C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons lu une interview du ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation sur le site officiel du Togo.
Gilbert Bawara se prononçait ainsi, pour la première fois, sur le dialogue politique, le projet de réformes politiques et l’organisation éventuelle des élections locales.
Première observation, le jeune ministre de Siou a pris soin de n’insulter personne, lui qui, par le passé, avait une solide réputation de chapitrer les opposants à chacune de ses interventions médiatiques.
Cette fois-ci, l’homme a tout simplement marché sur les œufs. Il a habilement choisi d’aller à l’essentiel sans verser dans des invectives et la provocation comme à son habitude.
Qu’à cela ne tienne, tout au long de son intervention, Gilbert Bawara est resté politique. Les réponses qu’il donne aux questions le montrent à suffisance.
Il ne veut plus avoir de démêlés ou de malentendus avec le Prince comme ce fut le cas après l’offre de partage des communes qu’il avait faite aux partis politiques de l’opposition pour subtilement renoncer aux élections locales.
Il ne veut non plus paraître ridicule sur des questions pointues concernant les points précis des réformes. Il a alors choisi de s’aligner résolument dans la « vision » de son chef qui dit que tout le chantier des réformes revient à l’Assemblée Nationale.
Et donc pour lui, « les récentes concertations n’avaient pas pour vocation d’aboutir à des résultats décisifs et définitifs et à priver les députés de leur liberté d’initiative et d’appréciation et donc à lier irrémédiablement les mains à la représentation nationale ».
Mais justement si tel est vraiment le cas, à quoi sert alors l’APG qui préconise précisément un large consensus entre acteurs politiques sur les réformes clé qui devront être engagées ?
Certainement que le journaliste qui l’interrogeait a manqué de lui poser la question sur l’esprit qui devra guider le débat sur ces réformes à l’Assemblée.
Elles devront se faire de façon consensuelle conformément à l’esprit de l’APG ou par vote de la majorité en conformité avec la vocation même d’une Assemblée Nationale ?
Mais passons pour décortiquer la deuxième remarque. Le jeune Ministre de Siou s’est adonné à l’exercice de l’anoblissement de l’image du Prince, son patron, quid à mentir.
Il dit d’une part que « tout observateur de bonne foi reconnaît que l’ouverture, la recherche du dialogue et du consensus sont une marque de fabrique du président Faure ».
Il poursuit ensuite en attribuant de go l’initiative et la paternité de l’APG au Prince.
« En 2005, le dialogue politique, conformément aux 22 engagements pris à l’égard de l’Union européenne, était totalement bloqué ; le président Faure est à l’origine de la reprise des pourparlers politiques sur des bases nouvelles et donc l’artisan principal de l’Accord politique global (APG) » a-t-il déclaré.
Pour celui qui ne connait pas bien les réalités politiques togolaises, il pensera volontiers que Gilbert Bawara est en train de présenter un agneau de très bonne foi qui ne jure que par le dialogue, la concertation et qui ne fait que la volonté du peuple. C’est sans doute une blague de mauvais goût.
En 2005, Faure avait-il un autre choix que d’ouvrir un nouveau dialogue avec la classe politique togolaise ?
Il faudrait peut-être rappeler au bon souvenir du ministre les circonstances dans lesquelles le fils du père a usurpé le fauteuil dans lequel il se retrouve aujourd’hui.
Qui pouvait-il diriger et avec quels moyens s’il n’avait pas ouvert ce dialogue en 2005 ?
Mieux, si le fils-héritier avait volontairement pris l’initiative du dialogue politique ayant abouti à l’APG, pourquoi a-t-il mis plus de 8 ans avant d’engager le débat sur les réformes substantielles après un forcing de l’opposition ?
Tout devrait naturellement aller comme sur des roulettes puisque les recommandations de l’APG sont alors supposées répondre justement aux aspirations profondes du Prince.
Aujourd’hui, le Prince et ses affidés se cachent derrière l’Assemblée Nationale pour tenter d’opérer un passage en force sur certaines réformes.
Et lorsque le ministre Bawara affirme qu’ils veulent « faire en sorte que les institutions qui sont issues du vote des Togolais jouent pleinement leur rôle dans un esprit démocratique et républicain », c’est à se demander si en 2006, le Togo ne disposait pas d’Assemblée Nationale ou si cette Assemblée n’était pas issue du vote du peuple !
Pourquoi alors avait-on senti la nécessité impérative de dialoguer et de parvenir à un accord politique qui préconise clairement des réformes consensuelles si tant est que l’Assemblée pouvait jouer amplement ce rôle ?
Le ministre Bawara et son mentor parlent comme si le Togo jouissait déjà d’une démocratie affranchie alors que justement, les réformes que l’on veut leur arracher visent fondamentalement à doter le pays d’institutions démocratiques viables qui manquent tant à ce pays.
Comment doit-on empêcher les fraudes et assurer des règles de jeu équitables et équilibrées aux candidats à une élection au Togo ? C’est tout l’enjeu des réformes.
Faure Gnassingbé et ses amis tiennent-ils à la vérité des urnes qui rend compte du vote des togolais ? Si oui, ils doivent avoir un empressement manifeste à faire ces réformes au plus tôt.
Autrement, ils donnent la preuve qu’ils veulent continuer à usurper ce pouvoir qui n’a rien à voir avec la volonté des togolais.