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M. Akakpovi Gamatho, président de la Cour d’appel du Togo : «La Cour Suprême est en train d’aller au renouveau»
Publié le dimanche 20 juillet 2014  |  Focus Infos


© Autre presse par DR
Akakpovi Gamatho, président de la cour suprême


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Après le lancement de la directive sur l’éthique et la déontologie du magistrat, l’opinion attend les magistrats à l’œuvre. Le président de la Cour suprême, M. Akakpovi Patrice Gamatho, très attaché aux pratiques qui promeuvent une justice juste, équitable et indépendante, ne se fatigue guère pour appeler les siens à l’intégrité et à la crainte de Dieu dans l’exercice de leur métier. Dans cet entretien, il réitère sa vision de la justice, rappelle ses attentes des principaux acteurs de la justice, et dénonce le manque de professionnalisme dans la conduite de certaines procédures. Un entretien fort intéressant à lire en intégralité…


Focus Infos : Trois mois après le lancement de la directive sur l’éthique et la déontologie du magistrat, peut-on déjà noter les premiers indices de l’impact de cet important outil sur la pratique quotidienne de la justice par les magistrats ?


GAMATHO Akakpovi : Je voudrais d’abord remercier pour l’opportunité que vous m’offrez d’aborder certains sujets d’importance concernant la justice togolaise. Aussi, faut-il vous féliciter pour votre dynamisme. Revenant à votre question, je pense qu’il est trop tôt de parler du bilan de l’impact du lancement, le 27 mars dernier, de la Directive sur l’Ethique et la Déontologie du Magistrat. Néanmoins, je puis vous signaler la saisine récente du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) de deux plaintes émanant du Ministre de la justice contre deux magistrats, ce qui témoigne de la volonté du Garde des Sceaux de passer avec le CSM à la phase de l’application des règles déontologiques que les magistrats ont, eux-mêmes, adoptées.


F I : Personnellement, quelle réaction vous suscite ces deux plaintes et comment allez-vous les traiter?
A G : Ma réaction, c’est que ces deux plaintes, suivies le 27 juin dernier, de sanctions infligées par le Conseil Supérieur de la Magistrature prouvent déjà que nous n’entendons pas ranger cet important outil dans le tiroir. C’est l’occasion d’inviter les collègues à s’auto discipliner pour éviter des surprises désagréables.

F I : Pouvez-vous nous rappeler les principes clés de cette directive qui promeuvent une nouvelle dynamique professionnelle?

A G : Les six (06) principes clés qui promeuvent une nouvelle dynamique professionnelle au sein du corps des magistrats sont, l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité, la dignité, le respect du principe de l’égalité de tous devant la justice, la compétence et la diligence.

F I : Dans un monde dominé par le mensonge, la corruption, l’hypocrisie et intrigues de tous genres, les magistrats peuvent-ils tenir dignement cette culture spirituelle, et comment?
A G : Il est vrai que nous exerçons notre profession dans un monde imprégné de mensonge et d’hypocrisie, d’intrigues de tous genres certes, mais si chaque magistrat, quelle que soit la nature de sa culture spirituelle, s’engage à semer le Bien, la magistrature togolaise va bientôt redorer son blason terni. Il s’agit fondamentalement de nous référer à notre serment pour :
- Faire toujours ce qui est droit. Etre droit dans nos paroles, nos attitudes, nos relations avec les collègues, les justiciables, les auxiliaires. Cette droiture se remarque vite dans un monde imprégné de mensonge et d’hypocrisie, d’intrigues de tous genres. Elle montre, à n’en point douter, un des caractères de DIEU, la bonté ;
- Aimer la bonté. La bonté nous conduit à chercher le bien des justiciables en les traitant, à chaque instant, sur un pied d’égalité sans nous laisser envahir par l’indifférence ou le mépris tout en exerçant fermement, le cas échéant, l’autorité que requiert notre mission, le tout avec amour ;
- Aimer l’Amour. L’Amour ne fait rien de malhonnête ; l’Amour ne cherche pas son intérêt ; l’Amour ne fait pas le mal ; l’Amour a une grande capacité d’écoute ; l’Amour se réjouit de la Vérité.

F I : A l’instar du ministre de la justice, vous êtes connu pour être très attaché à la pratique de la justice basée sur la crainte de Dieu.

