BRASILIA - Après une première phase pleine de promesses, la
France attaque les huitièmes de finale du Mondial dans la peau du
favori face au Nigeria, champion d'Afrique, et va tenter lundi de se
montrer à la hauteur de ce nouveau statut pour poursuivre son aventure
brésilienne.
Le parcours quasiment sans faute des Bleus (2 succès, 1 nul, 8 buts
inscrits, 2 encaissés) mérite mieux qu'une sortie de route prématurée
dès l'entame des rencontres à élimination directe et il serait fâcheux
que tout ce bel édifice s'écroule dès le premier obstacle venu.
Les joueurs de Didier Deschamps ont fait naître trop d'espoirs pour
qu'une défaite à ce stade de l'épreuve ne soit pas considérée comme un
échec. Depuis le barrage retour du 19 novembre (3-0 contre l'Ukraine),
l'image de cette équipe est sur la voie du redressement et ses
prestations battent des records d'audimat à la télévision, suscitant une
attente qui rappelle les années fastes de la génération Zidane et
efface en grande partie le souvenir honteux de Knysna et de la grève de
l'entraînement de 2010.
Le droit à l'erreur est donc infime face à un adversaire certes solide
mais qui ne fait pas partie du gotha international (44e au classement
Fifa), malgré la couronne africaine glanée en 2013. A deux ans de
l'Euro-2016 organisé à la maison, une défaite ruinerait les rêves de
reconquête immédiate et obligerait Deschamps à rebâtir en partie la
maison bleue.
- Le retour de Valbuena -
En cas de qualification, la rédemption serait en revanche totalement
actée avec en point de mire un quart de finale plus qu'alléchant contre
le vainqueur du match Allemagne-Algérie, le 4 juillet au Maracana de Rio
de Janeiro. Quel que soit le gagnant, cette rencontre ne manquerait pas
de symboles pour l'équipe de France.
Ce serait dommage de rater une telle occasion et un tel rendez-vous avec l'histoire dans le temple du football brésilien.
Si les Bleus évoluent au niveau qui a été le leur au cours des deux
premiers matches (Honduras, Suisse), ils n'ont pas grand chose à
craindre des puissants Nigérians. Les six changements effectués avant
l'ultime rencontre du premier tour face à l'Equateur, mercredi, invitent
à en relativiser le résultat (0-0).
Cette fois, Deschamps va récupérer son créateur, Mathieu Valbuena,
celui que les Brésiliens ont déjà adopté en le gratifiant du sobriquet
affectueux de "baixinho" (le petit), le surnom de Romario, le héros
auriverde du Mondial-94.
De quoi alimenter en bons ballons Karim Benzema, le meilleur buteur
français (3 buts dans le tournoi). L'attaquant du Real Madrid est sorti
frustré de sa visite au Maracana, mercredi, mais il aura un rôle crucial
à jouer face au mur nigérian Vincent Enyeama, l'homme qui est resté
1061 minutes invaincu dans ses buts cette saison en L1 avec Lille.
A lui de faire en sorte que ce France-Nigeria ne se transforme pas en
un remake de l'angoissant huitième de finale de la Coupe du monde 98
contre le Paraguay de José-Luis Chilavert (1-0 a.p.).
- Une charnière Koscielny-Varane -
Sera-t-il associé à Olivier Giroud? Le tandem avait mis au supplice les
Suisses (5-2) et semble convenir au profil des Super Eagles. Sinon,
c'est vraisemblablement Antoine Griezmann qui sera aligné côté gauche,
laissant Benzema en pointe.
L'autre incertitude concerne la présence de Paul Pogba dans
l'entre-jeu. Le grand espoir du football français est à la peine dans ce
Mondial et la cote de Moussa Sissoko est au plus haut après sa
performance convaincante contre les Helvètes.
Une chose est sûre: Deschamps va retrouver non sans déplaisir sa sentinelle Yohan Cabaye, qui a purgé sa suspension.
Mais les Bleus devront en revanche sans doute faire sans le héros du 19
novembre, Mamadou Sakho (doublé). Victime d'une élongation à la cuisse,
le défenseur de Liverpool devrait céder sa place à Laurent Koscielny,
qui formera la charnière centrale avec Raphaël Varane. Le Gunner est un
joueur solide mais ses sautes de concentration récurrentes, notamment
celles fatales à Kiev lors du barrage aller (penalty concédé, exclusion
en fin de rencontre), le 15 novembre, sont sources d'angoisse.
Certains Bleus (Bacary Sagna, Morgan Schneiderlin) ont pour la première
fois cette semaine évoqué leur objectif d'aller au bout de cette Coupe
du monde. Le propos était osé et Cabaye n'a pas manqué de calmer les
enthousiasmes vendredi en exhortant ses camarades à "ne pas s'enflammer"
et d'éviter toute "arrogance", sous peine de connaître "de gros
problèmes".
On saura lundi si les Français ont cédé ou non à l'euphorie ambiante et
gardé les ingrédients qui ont fait leur force depuis sept mois: un état
d'esprit irréprochable, une jeunesse sans complexe et une efficacité
offensive retrouvée. Ou si tout cela n'était finalement qu'un beau
mirage.
Via Afp