Il faut le reconnaître, le Premier Ministre du Togo, Gilbert Arthème Kwesi Séléagodji Ahoomey-Zunu s’était bien préparé avant d’aller à l’Assemblée Nationale pour présenter son discours programme devant les députés et avoir en retour leur onction mercredi.
Il savait certainement qu’il ne serait pas à l’abri des critiques et des questions pointues d’autant que lui-même a bonne conscience des creux que la gouvernance hasardeuse du système dont il est le porte-parole a engendré durant l’année écoulée.
Il a donc développé un argumentaire béton, chiffres à l’appui, en même temps que, très habilement, il reconnaissait certaines faiblesses et manquements que son gouvernement entend s’atteler à corriger.
Tout cela était un exercice intellectuellement pathétique et fascinant et à la limite on peut même concéder une certaine honnêteté à l’homme de Kpélé Tchavié.
Seulement voilà, il y a un paradoxe que Ahoomey-Zunu n’a pas pu expliquer aux députés sans doute parce que lui-même ne l’a pas compris.
C’est qu’au même moment où le pouvoir se targue d’avoir fait des efforts surnaturels pour faire face aux différents problèmes et défis qui se posent au pays, c’est exactement en ce moment que, plus que jamais, les syndicats et les organisations de défense des droits de l’homme et de la société civile sont vraiment remontés contre ce même pouvoir.
C’est un peu bizarre non ?
Comment peut-on s’expliquer que malgré le chapelet d’actions allègrement énumérées mercredi par le Premier Ministre à l’Assemblée Nationale, le pouvoir de Faure Gnassingbé puisse se heurter à une telle véhémence des différentes couches socioprofessionnelles du pays alors que c’est bien elles qui sont les principales bénéficiaires de ces supposés efforts ?
Il y a sans doute matière à réflexion. Et la réflexion doit se situer à plusieurs niveaux.
D’abord sur les différents programmes pour lesquels le Premier Ministre dit avoir mobilisé des milliards de francs cfa, quel a été le mécanisme de suivi qui a permis à Ahoomey-Zunu de s’assurer que les projets ont été réellement exécutés comme conçus dans l’intérêt des bénéficiaires ?
Car tout le monde le sait, l’important n’est pas par exemple de commander 21 mille kits pour amortir les charges de la césarienne, l’important est justement de s’assurer que les kits sont effectivement allés aux femmes destinataires ? Quel bilan le PM fait-il de ce suivi si suivi il y a eu ?
Il en est de même pour les pistes rurales dont le Premier Ministre s’est largement vanté. Quel a été le niveau d’exécution effectif des travaux alors qu’il nous revient qu’à peine 30% des travaux avaient exécutés pendant que 18 milliards de fcfa ont déjà été engloutis dans ce projet ?
Mais le vrai nœud du problème entre ce régime en place et les populations togolaises se trouve à un niveau supérieur et il faut développer des facultés de sociologues et d’analystes politiques pour le déceler et le comprendre.
Souffrez que nous le traduisons en termes de questions.
Pendant que Ahoomey-Zunu et son gouvernement engageaient 110 milliards pour l’éducation, 20 milliards pour la santé etc…combien a-t-on sorti du trésor public pour envoyer des missions inutiles à Paris, à Bruxelles, à Genève, à Berlin etc. pour tenter d’acheter les consciences des leaders d’opinion dans ces pays et avoir les faveurs de ces puissances au moment où le régime se montrait particulièrement léger sur des questions de justice et de droits de l’homme dans le pays ?
Combien a-t-on sorti du trésor public pour dépêcher à maintes reprises, des missions à Abuja ou à Bamako pour soit soudoyer les juges de la Cour de justice de la CEDEAO ou pour payer les avocats dans le dossier Kpatcha, soit pour tenter d’arracher en vain des mots à une femme afin de pouvoir noyer un serviteur de la République comme Pascal Bodjona ?
Combien de Milliards, les régis financières et les sociétés d’Etat ont-elles sorti de leurs caisses pour financer les campagnes électorales de UNIR et lui assurer les 62 députés dont il se vante aujourd’hui ?
Combien a-t-on sorti des caisses de l’Etat ou des sociétés d’Etat pour les multiples voyages privés du Chef de l’Etat ou ses multiples chantiers également privés initiés çà et là dans quasiment toutes les villes du pays ?
Combien la réparation du tort causé aux 9 députés injustement éjectés de l’Assemblée Nationale a pu coûter au trésor public et donc au contribuable togolais ?
Combien celle de Kpatcha Gnassingbé et coaccusés coûtera aux togolais ?
Combien les finances ont été obligés de débloquer pour rembourser les fonds spoliés aux femmes commerçantes à l’aéroport de Lomé par les agents véreux de l’ANR et qui a ensuite été dilapidé de façon immorale, éhontée et irresponsable par les mêmes agents et leurs chefs hiérarchiques ?
Combien les ruptures abusives de contrats avec Togo Electricité ou avec jean Tissen coûte au trésor togolais ?
Combien de milliards ont pu être détournés sur les financements des partenaires comme ONUSIDA, la Banque Mondiale destinés à des projets et qui n’ont pas été exécutés dans les normes ?
La liste de ces questions est longue, très longue au point où l’on serait prétentieux de pouvoir les énumérer toutes ici. Voilà donc qui frustre et révolte.
Par simple souci d’élégance et de décence nous ne donnons pas les réponses à ces questions pour laisser le soin à nos dirigeants d’y réfléchir.
Mais si l’on doit s’exercer à comptabiliser tous ces errements et ce qu’ils ont coûté au peuple togolais, l’on se rendra naturellement compte que les prétendus milliards que le PM dit avoir engagé dans l’intérêt du peuple en un an, sont plutôt infimes et insignifiants.
Que nos dirigeants en jugent par eux-mêmes et comprennent qu’en ce 21ème siècle où la technologie et le sens d’observation ont vraiment évolué, tout se sait y compris les actes que l’on pense poser dans la plus grande discrétion.
Que Ahoomey-Zunu ne se trompe pas. Le jour où le système dans lequel il s’est englué avec ses ministres apprendra à prendre de la hauteur et à poser des actes dignes qui, plutôt que de coûter cher à l’Etat, rapporteront au contraire de l’argent, il pourra être en harmonie avec le peuple.
Sinon, c’est un abus de langage que d’affirmer qu’on a la confiance du peuple alors qu’aux législatives il s’est bien révélé que le pouvoir ne peut compter que sur 30% de l’électorat togolais. C’est sans doute un bon sujet de méditation pour Faure Gnassingbé s’il a encore des ambitions pour la perspective 2015.