A G : C’est ma conviction. Elle est ferme. C’est justement pour cela que j’affirme qu’au-delà de nos obligations légales, notre culture spirituelle, quelle qu’en soit la nature, permet de comprendre que nous ne pouvons rien faire de nos propres forces. Celles-ci sont forcément limitées, s’agissant de simples êtres humains très marqués par notre petitesse, notre fragilité devant la grandeur du CREATEUR, le Véritable Juge qui nous a fait l’honneur de nous confier la mission de rendre la justice des hommes. C’est pourquoi, loin de moi l’idée de chercher à heurter la conscience spirituelle de mes chers collègues, avec toutes mes excuses et tout le respect que je leur dois, je nous invite instamment à la sainte crainte de DIEU dans l’exercice de notre mission que je considère comme sacrée.


Nous le savons tous : DIEU aime le bon droit et la justice ; sachons aussi qu’il nous interpelle, chaque jour, en des termes suivants :
« Je donnai, dans le même temps, cet ordre à vos juges ; écoutez vos frères, et jugez selon la justice les différends de chacun avec son frère ou avec l’étranger. Vous n’aurez point égard à l’apparence des personnes dans vos jugements ; vous écouterez le petit comme le grand ; vous ne craindrez aucun homme, car c’est Dieu qui rend la justice ; vous ne porterez atteinte à aucun droit ; vous ne recevrez point de présent, car les présents aveuglent les yeux des sages et corrompent les paroles des justes ; vous suivrez ponctuellement la justice afin que vous viviez… ». Oui, ‘’afin que vous viviez’’ ! Ces paroles, nous pouvons les relire et les méditer dans le livre de Deutéronome 1 :16-17 ; 16 : 18-20. Sûrement, c’est en nous appuyant sur Notre Créateur qui nous a appelés à cette difficile mais noble mission que nous pouvons la réussir. Je voudrais ainsi, avec humilité, partager avec mes chers collègues, ma petite expérience en la matière. Que chacun soit constamment à sa tche avec amour, humilité, détermination et nous réussirons à sortir ensemble la justice de l’ornière, à la satisfaction des justiciables, des hommes et des femmes de bonne volonté. Ne nous leurrons pas ; un jour, nous rendrons compte de la façon dont nous avons rendu justice aux faibles, aux puissants, aux pauvres, aux nantis, aux orphelins, aux veuves, etc. N’oublions jamais que le juge est le dernier recours pour tout homme qui ne sait plus à quel saint se vouer.

F I : Parlons de la gestion des juridictions, on peut déplorer dans certains cas un manque de professionnalisme, qu’en dit le Conseil supérieur de la magistrature ?
A G : Je partage cet avis. Je n’en veux pour preuve que certaines décisions annulant récemment des actes d’instruction. C’est parfois le manque de professionnalisme qui en est la cause. Avant toute décision de justice et en cas de doute, il faut toujours relire attentivement le texte de loi applicable à la matière concernée. C’est en cela qu’on évite les erreurs de procédure qui ont un impact négatif sur le règlement rapide des affaires. Le Conseil Supérieur de la Magistrature déplore certaines violations flagrantes de la loi. Je pense que lorsqu’elles sont intolérables, le ministère de la justice peut raisonnablement traduire en conseil de discipline, les magistrats concernés. Il faut qu’on en arrive là aussi.

F I : Une magistrature disciplinée qui inspire confiance et respect, seule entreprise des magistrats ?
A G : Une magistrature disciplinée qui inspire confiance et respect, n’est pas seulement l’affaire des juges. Il est vrai que nous avons un grand rôle à y jouer mais c’est aussi l’affaire de tout le monde. C’est la raison pour laquelle le C.S.M. est en train de s’organiser pour la publication prochaine d’un Document sur les Droits et Devoirs des justiciables pour la nécessaire émergence d’une nouvelle mentalité caractérisée par la culture de la primauté de la loi par tous, la promotion de la déontologie chez tous les magistrats, le respect des autorités et des décisions de justice par tous les citoyens sans exception. C’est là une autre forme d’expression de l’Etat de Droit. Et c’est très important pour la paix sociale.

