Son BTS en Commerce international en poche, la jeune fille s’établit à la campagne où elle installe une unité de transformation de manioc et un centre de formation pour jeunes filles dénommé CAFIJ-FIL (Centre Agro de Formation Industrielle des Jeunes Filles Leaders), le tout grâce au soutien du FAIEJ (Fonds d’Appui à l’Insertion Economique des Jeunes). Aujourd’hui, entrepreneure accomplie, Mlle Ouro-Agoro ne regrette pas son choix et conseille la jeunesse à lui emboîter le pas. Allons à la découverte de cette perle rare à travers l’interview que voici!
Votre parcours, parlons-en !
Je suis diplômée de BTS en commerce internationale depuis 2009.
Après mon BTS, j’ai fait des stages, mais je ne trouvais pas d’emploi fixe. Alors je me suis dit, pourquoi ne pas se lancer dans le commerce de gari et tapioca ? Donc j’allais à Tabligbo pour chercher ma marchandise et revenir à Lomé pour la revendre aux bonnes dames à Adidogomé.
Je me suis rendu compte un jour que mon affaire se faisait avec 50.000 F Cfa. Mais avec moins de moyens, les dames chez qui je m’approvisionnais, vendaient tous les dérivés du manioc : du gari (petit et gros grain), du tapioca, des cossettes , les épluchures de manioc… Elles faisaient plus de bénéfices que moi. Moi je ne vendais que du gari. Alors je me suis dit, pourquoi ne pas plutôt appendre à fabriquer ces produits et m’installer aussi. Ma maman à Aflao, m’a appris la fabrication de ces produits dérivés du manioc.
J’avais l’idée, mais comment m’installer ? Il me fallait des machines et leur coût n’était pas à ma portée. Alors grâce à la presse, j’ai appris qu’un fonds est mis à la disponibilité des jeunes; c’est le FAIEJ. Alors, je me suis approchée de FAIEJ, qui m’a aidée dans l’élaboration de mon plan d’affaires. Après, j’ai été financée pour avoir mon entreprise.
Etait-il facile pour vous de débuter cette activité ?
Rien n’est facile dans la vie. Si la volonté y est, on peut y arriver.
J’ai fait des prospections. J’ai été à Avétonou, à Agou Gadjagan, à Tsévié, à Adétikopé, pour pourvoir trouver le lieu adéquat pour l’implantation de mon entreprise. Il me fallait un lieu où il y a plus de matière première. Il me faut une zone rurale pour réaliser la transformation du gari.
Le lieu d’implantation de l’entreprise et les moyens de transports étaient les difficultés majeures qui se dressaient sur mon chemin.
Comment l’acquisition de l’espace s’est faite finalement?
Permettez-moi encore de dire merci au FAIEJ. C’est grâce aux fonds du FAEIJ que j’ai pu mettre sur pied mon projet: la location à Adétikopé, le secteur de production, le bureau et toutes les machines, les études faites par l’ITRA. Ces études m’ ont permis de savoir ce qu’il me fallait pour la transformation du manioc.
L’ONG CAEP-Togo m’a aussi soutenue avec des ordinateurs pour mon bureau.
Comment est-ce que vous arrivez à vous en sortir dans ce domaine négligé par les jeunes ?
Beaucoup me le déconseillaient au tout début. Ils disaient que ce n’est pas bien de rester dans une ferme. Le métier exige de faire comme les villageois, d’ être ensemble avec eux pour gagner leur confiance; par exemple être ensemble avec eux au champ pour déterrer le manioc. C’est le même problème que je rencontre j’ aborde les jeunes filles de Lomé pour qu’on travaille ensemble. Elles ne veulent pas venir travailler dans un milieu rural. Mais moi, j’aime la terre et tout ce qui est à l’état pur. Je crois que c’est ce qui m’a permis d’embrasser rapidement ce métier. Et je ne regrette absolument pas mon choix. Avec le manioc, je me fais beaucoup de bénéfices. Avec les feuilles de manioc, on prépare la sauce, avec la tige, on fait des boutures et la racine sert à fabriquer du gari et tous les produits dérivés. Bref, on ne perd rien sauf l’eau du tubercule qui sort au cours de la transformation.
En chine, le manioc est utilisé comme du bio carburant. J’ai de grandes ambitions, un jour on aura aussi du bio carburant au Togo.
Le gari est considéré comme un aliment de pauvres; arrivez-vous quand-même à l’écouler facilement sur le marché ?
Dans le gari, il y a la force. On a de l’amidon, du glucide. Aux gens qui pensent que c’est un aliment de pauvre, moi je dirai que c’est plutôt un aliment de riches. Je considère tout le monde comme riche, sauf ceux qui se considèrent eux-mêmes pauvres. Je crois que la vraie question qu’ils devraient se poser se situe au niveau de la qualité du produit. La différence entre notre gari et ceux des autres sur le marché, c’est l’hygiène.
Vos produits sont-ils vendus au Togo uniquement ou vous les exportez également ?
Aujourd’hui nous sommes arrivés à une étape où nous emballons nos produits… Suite à l’exposition que nous aurons à faire grâce au FAEIJ, avec les salons internationaux, nous aurons des contacts qui vont nous permettre de toucher le marché international. Avec le temps nous exporterons nos produits. Nos produits sont de qualité . Nous ne faisons pas la concurrence aux bonnes dames.
Combien de personnes employez-vous? ?
Actuellement, deux permanents et quatre temporaires. Suite au programme AIDE, l’ANPE (ndlr: Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi) s’engage à nous donner des commerciaux pour écouler nos produits.
Le FAIEJ nous a donné un fondement solide en entreprenariat à travers des formations. Il nous assiste aussi à travers des suivis. Le problème majeur à mon niveau , c’est le transport qui me revient cher.
L’innovation de l’entreprise est notre pain. Grâce à la farine fine, nous arrivons à faire du pain. Je voudrais donc m’associer avec un autre boulanger pour développer cette activité. Il nous faut aussi des fonds.
Des conseils ?
Les jeunes doivent prendre conscience. L’Etat a assez fait, et continue de le faire. Si on veut, on peut y arriver. J’ai commencé par de petits métiers, comme la vente de bouillie, d’Akpan…
Il faut que la jeunesse change de mentalité: les villageois aussi ont besoin de nous.