoire qui se répète, Agbéyomé Kodjo est encore le tout premier à créer la polémique après les législatives du 25 juillet, remettant ainsi en question la cohésion du groupe.
Un agenda caché
C’est ce qu’il faut conclure devant ce sempiternel tango joué par Agbéyomé Kodjo devant les tentatives d’union de l’opposition et la polémique suscitée par cette affaire de désistement au profit de Gérard Adja. Et c’est justement l’analyse des observateurs qui soupçonnent des intentions de l’ancien Premier ministre de briguer la magistrature suprême en 2015. « On a affaire à un fin calculateur. Avec les résultats des législatives, s’il faut parler de candidat unique de l’opposition pour 2015, c’est indubitablement Jean-Pierre Fabre ; en tout cas, ce n’est pas Agbéyomé Kodjo…Qu’on ne s’étonne pas de voir un de ces quatre l’homme annoncer son retrait du Cst. Ces gesticulations participent simplement des manœuvres visant à se frayer un chemin afin de pouvoir faire cavalier seul le moment venu », glose un compatriote qui évoque au crédit de ces manœuvres, la création du fameux mouvement Kékéli monté récemment par l’homme.
Et comme pour apporter de l’eau au moulin de ceux qui y croient vraiment, des sources rapportent qu’un des proches de l’ancien produit du système Rpt aurait rêvé qu’il serait un jour président de la République du Togo. D’où la forte dose de conviction qui se ressent parfois dans certains de ses propos et de spiritualité qui entoure les conventions du parti et autres rencontres militantes – des séances de prières régulières sont observées, et l’héritier spirituel d’Eyadéma serait presque vénéré à l’occasion. Ceci expliquerait donc cela.