Le secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), Carlos Lopes, a invité les pays africains à s'inspirer du modèle de transformation agricole chinois, à l'ouverture lundi à Malabo, en Guinée équatoriale, d'une session des ministres des Affaires étrangères en prélude au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement prévu les 26 et 27 juin.
L'UA a déclaré 2014 "l'année de l'agriculture et de la sécurité alimentaire". Déjà choisi pour le précédent tenu en janvier à Addis-Abeba, au siège de l'organisation panafricaine dans la capitale éthiopienne, c'est sous ce thème que se déroule le 23e sommet des chefs d'Etat et de gouvernement que la Guinée équatoriale a décidé d'abriter pour la deuxième fois en trois ans, après celui organisé en 2011.
C'est le choix d'une réflexion autour de l'un des défis cruciaux de l'Afrique pour lequel le ministre équato-guinéen des Affaires étrangères et de la Coopération, Agapito Mba Mokoy, a appelé à "un débat constructif pour trouver des solutions efficaces" en vue de favoriser un véritable décollage économique de ce continent doté d'abondantes terres arables et fertiles mais eu valorisées.
Preuve que le potentiel à exploiter reste immense et les opportunités d'investissement aussi assez importantes, la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique estime à 60% les terres arables inutilisées.
En présence de Carlos Lopes, par ailleurs secrétaire général adjoint de l'ONU, la présidente de la Commission de l'UA, Clarice Nkosazana Dlamini-Zuma, a pour sa part souligné la nécessité de " contribuer à l'industrialisation du continent grâce à la transformation de l'agriculture et le développement des infrastructures".
Pour le secrétaire exécutif de la CEA, "de façon générale, l'Afrique est à la traîne, à l'origine de moins d'exportations de produits agricoles ou de produits manufacturés que, par exemple, la Thaïlande. Les pays africains doivent encore faire des progrès importants pour ajouter de la valeur à leurs produits agricoles primaires ou pour se mettre en conformité avec les normes internationales".
"L'ensemble des pays africains, a-t-il précisé, représentent moins de 10% de la valeur ajoutée au niveau mondial. Notre rapport entre les coûts de commercialisation et de production est de 12%, par rapport à 4% pour l'Europe occidentale et 7% pour l'Amérique latine. "
Sous la houlette cette année du Mauritanien Ahmed Ould Teguedi, les ministres des Affaires étrangères sont réunis pour deux jours dans la capitale équato-guinéenne dans le cadre de la 25e session ordinaire de leur conseil exécutif, instance de concertation chargée de préparer, à la suite du comité des représentants composé des ambassadeurs accrédités auprès de l'UA, l'agenda du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement.
A leur endroit, Carlos Lopes, de nationalité bissau-guinéenne, a invité à s'inspirer du modèle de transformation agricole chinois pour pouvoir donner une véritable impulsion au développement de l'agriculture et assurer la sécurité alimentaire en Afrique, par l'acquisition de savoir-faire et de techniques agricoles adaptés aux besoins locaux.
Le secrétaire exécutif de la CEA justifie sa recommandation en rappelant que "la majorité des travailleurs de l'industrie chinoise était des paysans il y a 25 ans. Les niveaux de pauvreté d'alors, en termes relatifs, étaient plus élevés qu'en Afrique. Les Chinois ont favorisé une migration massive vers les zones urbaines en faveur des industries naissantes".
Selon lui, "la conjugaison de cette migration massive et d'un accroissement de la productivité agricole a marqué le tournant de la réduction de la pauvreté en Chine et s'est traduit par une croissance du PIB (produit intérieur brut) qui est passée de 3,8% en 1990 à environ 10% deux décennies plus tard". En Afrique cependant, "la part du secteur primaire dans le PIB a régressé, pour s'établir actuellement en dessous d'un tiers. Le plus important moteur de transformation de l'agriculture, à savoir la productivité, a augmenté de 38% en Afrique depuis 1990 par rapport à 133% en Chine au cours de la même période".
Pour Carlos Lopes, "l'une des grandes différences entre la Chine et l'Afrique est que la Chine a fait preuve de détermination dans ses politiques et pas simplement de "volonté" pour emprunter une voie qui consoliderait sa croissance et sa transformation structurelle. Ses dirigeants avaient une vision, qui a été couronnée de succès, mais même en Chine, le changement s'impose de nouveau".
Il a cité cinq conditions communes pour une transformation agricole réussie, que l'Afrique n'arrive pas à remplir : la stabilité macroéconomique et politique, l'acquisition de technologies efficaces, l'accès aux marchés, la clarté des régimes fonciers et la facilité de l'initiative industrielle, puis la création d'emplois en dehors du secteur agricole.
A l'Union africaine, les sommets se suivent et se ressemblent : comme c'est déjà le cas avec le conseil exécutif, la future grand- messe des chefs d'Etat et de gouvernement attendue dans trois jours sera ponctuée de plusieurs rencontres formelles et informelles sur des sujets sans rapport avec le thème général des débats.
Avant un sommet spécial du Conseil de paix et de sécurité (CPS), la Guinée-Bissau et l'Egypte ont été réadmises vendredi, après leur suspension en 2012 et 2013, au sein de l'organisation continentale que le Maroc continue de boycotter depuis plus de 20 ans, à la faveur de la tenue dans chacun de ces deux pays d'élections présidentielles considérées comme consacrant le retour à l'ordre constitutionnel interrompu suite à des coups d'Etat.
Ce sera un rendez-vous pour marquer les 10 ans de cet organe mercredi, une journée chargée où sont également annoncés huit autres mini-sommets.