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Au Togo, du système D à la 3D
Publié le vendredi 11 juillet 2014  |  RFI


© Autre presse par DR
Afate Gnikou (photo), concepteur d’une imprimante 3D fabriquée à partir de déchets informatiques


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Prouesse technique et recyclage à gogo, la première imprimante 3D « made in Africa » est... togolaise !

Vingt petits génies de la débrouille et de l'électronique l'ont montée au quartier de Djidjolé, l'an passé, à Lomé. Ces jeunes bricoleurs, réunis en collectif, soudent, cousent, coupent, collent, assemblent pour créer toutes sortes de machines, automates et objets. Tous ensemble, ils animent un laboratoire de fabrication libre, c'est-à-dire ouvert à tous et communautaire, un FabLab, dans la culture geek. C'est là qu'ils oeuvrent, apprennent, transmettent et partagent l'usage du world wide web, les rudiments de la création hightech et d'entreprise.


Au secours ! Les déchets électroniques envahissent le Togo ! Pas de panique. Les nouveaux as du fer à souder et de la pince à sertir sont là. Ils s'appellent Afate, la Gypsie ou Sika. Les décharges informatiques, ils les ratiboisent, les tournent et retournent... et, au final, les vident un peu. Avec leurs trouvailles, ils créent. Des imprimantes 3D presque 100% recyclées, des systèmes d'arrosage automatiques et leurs casiers pour faire sa salade en ville toute l'année, des bidons remplis... d'unités centrales, d'ordinateurs donc, prêts à être démontés et remontés, à loisir.

Avec ces jeunes de Lomé - ils ont 20 ans, en moyenne -, l'avenir du low high tech - de la technologie de pointe à bas prix -, au Togo, est assuré. Et le recyclage des dépôts de matériel technologique usagé tout droit venu d'Europe amorcé.

L'initiative de cette aventure écolo-technique revient à Koffi Sénamé, un chercheur togolais en architecture et en anthropologie, basé en France, à Paris. Depuis ses trois dernières années de vacances à Lomé, il n'a pas chômé. Sur ses fonds personnels, il a lancé des campements de réflexion sur la vie urbaine et les villes du futur, « intelligentes », bien sûr. Des sessions fréquentées par des étudiants et chômeurs de Lomé, aussi bien que par des professionnels et adeptes du monde entier.
A force de palabrer, il a fallu construire, réaliser les robots et automates imaginés. Et entraîner les jeunes loméens à la concrétisation de leurs rêves et projets. C'est comme ça que le Woelab est né.

Le Woelab... qu'est-ce que c'est?

« Woe » veut dire « fais-le », en langue mina, parler majoritaire sur la côte togolaise dans la région de Lomé. « Lab » vient de laboratoire. Et le concept du Woelab s'inspire des laboratoires de fabrication libres de droits, ouverts à tous et communautaires qui essaiment à travers le monde entier depuis les années 90's, et leurs débuts au très prestigieux MIT, Massachussets Institute of Technology. Ces laboratoires libertaires sont connus à l'international sous le nom tiré de l'anglais : FabLab.

Le Woelab de Lomé, installé à Djidjolé, rassemble vingt jeunes de 14 à 33 ans, ni informaticiens, ni ingénieurs. Ils sont juste curieux, bricoleurs, débrouillards et passionnés. Et ils sont animés par l'envie d'améliorer leur vie grâce à la technologie la plus avancée, même si c'est du recyclé.

Les adulescents du Woelab s'essaient ensemble à l'art très complexe de la programmation de logiciels, de la modélisation d'objets en 3D, de la mise en ligne de sites Internet, de la cartographie 2.0, de la communication en ligne, du tri sélectif, de la production de machines... et de la commercialisation de leurs services et produits. Le Woelab est une école de la science, de la technique, de la mécanique, de l'électronique, de l'écologie, de l'informatique... autant que du business, du management et des relations avec le public.

Un investissement géant

Pour les membres de ce collectif, c'est un investissement géant. Avec très très peu de rentrées d'argent. Mais, à l'image de Sika, les Woelabers trouvent bonheur : « Avant, je n’étais pas « connectée ». Aujourd’hui, je suis sur les réseaux sociaux, j’ai appris la programmation de cartes-mères - les Arduino -, l’utilisation de plusieurs logiciels, la modélisation. Ca me sert dans ma vie quotidienne, ça facilite mes études. J’ai été formée à l’infographie et au web-design, au Woelab, et du coup, je suis en avance sur mes cours », constate Sika, ravie, qui étudie l'architecture.


« Et j'ai fait des rencontres. Je suis en contact avec de grandes personnalités togolaises et étrangères depuis Terres, la start-up dont je suis responsable au Woelab, et qui est vouée à la commercialisation de nos automates d'arrosage pour l'agriculture urbaine », ajoute-t-elle. Terres a, en effet, gagné le premier prix de l’innovation au forum des jeunes entrepreneurs du Togo, à Lomé, fin 2013, un prix remis par des personnalités de la capitale. (7000 euros ont été versés au projet, un butin partagé entre toutes les composantes du Woelab, conformément à l'esprit du collectif). Ce coup d'éclat à l'instar de celui sur l'imprimante 3D a ouvert les portes du Woelab à l'international. La reconnaissance des autres FabLab ne s'est pas faite attendre. Les jeunes inventeurs sont régulièrement invités à participer à de grands colloques à travers le monde. Faute de visa, rares sont ceux qui peuvent y aller, mais les contacts restent.

