Manque de moyens, politisation à outrance, culture du sensationnel, la presse togolaise se cherche, mais ne s’est pas encore trouvée. Jacques Djakouti, le président du Conseil national des patrons de presse du Togo (CONAPP) reconnaît les problèmes. Il préconise un regroupement des titres pour tendre vers la viabilité – plus de 400 périodiques sont actuellement publiés -, la création de messageries, la professionnalisation du secteur et un soutien plus actif de l’Etat.
Republicoftogo : Trop de presse tue la presse. Le volume des journaux publiés au Togo est exponentiel. La plupart vivotent et sont obligés de s’appuyer sur un sponsor privé ou sur un parti politique pour s’en sortir. N’est-ce pas un risque pour la liberté de la presse ?
Jacques Djakouti : Il y a effectivement une floraison de journaux. Le Togo compte plus de 400 titres, 80 stations de radio et 12 chaînes de télévision. C’est trop pour ce petit pays de 6 millions d’habitants.
Le champ publicitaire est trop restreint pour toutes ces publications. Nous invitons l’ensemble de la presse écrite à aller vers un regroupement pour constituer de véritables entreprises de presse. Il y va de leur survie.
Republicoftogo : La plupart des journaux font de l’opinion et non de l’information. D’autres utilisent leurs colonnes pour diffamer ou publier de fausses informations. Quel constat dressez-vous ?
Jacques Djakouti : Je ne dirai pas que certains utilisent leurs colonnes pour diffamer ou pour insulter. Ils font de l’information. Mais le Togolais est habitué au sensationnel. Dès que les médias évoquent des sujets économiques, environnementaux, etc…, le lecteur se détourne.
C’est la raison pour laquelle, les titres sont obligés de surfer sur cette vague de l’info à scandale.
Si les journaux donnent dans la désinformation, ils répondent en fait à la demande des lecteurs.
C’est ce qui incite la plupart des journaux à publier des titres ronflants dont le contenu est creux. Cette situation pourra se corriger au fur et à mesure. Nous sommes dans une phase de mutation vers le numérique et vers la presse écrite en ligne qui, à terme, risque de supplanter le papier. C’est le lieu d’inviter les journalistes à être plus professionnels pour assurer la survie des organes pour lesquels ils travaillent.
Republicoftogo : A chaque fois qu’un journal (ou qu’une radio) est sanctionné pour avoir diffusé de fausses nouvelles ou diffamé des personnalités politiques ou des privés, il y a une levée de boucliers des journalistes qui ameutent les organisations internationales de défense de la presse et crient à la censure. Trouvez-vous cette situation normale ?
Jacques Djakouti : Il est vrai qu’il y a certains médias qui versent dans le mensonge et dans la diffamation. Mais en tant que journalistes, notre rôle est de réagir dès qu’il y a un problème et d’évaluer les responsabilités de chacun. Combattre l’arbitraire, si c’est avéré, est naturellement notre vocation
Republicoftogo : Le marché publicitaire est trop étroit pour faire vivre l’ensemble des journaux. De surcroît, on ignore quelle est leur diffusion réelle et donc le lectorat ; ce qui pose un réel problème. Avez-vous la solution miracle ?
Jacques Djakouti : Le problème qui se pose, c’est celui de la distribution des journaux. Il n’y a pas de messagerie. Dès que vous quittez le centre de Lomé, impossible de trouver un journal. Et c’est encore pire à l’intérieur du pays.
L’idée de regroupement évoqué à l’instant permettrait d’avoir de vraies entreprises de presse en mesure d’assurer la distribution nationalement.
L’autre problème, c’est la publicité. Un journal sans publicité ne peut pas survivre. Nous demandons plus de bienveillance de la part des annonceurs.
Republicoftogo.com : Les journaux sont chers. Le Togolais moyen n’a pas la possibilité d’acheter un journal tous les jours. Alors qui lit vraiment la presse togolaise et comment font les publications pour tenir ?
Jacques Djakouti : Les Togolais ne lisent pas, c’est exact. Seuls les Zémidjans se contentent de commenter les titres des parutions. La plupart préfèrent le quotidien national pour parcourir les offres d’emploi ou la rubrique nécrologique. Il y a enfin la location de journaux. Tout cela pénalise les éditeurs et ne contribue pas à bâtir des audiences significatives.
Il est vrai aussi que ce qui est publié n’intéresse pas forcément les lecteurs. Le public est fatigué par la politique, il veut autre chose. Aux responsables des journaux à se réinventer pour répondre aux souhaits des lecteurs.