De même qu’il s’était empressé de réunir pour un semblant de rapport général, tous les officiers de tous les corps au lendemain de l’échec prémédité et organisé du dialogue Togotelecom II, le Prince-héritier vient de faire une autre rencontre, mercredi au camp RIT, de toute l’armée togolaise, précisément au lendemain du rejet par les députés UNIR du projet de loi sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles.
Aucun message particulier et intéressant n’était prévu pour ses soldats et hommes de troupe.
Alors que les policiers attendent toujours que leur statut spécial soit adopté pour leur conférer de meilleures conditions de vie et de travail.
Alors que les militaires, les gendarmes et gardiens de préfectures continuent de tirer le diable par la queue du fait des traitements salariaux dérisoires et des injustices flagrantes dont beaucoup font l’objet, l’héritier du feu général leur parle de la réorganisation de l’armée. Il leur parle de sa fermeté face à ceux qui ne se montreront pas disciplinés et rangés, patati-patata...
Que craint-il réellement ? Qu’est-ce qui le fait autant courir derrière cette armée alors qu’il ne se résout guère à lui assurer un mieux-être, elle qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui ?
Qui, sous le règne de Faure Gnassingbé a mis pied au palais de la Présidence a dû se rendre compte du niveau de mendicité avancée des éléments la garde présidentielle qui n’hésitent pas, face à la faim et au besoin, à quémander 200 ou 300fcfa pour manger quelques boules de pâte chez la bonne dame qui fait la cuisine derrière la clôture du palais.
Comment peut-on laisser dans cet état de précarité, des gens qui sont chargés d’assurer la sécurité et donc de protéger la vie du premier responsable du pays chez qui, en principe, le beurre et le miel coulent à flots ?
Tout compte fait, c’est à ces laissé-pour-compte que le fils du père a parlé mercredi au camp RIT, sur un ton particulièrement sévère, de son intention de frapper dur tous ceux qui oseront se montrer indisciplinés. Il parle ainsi comme si le ventre affamé avait les moyens d’avoir des oreilles.
Mais une question s’impose. Faure Gnassingbé est-il en train de comprendre que tout le forcing qu’il fait pour torpiller les lois de la République, dribbler les acteurs politiques et les syndicats, se jouer de tout pour se maintenir dans le fauteuil de son père commence réellement à agacer tout le monde y compris les éléments de l’armée sur lesquels il compte le plus ?
Quel est l’intérêt de cette rencontre inédite entre lui et les forces armées togolaises ce mercredi au camp RIT au moment où ses ministres l’attendaient pour le conseil des ministres ?
Sans pour autant chercher à trouver des réponses à ces questions légitimes, l’on observe simplement une chose : Le Prince est dans une logique effrénée de règne absolue sur le Togo, il a pris un goût démesuré au pouvoir qui l’empêche désormais de garder raison.
Mais au même moment, il se rend compte qu’il n’a pas les moyens de justifier ce désir vorace et inextinguible de règne. Solution, il procède par intimidation, par coups de force.
Oui, l’absurde rejet lundi du projet de loi sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles procède de ce coup de force qui ne repose sur rien de raisonnable ou même de logique. Il n’y a aucune logique dans ce que le pouvoir a fait lundi à travers les députés de la majorité. Pourquoi ?
Simplement parce que le principe des réformes en question était déjà acquis depuis le jour où Fambaré Ouattara Natchaba a signé au nom du pouvoir, l’APG à l’hôtel du 2 février devant témoins.
Les discussions sur ces réformes étaient déjà amplement menées et le principe de leur mise en œuvre était d’emblée acquis. En réalité il n’était plus question de mener un quelconque débat sur la possibilité ou non de faire les réformes.
Il était précisément question de trouver les formules appropriées pour leur mise en œuvre. La question de la limitation de mandat n’était plus à débattre, elle était acquise. Il en est de même pour le mode de scrutin. Le débat devrait donc se situer sur lequel des modes il fallait adopter en dehors de celui qui est pratiqué aujourd’hui.
Alors, que le pouvoir vienne dire au peuple togolais et à la Communauté Internationale qu’il a rejeté le projet de loi sur ces réformes est sans doute une absurdité qui, non seulement révolte mais surtout indispose gravement la quasi-totalité des togolais. Ce plan malsain de rendre caduque les prescrits de l’APG est un coup d’épée dans l’eau qui ridiculise le pouvoir en place et met à nu toute son incohérence.
Il nous semble que le Prince-héritier en a finalement conscience. Il sait parfaitement qu’à la suite de ce faux-fuyant, la grogne a grimpé d’un cran y compris dans l’armée. Que faire dans un tel contexte où les privilèges et avantage ainsi que la gloire du pouvoir ont complètement oblitéré le bon sens et la raison que l’on lui connaissait au départ ?
Aura -t-il, pour longtemps encore, les moyens d’étouffer cette révolte et ce ras-le-bol généralisé dans le pays au moment où sa marge populaire se rétrécit au jour le jour ? Ces dribbles, ces faux-semblants et ces tromperies dont son pouvoir s’est rendu coutumier pourront-ils endormir pour longtemps encore les togolais ? Seul le temps nous permettra de répondre à toutes ces questions.