Koffi Sénamé est fier de sa pépinière. Il ne compte plus l’argent dépensé dans le Woelab. « C’est comme pour un bébé, je ne compte pas », assure-t-il. « C’est un programme social. Le Woelab rend des services sociaux. Et à ce titre, il a même vocation à être repris par l’Etat togolais ou des ONG, et duppliqué », enchaîne le fondateur du Woelab, qui ne veut dépendre d'aucune aide de la part d'organisations ou d'institutions, tant qu'il est en charge du laboratoire. « Nous sommes une communauté indépendante », déclare Koffi.


Il faut payer le loyer, l'électricité, la connexion Internet...

Le Woelab ne « mange pas l’amour » pour vivre. C'est-à-dire qu'il ne peut pas vivre uniquement des poubelles électroniques de l'Europe sous lesquelles croûlent Lomé. Il faut payer l'électricité, le loyer du laboratoire, la connexion Internet (beaucoup plus chère qu'en Europe pour les Togolais), des moteurs neufs et quelques pièces de première main (importées d'Europe) pour booster les créations de la communauté... et les rendre commercialisables.

Car la parade à ce besoin de liquidités, c'est de vendre les productions du Woelab. Un défi plus grand encore que celui de construire ou d'inventer. En effet, les Loméens ne sont pas prêts... et surtout, pour la grande majorité, n'ont pas les moyens. Investir dans le low high tech n'est pas encore, là-bas, d'actualité, et encore moins une priorité. Même si au Woelab, on ne manque pas d'idées pour se développer et intéresser... et on ne lâche rien!

«L’activité qui marche le plus et nous permet de rentrer quelques sous, c’est Nativ, de la stratégie numérique. Cette activité vise à donner à un événement, une empreinte numérique, une visibilité sur le web. Mais les jeunes gagnent rarement plus de 15 euros chacun lorsqu’ils tweetent et relaient l’info sur le web pour un festival, par exemple », constate Koffi Sénamé, conscient des difficultés à commercialiser les services et produits du Woelab.

Le laboratoire a impulsé quatre autres startups dévolues à la commercialisation : la W.Corp, pour les imprimantes 3D et ordinateurs recyclés, Terres, déjà citée, pour le matériel destiné à l’agriculture urbaine, Nativ, Zuloo, qui vend de la création de sites web et des infographies, et Modela, spécialisée dans la cartographie.

Six imprimantes en stock

Déjà six imprimantes 3D ont été produites au Woelab dans les six derniers mois. Des robots améliorés puisqu’ils contiennent des éléments neufs : « une carte de programmation Arduino, coûtant 75 euros, impérative pour faire fonctionner l’imprimante 3D, bien sûr, et aussi un moteur neuf, car ceux des décharges sont souvent irrécupérables, ainsi que quelques pièces métalliques pour arrêter le bras d’impression. En tout, la fabrication d’une imprimante 3D nous revient à 300 euros, aujourd’hui », détaille Koffi Sénamé.
Ces imprimantes 3D sont destinées à la vente ou à la location au Togo uniquement, car elles ne peuvent passer les barrières douanières, contenant des composants « empruntés » à Microsoft et compagnie.

Pour acheter les pièces neuves nécessaires à la fabrication et salarier exceptionnellement les six constructeurs de ces machines, le Woelab a réussi à trouver des fonds, sans se dévoyer. Deux campagnes de financement participatif européen sur Ulule lui ont permis de réunir près de 7000 euros, plus qu’espéré. C’est avec cet apport que le Woelab a aussi pu faire venir de France un confrère, concepteur d’imprimantes 3D. Sa mission? Former les vingt participants au Woelab aux logiciels associés aux imprimantes 3D, logiciels qui permettent d’imaginer et de formaliser l’objet qui sera crée par la machine.


D'ici peu, le Woelab compte établir des conventions avec les cybercafés du quartier. Koffi espère que les imprimantes 3D feront sensation et qu'elles rapporteront.

Le Woelab envisage encore de louer ses unités centrales, celles abritées dans des bidons en plastique, à l’Etat togolais, une possible source d’autofinancement. « Pour réussir leurs examens, les étudiants en informatique togolais démontent et remontent des ordinateurs. Il faut donc une énorme quantité de matériel le même jour.

L’Etat cherche à louer des ordinateurs et s’adresse souvent aux cybercafés, pas toujours très enthousiastes à l’idée qu’on touche à leurs unités centrales. Nous, nos ordinateurs sont issus de la récupération, donc ont déjà été montés, démontés et remontés. Ils ne craignent rien, et sont facilement accessibles dans leurs bidons. Nous pourrions très bien les louer pour les examens », explique Koffi Sénamé. « Notre prochain marché, c’est l’école », espère-t-il. Le Woelab est d’ailleurs déjà présent dans un collège proche de son local.

«On apprend aux élèves qu’est-ce qu’un ordinateur et on monte avec eux une imprimante 3D», précise Koffi Sénamé. Depuis les vacances scolaires, quatre collégiens continuent à suivre les ateliers du Woelab, à Djidjolé, une alternative hightech aux devoirs d’été.



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