La future Cour africaine de justice et des droits de l'homme ne pourra pas poursuivre des chefs d'Etats et de gouvernements en exercice. Les dirigeants des pays membres de l'Union africaine (UA), réunis la semaine dernière en sommet à Malabo (Guinée équatoriale), en ont décidé ainsi.
Les dirigeants se sont bien gardés de communiquer sur cet article 46 bis a, qui confère l'immunité aux chefs d'Etat durant la totalité de leur mandat, y compris pour des chefs d'inculpations de génocide, de crimes de guerre, et de crimes contre l'humanité. Aux chefs d'Etat et de gouvernement en exercice, mais aussi à tout autre haut représentant de l'Etat, en fonction des responsabilités exercées, ce qui est particulièrement vague. Un vaste panel de responsables africains pourrait donc profiter de cette mesure.
Pour l'heure, les statuts de la future Cour africaine de justice et des droits de l'homme, qui sont en cours de rédaction, ne disent rien sur les relations avec la Cour pénale internationale (CPI), dont le siège se trouve à La Haye. On ne sait donc pas si cet article pourra permettre à des chefs d'Etat africains d'échapper à la CPI qui pour l'heure ne préfère pas commenter. Quoi qu’il en soit, l'article 46a bis limite le champ d'action de la future cour africaine à des responsables qui ne sont pas en exercice. Les chefs d'Etat africains n'ont eu de cesse de vilipender la CPI ces dernières années, car elle n'a jusqu'ici, inculpé que des Africains.
Un immense pas en arrière
Elle a aussi maintenu les procédures visant Uhurru Kenyatta et William Ruto, malgré leur élection à la tête du Kenya. D'où peut-être la volonté de l'UA d'accélérer le chantier d'une cour de justice aux compétences élargies à l'échelle du continent africain. Mais les organisations de défense des droits de l'homme, depuis l'adoption de cet article, accusent les dirigeants d'organiser leur propre impunité, et dénoncent un immense pas en arrière.
Ceci étant, la Cour africaine de justice et des droits de l'homme est loin d'être opérationnelle. Ses statuts devront d'abord être finalisés et ratifiés dans leur globalité par au moins quinze Etats membres de l’UA.