Un adage africain dit : « Lorsque vous n’avez rien de bon à dire, il est préférable de vous taire ».
Dans le cas des propos que nous nous proposons de décrypter dans cet article, le silence du pouvoir du Togo était de loin préférable aux incohérences développées jeudi par Georges Aïdam, le premier vice-président de l’éternel bureau provisoire de UNIR sur RFI.
En effet, il y a juste deux jours que le chef de file de l’opposition togolaise, Jean-Pierre Fabre, en tournée européenne, était invité sur RFI sur la question du rejet par la majorité présidentielle du projet de Loi sur les réformes constitutionnelles.
L’opposant a été très clair et a étalé avec pertinence, la duplicité et le faux-fuyant dont le pouvoir du Togo a fait montre à travers le rejet par sa propre majorité de ce projet de loi pourtant introduit par le gouvernement du Togo.
Les accusations de Fabre reposaient sur des faits évidents et indéniables que le pouvoir incarné par le Prince-héritier a eu à poser et qui reflètent clairement la difficulté que ce pouvoir a pour avancer sur la question de ces réformes institutionnelles et constitutionnelles au Togo.
En réponse à ces accusations graves, le pouvoir a choisi Gorges Aïdam, Premier vice-Président de l’éternel bureau provisoire de UNIR pour répondre à Fabre en lieu et place du gouvernement, propriétaire attitré du projet de loi rejeté.
Dans sa réponse justement, Georges Aïdam dit que les députés de la majorité ainsi que le pouvoir en place n’ont pas compris pourquoi les députés de l’opposition ont soutenu que la limitation de mandat présidentiel préconisé par le projet de loi devrait être d’application immédiate et donc c’est pour cette raison que les députés de la majorité ont rejeté purement et simplement le projet en question.
Il va jusqu’à mentir que le principe de la non-rétroactivité des lois est connu de tous surtout en matière constitutionnelle. A ce niveau déjà, posons-lui une question simple :
Lorsque Eyadema Gnassingbé, père de Faure Gnassingbé avait fait modifier la Constitution par ses députés en 2002, s’est-il immédiatement présenté à l’élection présidentielle de 2003 ou pas ? A l’époque le principe de la non-rétroactivité de la loi constitutionnelle n’était pas acquis ? Une vraie comédie de plus !
Passons et analysons la suite du développement du Premier vice-président de l’éternel bureau provisoire du parti au pouvoir. Lorsqu’il accuse les députés de l’opposition d’avoir soutenu que la loi en question serait d’application immédiate et que c’est pour cette raison que la majorité a préféré son rejet, il y a lieu là aussi de lui poser une autre question :
Qu’est-ce que le projet élaboré et envoyé par le gouvernement lui-même disait concrètement pour qu’aujourd’hui le pouvoir soit tenté de porter l’accusation sur l’opposition ?
Le projet dit en substance que le mandat présidentiel est limité à deux et qu’en aucun cas, nul ne peut faire plus de deux mandats. Le dispositif élaboré et envoyé à l’Assemblée Nationale par le gouvernement lui-même n’est-il pas suffisamment clair?
A supposer que le projet en question était voté en l’état, Faure se serait-il prévalu de deux mandats ou pas ? Et s’il se représentait, il ne violerait pas la condition d’éligibilité du Président qui voudrait que personne ne se prévale de plus de deux mandats?
Alors, si le gouvernement voulait que la loi ne soit pas d’emblée rétroactive pourquoi n’a-t-il pas inséré un autre dispositif qui verrouille ce débat sur la rétroactivité de cette loi à l’Assemblée Nationale ?
C’est sans doute parce que les concepteurs du texte en question ont compris de bon sens que la loi est impersonnelle et qu’il n’était pas sain de vouloir réduire sa dimension impersonnelle à une personne si Président et si puissant soit cette personne.
Mais jusque-là ce n’est pas grave. Ce qui par contre est très grave, c’est la tendance de Aïdam et de l’ensemble des tenants du pouvoir à penser que ces réformes étaient une faveur que le pouvoir ferait à l’opposition. En réalité il y a lieu ici de s’interroger sur ce que veulent vraiment faire Faure Gnassingbé et ses amis de la volonté du peuple togolais.