F I : La première session de la Cour d’assises de Lomé, en tant que président du Conseil supérieur de la Magistrature, avez-vous échos de comment la justice y est rendue ?
A G : Je salue le courage et la détermination des collègues de la Cour d’Appel de Lomé, aidés de temps en temps par les collègues des tribunaux du ressort de cette juridiction. Je me réjouis davantage parce que cette session est arrivée à juger la quarantaine d’affaires inscrites au rôle. Ce rythme salutaire ne peut que soulager les détenus poursuivis pour des crimes divers et qui seront désormais fixés sur leur sort. Mon souhait est d’inviter chaque président de Cour d’Assises à bien jouer son rôle, aussi bien lors des débats qu’au moment des délibérations, car de la bonne gestion de ces différentes phases, dépendra la qualité de la décision finale. Les jurés doivent être bien éclairés afin de se prononcer en toute connaissance de cause et c’est le rôle du magistrat qui préside l’audience. L’enjeu majeur, c’est que l’innocent doit être acquitté tandis que le coupable mérite punition pour sa réinsertion sociale. L’exigence de l’harmonie sociale nous l’impose.

F I : On semble oublier une question importante, Monsieur le président, comment se porte la cour suprême du Togo aujourd’hui ?
A G : La Cour Suprême est en train d’aller au renouveau. Aux dires de nos aînés admis à la retraite, c’est la première fois que la Cour Suprême du Togo a pu organiser cette année, sa Rentrée Solennelle. Et à cette heureuse occasion, nous avons pu reprendre, avec l’appui financier du P.N.U.D et le soutien technique de certaines bonnes volontés, la publication des arrêts de la Cour Suprême du Togo que nous voulons désormais pérenniser. A cet égard, nous venons de mettre en place un comité scientifique chargé de recenser les arrêts présentant un intérêt pertinent en vue des prochaines publications.
Bientôt, le Site Web de la plus haute juridiction en matière judiciaire et administrative sera aussi lancé. Je peux signaler, par ailleurs, que le nombre d’affaires enrôlées et jugées, devient de plus en plus élevé grce à la détermination des collègues que je tiens à féliciter pour leur sérieux au travail. Je les encourage à plus d’efforts pour servir de modèles à nos collègues des juridictions inférieures. Mais nous avons à déplorer l’effectif réduit du Parquet Général près la Cour Suprême et je crois que ce problème pourra être résolu en 2015 si Dieu le veut.

F I : Quelle appréciation faites-vous de la récente invitation du Togo à valider la déclaration de reconnaissance de la cour africaine des droits de l’homme ?
A G : Le Pouvoir judiciaire est garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. Je crois que le Togo est en train de faire des efforts en termes de promotion et de protection des droits de l’homme. La déclaration de reconnaissance de la Cour africaine des droits de l’homme serait un effort de plus.

F I : Un mot de fin, monsieur le président ?
A G : D’abord, je voudrais remercier tous les magistrats pour leur mobilisation individuelle et collective en vue d’un mieux-être collectif qui est en train de se mettre en place mais aussi, pour le lancement officiel le 27 mars 2014 de la Directive N° 001/2013/C.S.M sur l’Ethique et la Déontologie du Magistrat, une œuvre commune qui fait la fierté du corps des magistrats. Je crois que cette Directive, fruit de la volonté commune, ne sera pas un vœu pieux d’autant que notre désir partagé s’analyse désormais comme un combat légitime et nécessaire pour l’émergence d’une nouvelle dynamique professionnelle.

A cet égard je rappelle :
Aux chefs des Cours et Tribunaux, la nécessité légale de préparer et d’organiser chaque année, des assemblées générales, instances appropriées pour mettre à profit l’expertise de chaque magistrat en vue d’une meilleure gestion des juridictions dans l’intérêt bien compris de tous ceux qui ont besoin du service de la justice.
A tous les magistrats, la nécessité de s’auto-discipliner à tout point de vue pour contribuer ainsi à rebtir une magistrature disciplinée qui inspire confiance et respect.

Ensuite, au sujet de l’effort récemment consenti par le Gouvernement concernant notre condition de vie et loin de moi l’idée de m’immiscer dans la vie privée de mes chers collègues, je me dois d’attirer leur attention sur la nécessité d’être vigilants et prudents par rapport au montant des prêts bancaires que nous pourrions raisonnablement rembourser sans trop de dégts au risque d’être contraints de recourir à des pratiques désobligeantes par lesquelles certains dénonçaient le caractère dérisoire de nos traitements.


Enfin, j’encourage tous les acteurs judiciaires à se dépasser dans l’intérêt supérieur de la justice togolaise pour qu’après nous, l’on puisse s’exclamer ainsi: « Quand ils étaient arrivés, il n’y avait pas de justice. Quand ils sont partis, il n’y a plus d’injustice. »
Je vous remercie !


(Source : reflets du palais)


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