Le silence ne profite qu'à une seule personne: celle qui se tait. Et encore, à condition qu'il ne nourrisse pas l'oppression, dont elle est victime. Par contre, l'homme généreux, - en politique la générosité est une vertu qu'il faut avoir- ne peut se taire. Car il donne aux autres en parlant.
M. Pascal Akoussoulèlou BODJONA, ancien ministre de l'administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales, effacé de la scène politique togolaise par une ténébreuse affaire d'escroquerie internationale, a brisé son silence le lundi 23 juin 2014 lors d'une conférence de presse. Certes, ce qu'il a dit compte, mais surtout ce qui compte est qu'il ait brisé son silence. La démocratie se revigore ainsi d'abord et avant tout par le libre exercice de la parole.
En agissant ainsi, M. BODJONA soumet le système politique togolais à un test, qui vient avant celui des manifestations annoncées par le CST et la Majorité Silencieuse pour cette fin de semaine. Il y aura des paroles en l'air. Il y aura des paroles semences d'espoir, il y aura des paroles de tout genre, mais comme le disait Racine, elles ne devraient pas faire peur autant que le silence.
Puissent les autorités togolaises s'en réjouir et laisser la parole des meurtris, des déçus comme des satisfaits s'exprimer. Si tout le monde s'exprime en même temps, le brouhaha donnera l'impression d'un désordre inquiétant. Mais comme le dit un adage chinois:" nul n'est coupable d'avoir parlé. C'est à celui qui écoute d'en faire son profit ou sa perte." Il faudra être à l'écoute de ce brouhaha, se concentrer pour en percevoir les principaux thèmes, pour en faire notre profit.
M. BODJONA a parlé mais les détenteurs du pouvoir se résoudront-ils à être en toute occasion sages et raisonnables? les magistrats togolais cesseront-ils d'être véreux? Ces questions résument bien le grand profit que peut tirer le Togo de cette sortie médiatique de M. BODJONA.
M. BODJONA n'est nullement coupable d'avoir qualifié certains responsables politiques ou judiciaires tels qu'il croit qu'ils sont. Il leur appartient d'être différents de ce qu'il croit. La force ne règle pas de tels problèmes. C'est le comportement approprié qui les règle. On s'attend donc à ce qu'il y ait des responsables politiques vraiment sages et raisonnables, et à ce qu'il n'y ait plus de magistrats véreux. Quel vaste programme. A lui tout seul il vaut toutes les réformes constitutionnelles et institutionnelles réunies. L'opposition jusqu'à ce jour demande aux détenteurs du pouvoir de changer les structures. M. BODJONA demande aux détenteurs du pouvoir de changer d'abord pour que les structures changent facilement ensuite.
Dy GILID