C’est sur une note d’optimisme béat que les états généraux de la presse tenus à Kpalimé du 30 juin au 02 juillet ont clôt leurs travaux.
En témoigne justement le communiqué de la HAAC rendu public lundi se félicitant du succès franc que cette rencontre entre acteurs de la presse togolaise a connue.
En témoignent aussi les réactions des organisations de presse qui voient en ces états généraux, l’heureuse occasion pour résoudre pour de bon, les multiples problèmes qui minent le secteur des médias au Togo et hypothèquent leur professionnalisation.
En témoigne enfin, le positivisme prôné par Mme Germaine Kouméalo Anaté, ministre de la Communication qui promet de tout mettre en œuvre pour matérialiser dans le concret les recommandations issues de ces états généraux de la presse au Togo.
Elle s’est présentée en femme de défis, pensant à juste titre que la mise en œuvre des recommandations de ces états généraux constitue un autre défi qui ne concerne pas uniquement l’Etat ou le gouvernement, mais l’ensemble des acteurs du secteur.
En cela, la dame a pleinement raison. Pour que le quatrième pouvoir joue pleinement son rôle et dans les règles de l’art au Togo, il faudra absolument le concours de tous.
Et lorsque l’on fait appel au concours de tous, il s’agit avant tout, de la part des journalistes et de l’Etat, de manifester la volonté de mieux faire et de ensuite développer un désir réel d’aller au-delà de l’existant.
Cela suppose surtout de la part des acteurs de la presse, une certaine forme d’ambition, mais aussi d’audace.
Audace d’affronter avec courage les aléas de la survie qui exposent d’emblée le journaliste à l’achat de sa conscience professionnelle ou à une certaine forme de corruption.
La clochardisation avancée dans laquelle baignent aujourd’hui les journalistes et techniciens de la presse au Togo est un indicateur frappant de ce que le défi de la professionnalisation de ce secteur ne sera pas aisé à relever.
Tout compte fait, tout le monde est unanime pour reconnaître au journaliste togolais le mérite du courage et de l’abnégation. Il suffira en principe du peu pour éclore le secteur, et tout le problème est justement dans la concrétisation de ce peu.
En acceptant d’aller à ces états généraux et en formulant des recommandations précises, les journalistes et acteurs de la presse ont fait une large part de leur part. Le reste est en principe entre les mains des décideurs en occurrence l’Etat qui se doit désormais de manifester sa volonté en agissant réellement pour le compte du secteur. Et c’est là que se trouve le vrai hic.
Le pouvoir du Prince a habitué plus d’un togolais à ses coq-à-l’âne, à ses faux-fuyants, à ses dribbles répétitifs. Les états généraux de la presse assortis de nobles recommandations n’est pas en soi une première au Togo.
Le secteur de l’artisanat avait déjà connu en 2010, son forum à Kpalimé. Des recommandations fortes et rigoureuses avaient été formulées à l’issue des travaux pour réorganiser ce secteur de base et relancer l’artisanat dans notre pays. Jusqu’à ce jour, ces recommandations sont restées dans les tiroirs du ministère du développement à la base.
Depuis 2009, le forum national du paysan togolais se tient tous les ans dans ville en ville. Et chaque forum est assorti d’une liste de pertinentes recommandations pour booster le secteur agricole au Togo. Au départ, tout cela se faisait en présence du Chef de l’Etat qui, dit-on serait l’initiateur de ces rencontres annuelles d’échanges et de partage avec le monde paysan.
Mais l’on constate, aujourd’hui, que toute cette fougue et cet engagement de départ sont progressivement en train de s’étioler. Le Chef de l’Etat brille désormais par ses absences à ses rendez-vous avec les paysans et la plupart des recommandations de ces forums reste toujours théoriques sans aucune forme de mise en œuvre effective.
Pire, la CVJR dont les travaux ont mobilisé autant de moyens humains, financiers et techniques n’a pas encore vu ses recommandations prises en compte par le pouvoir en place. Et pourtant, l’initiative de sa création est prise dans un accord politique avec le concours sérieux des partenaires au développement qui y ont injecté tant de milliards de fcfa.
Le dernier exemple que nous prendrons pour illustrer ce faux-fuyant du pouvoir en place concerne justement l’APG signé en 2006 entre l’ensemble des acteurs phare de la politique togolaise. La quasi-totalité de ses prescrits font encore l’objet de débats, huit ans après.
Alors, lorsque l’on regarde toute cette liste de faits, il y a lieu de s’interroger sur l’issue que ce pouvoir pourra donner aux recommandations des états généraux de la presse. Avons-nous une seule raison de croire en un avenir prometteur des recommandations de ces états généraux ? Objectivement non.
D’autant plus que la mise en œuvre de ces recommandations exige de la part de l’Etat, des moyens financiers. Que ces moyens soient modestes ou non, tout le monde connait la rigidité du dinosaure Ayassor, le tout puissant ministre de l’économie et des finances, à sortir de l’argent surtout à la veille d’une échéance électorale aussi importante que celle de la présidentielle de 2015.
Germaine Anaté avec sa fougue et sa débordante volonté risquera ainsi de rentrer en rixe avec l’homme de Défalé, naturellement sans succès, tant l’homme est reconnu être intraitable sur les questions d’argent.
Mais, il n’est pas exclu que cette fois-ci, le pouvoir fasse exception et c’est sur cette exception que l’ensemble des acteurs de la presse au Togo est obligé de compter.
Autrement, s’il n’y a pas d’exception, si l’aide de l’Etat à la presse doit toujours être décrétée tous les ans au gré des humeurs du Prince, si le pouvoir doit continuer de catégoriser les types de journalistes à aider ou à soutenir, si le pouvoir doit continuer à utiliser des journalistes à des fins politiques comme c’est le cas aujourd’hui, ou à neutraliser par le biais de la HAAC, les médias gênants, il restera fort à parier que les états généraux de la presse ont été simplement un autre trompe-œil.