S’il a battu tous les records de la torture et de méthodes portant atteinte à l’intégrité physique comme système d’interrogatoire, le Colonel Massina est déjà, discrètement, de retour à l’Agence Nationale des Renseignements, ANR depuis quelques mois. Si, pour garder tout le silence, aucun décret publié ne fait cas de son retour, il a retrouvé son fauteuil alors que celui qui assurait son intérim est parti pour une année de formation au Maroc.
Retour aux interrogatoires ensanglantés ?
ANR, Agence Nationale des Renseignements du Togo, équivalent de Services Secrets, s’est illustrée, ces dernières années comme une machine à torture, notamment dans les affaires délicates comme celle de coup d’Etat supposé d’un frère du président de la République. Dans cette affaire, une dizaine de personnes ont subi, pendant des années, des tortures d’une sauvagerie inégalable pour se livrer à des aveux utilisés contre eux lors du procès. Avec la pression de diverses ambassades mais aussi la mobilisation de la société civile et des organisations de défense de droit de l’homme, l’instigateur principal des faits a été brièvement écarté.
Ainsi, le Colonel Massina s’est retrouvé au Maroc pour une formation qui n’aurait duré qu’une année. Mais alors que l’élection présidentielle de 2015 s’approche et que le chef de l’Etat sortant a besoin d’une équipe « serrée et prête à tout » pour l’aider dans la reconquête de la victoire, l’officier est désormais de retour dans son ex-maison. Clandestinement!
Retour sans tambours…
Alors qu’il a fini, avec mention passable, son stage à l’école de guerre du Maroc, le Colonel Massina est rentré au pays et a retrouvé discrètement son poste. S’il n’a jamais été reconfirmé à la tête de l’ANR par décret présidentiel comme l’aurait voulu la loi, il a tout de même retrouvé son fauteuil et toutes ses prérogatives avec une seule obligation : consulter le chef de l’Etat en personne pour toute décision importante et ne gérer aucun dossier «délicat » sans l’avis de Faure Gnanssingbé. Selon deux sources internes concordantes, «aucune disposition anti-torture n’a été mise e veille à l’ANR », ce qui sous-entend qu’un retour des vieux démons n’est pas totalement écarté. Pis encore, la note d’obligation qui lui a été notifiée ne précise pas le sens exact de l’épithète « délicat », ce n’est ne facilitera pas la limite des dérives quand on connaît la nature du sulfureux officier.
Désormais, Massina est retourné aux affaires et a affecté certains de ses collaborateurs, notamment ceux qu’il soupçonne d’une « promiscuité » trop avancée avec Tchakpélé Aklesso qui a assumé son intérim et qu’il a toujours eu en horreur.
Alors qu’en pleine formation l’année dernière, le Colonel était rentré au pays pour les funérailles de son frère, le président Gnassingbé l’avait prévenu qu’il n’avait pas l’intention de le retourner à l’ANR. Entre temps, le prince de Lomé II a changé d’avis et en multipliant en juin dernier des rencontres avec les forces armées à l’occasion du Rapport général de l’Armée, en multipliant des initiatives à l’endroit de l’armée et notamment des officiers supérieurs, Faure veut à la fois s’assurer du soutien des hommes en treillis mais aussi compter sur la grande muette à l’occasion de l’élection présidentielle imminente. Le rôle, parfois ambigu qu’a toujours joué l’armée togolais dans le processus politique, son influence permanente et « sa force de frappe » font qu’il vaut mieux l’avoir avec soi, Faure a appris la leçon. Dans ce cas, des officiers comme Massina, quelque soit ce qu’on leur reproche, devrait progressivement retrouver toute leur influence, ne serait-ce que le temps du scrutin.
Commandant Tchakpélé : expédition chérifienne ?
Tchakpélé Aklesso. Commandant des Forces armées togolais, ce natif de Yadè est ce qu’il y a de plus israélien dans la grande muette togolaise. Formé dans diverses écoles d’Israël, on le dit « calme et tempéré », animé par « une importante culture de service et une disponibilité totale » selon un extrait de son carnet militaire. Son obsession pour le perfectionnisme, son goût pour le service lui a valu des démêlés avec une femme du chef de l’Etat togolais au point où la presse a fait échos de ce qu’il aurait été « giflé » par l’influente dame qui l’accuse de « complicité libidinale » avec le président de la République. Sa mutation à l’ANR a été d’ailleurs perçue comme une récompense après ce que la presse locale a assimilé à l’humiliation. S’il a assumé pendant un an l’intérim du Colonel Massina, lugubre officier tortionnaire à la tête de la principale entité des renseignements, il lui a aussi succédé à l’école de guerre du Maroc, jouissant de la bourse militaire offerte au Togo. Alors qu’après la période d’intérim, il paraissait normal qu’il soit titularisé au poste de Directeur général de l’ANR, il a été surpris d’apprendre qu’il doit quitter le Togo pour un an de formation, suivant le parcours marocain de Massina. Certains expliquent ce départ inattendu comme une sanction pour » manque de zèle » et une difficulté hiérarchique à « gérer les hommes de mains du Colonel dont certains, au fil des années, sont devenus dans la boite, plus royalistes que le roi » pour paraphraser un détracteur de l’officier tortionnaire.
Rappelons que dans la plus grande affaire de torture, l’Etat togolais a été condamné par la cour de justice de la Cedéao et a dû verser, il y a quelques mois, la somme de 500 millions de cfa aux victimes, à travers l’Asvito, l’association qui les représentait. Depuis, à Genève lors de l’Examen Périodique des Droits de l’homme, le Togo a pris l’engagement de mettre sur pieds un mécanisme pour éviter le recours à la torture. Mais avec le retour du Colonel Massina, rien n’est moins incertain.