Le samedi 21 juin, la romancière togolaise Noun Fare a dédicacé son second bébé “Les Rivales”. Son premier coup d’essai, “La sirène des-bas-fonds ” a été un “coup de maîtresse” et le best-seller des éditions Awoudy. C’est dans la fraîcheur de son bureau et avec une franchise sans bornes, qu’elle s’est confiée à la rédaction d’Africa Rendez-vous. Elle met le doigt sur une situation que de nombreux togolais évitent, mieux, discutent sur le bout des lèvres : «l’homosexualité ». Lisez plutôt !
Bonjour, devrons-nous vous appeler Marthe Fare ou Noun Fare ?
Eh …Noun Fare pour la romancière, Marthe Fare c’est pour la journaliste.
Qu’est-ce qui motive ce choix ?
C’est le choix de l’éditeur. Au début je ne signais même pas Noun Fare, je signais dream girl à l’époque, j’étais encore toute naïve. Quand le premier texte était prêt, je suis allé voir l’éditeur. Je lui avais demandé s’il n’était pas mieux que je signe Marthe Fare. C’est plus court et les gens me connaissent plus sur ce nom. Et l’éditeur m’a dit non, « j’ai vu sur facebook que tu t’appelais Nounfoh Fare. » En France les gens avaient du mal à prononcer mon nom Nounfoh et ils avaient trouvé le diminutif Noun. Et l’éditeur m’a dit que Noun est un prénom plus court à retenir. Nous nous sommes mis d’accord et c’est depuis ce jour que je signe Noun Fare.
“La sirène des bas-fonds” a été votre première production littéraire…
C’est le premier texte que j’ai publié. J’avais d’autres textes et j’ai encore d’autres textes qui dorment dans mes ordinateurs. C’est le premier texte que j’avais choisi de publier. C’est mon texte essai.
Quel a été le feed-back de vos lecteurs ?
Ouh… Je n’ai eu que des retours positifs que je qualifierai de flatteur, mais en même temps je me demande si cela est flatteur quand le nombre d’exemplaires édité a été épuisé. Actuellement, il y a une réédition de cette nouvelle. Les lecteurs me disent que “La sirène des-bas-fonds ” se lit très vite et qu’il est difficile d’en interrompre la lecture quant on commence. Ils disent aussi que l’histoire est intéressante, et qu’elle est au-delà de la moyenne de tout ce qui est publié à Lomé. Oui les retours sont flatteurs, mais comme on dit « apprenons que tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute. » Est-ce que je vis au dépend des autres ? Je n’en sais rien. Personnellement, j’ai soumis le texte à des ainés, des écrivains plus expérimentés que moi, qui m’ont dit qu’il y avait de la matière, mais ils auraient préféré que j’en fasse un roman plutôt qu’une nouvelle.
A-t-il été difficile d’accoucher “ Rivales ” ?
Je dirais oui et non. J’ai fini la rédaction il y a un an et demi, alors que je finissais mon Master. Et quand je suis rentrée à Lomé, je l’ai présenté à mon maître en écriture, Kangni Alem, qui a préfacé “La sirène des-bas-fonds ”. Il me dit « non ton texte finit de manière paresseuse, il faut le ré-ouvrir». Il m’a dit que le problème avec nous, les jeunes écrivains, c’est que lorsque nous sommes fatigués de ce que nous avons à faire, nous lâchons le texte en plein milieu, en tuant le personnage ou en le rendant fou.
Et Kangni Alem me dit « non tu n’arrêtes pas là, tu as l’air fatigué donc repose toi et ré-ouvre ton livre ». Jean Paul Akakpo, celui qui a fait la critique du roman pendant la dédicace, m’a confié que l’on sent deux forces dans le texte. Il m’a dit « tu as commencé à un moment et tu es tombée, et à un moment donné, l’histoire a repris. Je crois que tu l’as écrit en deux temps ». Après il a fallu plusieurs corrections avant la publication. Et cela m’a pris presque deux ans.
Dans le roman, il est difficile de distinguer la réalité de la fiction. L’exemple des noms des quartiers est en ce sens révélateur.
Je crois que si vous suivez les rues que je trace dans le roman, vous aboutirez à des endroits qui existent. Ce que j’ai voulu faire, c’est tenir le lecteur par la main, l’amener à des endroits qu’il connaît. A l’origine, j’ai voulu faire découvrir la ville de Lomé à travers le roman. A un moment de la rédaction, cela a pris le pas sur le propos, donc il a fallu l’enlever, mais je voulais que le lecteur se reconnaisse dans les lieux du roman, lieux qu’il connaît déjà dans la vie réelle. Sauf que quand le lecteur n’est pas togolais ou n’est pas un habitant de la ville de Lomé, cela ne lui dit extrêmement rien.
« Chikita se moquait tout le temps de mon immaturité (…) Une fois, elle m’allongea sur son lit. Après m’avoir dénudée, elle toucha avec délicatesse le bout de mes seins naissants. (…) j’avais senti un frisson me parcourir le bas-ventre (…) Elle avait continué par explorer mon corps avec le bout de sa langue (…) » Cette scène est assez érotique. « Rivales » est-il un roman pour adultes ?
Non ! La littérature n’a pas d’âge limite. Moi j’ai commencé à lire des romans érotiques quand j’étais en classe de CE2 (Cours élémentaire deuxième année). Chacun lit ce qu’il veut lire dans ce roman. Pour un enfant, quelqu’un qui n’a jamais vécu un acte sexuel, il imagine mais il ne vit pas. Il ne comprend pas tout ce que je décris. Par contre pour un adulte qui a vécu un acte sexuel, il revit la scène. J’admets que c’est provocateur. Je voulais décrire ce qui est proche, je voulais aussi taquiner le lecteur dans son intimité. C’est un peu comme « Hermina » (Hermina, 2003, Paris, Gallimard) de Sami Tchak (écrivain togolais), que j’ai lu à plusieurs reprises pour retourner dans l’univers du roman.... suite de l'article sur Autre presse