Il faut peut-être leur rappeler que c’est ce peuple qui déjà en 1992 s’était majoritairement décidé, à travers le référendum, à limiter le mandat présidentiel à 2 en vue de voir l’alternance se réaliser au Togo.
Et quand bien-même de façon malhonnête et indécente, Fambaré Natchaba et ses amis ont unilatéralement modifié ce dispositif en 2002, le peuple l’a à nouveau réitéré à travers la CVJR dont les recommandations sont encore gardées dans les tiroirs depuis plus de deux ans. Alors de quoi parlons-nous ?
Quel mal le parti au pouvoir trouve-t-il à ce que Faure Gnassingbé cède le pouvoir en 2015 après ses deux mandats réalisés à la suite de son père qui a déjà consumé 38 ans au pouvoir avant de mourir ? UNIR ne peut-il pas avoir un autre candidat à part Faure Gnassingbé ?
Comment peut-on limiter la gestion du pouvoir aux avantages, aux privilèges et à la gloire qu’elle procure plutôt que de la comprendre dans sa portée la plus noble qui est de rendre service au peuple ?
Si Aïdam et ses amis du pouvoir concevaient le pouvoir comme un service à rendre au peuple, son raisonnement ne serait pas rempli d’autant de légèretés et d’incohérences.
Et Faure lui-même, que pense-t-il du pouvoir ? Trouve-t-il juste vis-à-vis du peuple et des immenses intellectuels que regorge ce pays que lui et son père fassent plus de 50 ans à la tête du Togo avec autant de gourmandise et de gloutonnerie sans jamais donner la chance à d’autres talents d’émerger ?
Comment lui, un jeune intellectuel de sa trempe peut, comme son père défunt, se confiner dans cette conception familiale et primaire du pouvoir au point de penser lui-aussi qu’il ne faut jamais laisser le pouvoir au risque de ne plus le retrouver ?
Par ailleurs, le premier vice-président de l’éternel bureau provisoire de UNIR n’avait aucunement besoin d’esquiver la question de la candidature de Faure Gnassingbé en 2015 puisqu’en s’accrochant à ce principe de la non-rétroactivité de la loi, il en découle d’évidence que l’on veut, par tous les moyens, donner une chance à Faure de briguer un troisième mandat. Vouloir donc entretenir un flou sur cette question est forcément inintelligent et même irresponsable.
D’autre part, la journaliste a bien fait de rappeler à Aïdam, les recommandations formulées par la mission d’observation de l’Union Européenne à la suite de l’élection présidentielle de 2010. Et à la question de savoir en quoi le cadre électoral a-t-il été amélioré depuis 2010, Aïdam n’a pas trouvé d’autres moyens que la fuite en avant et le dilatoire.
Si le pouvoir en place est tant sûr de lui, si Faure Gnassingbé a la conviction de tenir son pouvoir de la majorité du peuple, qu’est-ce qui l’empêche de poser des actes concrets qui garantissent la transparence effective des élections et leurs résultats au Togo pour couper court avec les contestations et les incessants soupçons de fraudes électorales ?
C’est donc vrai que sans la pression de l’opposition et de la communauté internationale Faure Gnassingbé et ses amis n’auraient jamais envisagé les réformes politiques au Togo ? Quelle honte !!!
Mais alors, que veulent-ils faire avec le livre blanc qu’ils viennent de signer pour faire croire au peuple qu’ils vont mettre en œuvre les recommandations de la CVJR ? Vraiment le ridicule ne tue plus au Togo.
Comment Faure Gnassingbé pense-t-il mettre en œuvre les recommandations de la CVJR en échappant au verrou sur la limitation de mandat présidentiel, farouchement recommandé par le peuple ?
Comment espère-t-il donner un sens à ces recommandations en esquivant les conditions de transparence des scrutins au Togo ? Il faut juste observer que le Prince et ses amis du pouvoir sont pris en étau, de part et d’autre. Ils ne pourraient opérer aucune résistance, tenir aucun raisonnement cohérent sans tomber dans le ridicule et la déraison.