Cette année encore, en ce mois de juillet, la tradition a été respectée en pays Kabyè. Du 12 au 19 juillet, les rites traditionnels Evala ont eu lieu dans les 14 cantons que comprend la préfecture de la Kozah.
Occasion pour les natifs de ce milieu et des estivants de se retrouver dans une ambiance festive où les jeunes ont exhibé leurs bustes et démontré leur force physique et leur endurance dans les arènes à travers les luttes.
L’éclat folklorique et festif de toutes ces cérémonies a été amplement rehaussé, cette année encore, par la présence effective du Président de la République, Faure Essozimna Gnassingbé, lui-même originaire de ce milieu.
A cette heure où ces luttes ont pris fin et que le tout monde est en train de regagner son lieu de résidence, il nous paraît judicieux de revenir sur le sens profond qu’incarnent ces rites initiatiques séculaires propres au peuple Kabyè.
En effet, les Kabyè sont un peuple par essence vaillant qui, au départ vivait dans un environnement relativement hostile où la recherche du foin exigeait de l’homme, un ardent travail particulièrement physique, mais aussi une intelligence soutenue.
Il fallait à tout prix défricher montagnes et vallées, ainsi que des forêts entières, abattre des arbres aussi robustes soient-ils, pour semer les graines de maïs, de sorgho et tous autres céréales ou tubercules pour s’assurer d’être à l’abri de la faim et du besoin.
Il fallait aussi développer des valeurs d’endurance, de vaillance, de courage, de stoïcisme, d’habileté pour non seulement affronter les bêtes féroces de la brousse lors des chasses traditionnelles, mais mieux encore, résister à l’assaut de l’ennemi éventuel qui pourrait troubler la quiétude de ce vaillant peuple.
Ainsi, l’éducation du jeune Kabyè reposait fondamentalement sur l’infusion de ces valeurs et vertus auxquelles ce peuple tient à la fois par nécessité et par conviction.
La formation du jeune procédait donc d’une démarche pratique et démonstrative qui permet d’inculquer significativement et définitivement toutes ces valeurs qui font la fierté du Kabyè. Autrement dit, c’est par l’exemple et la pratique que les Kabyè éduquaient et formaient les jeunes.
Voilà comment, dans cette quête permanente du courage, de l’endurance, du stoïcisme, de l’audace, de l’habileté, de la ruse et de toutes autres valeurs morales et spirituelles, le Kabyè a fini par inventer la lutte physique pour tester le niveau de performance de tout jeune et l’évaluer par rapport à sa caste d’âge.
Il est question et en même un devoir sacré pour tout parent Kabyè de forger une identité digne à son fils dont le rôle est non seulement de protéger la famille dont il est issue et d’assouvir à ses besoins mais aussi, d’être une fierté pour la communauté entière qui doit pouvoir compter sur celui-ci pour la défendre en cas de tout besoin.
Il s’agit justement pour tout parent, d’amener son fils à signer une sorte de pacte social avec sa communauté qui l’engage à s’assumer pleinement et infailliblement dans la défense de celle-ci.
L’on lui apprend précisément à manger à la sueur de son front quelles que soient la rudesse et l’hostilité de la vie. L’on lui apprend à incarner toutes ces valeurs sociales, morales et spirituelles qui lui permettent de grimper les échelons de la vie avec les armes appropriées de combat.
Les luttes traditionnelles Kabyè tiennent donc leur essence de ce désir permanent de ce peuple, de développer chez le jeune des valeurs et vertus dignes qui identifient le Kabyè partout où il passe.
Le fait qu’à l’occasion de son initiation, le jeune est tenu de manger la viande du chien n’est pas anodin ou superflu.
En réalité, le chien est un grand symbole pour le Kabyè. Il représente d’une part la fidélité à son maître, mais mieux encore, il est un bon gardon de maison, toujours vigilent et alerte. Et enfin, le chien est cet animal domestique qui a toujours la rage de vaincre et le désir d’attaque.
Manger donc la viande du chien, signifie pour le jeune Kabyè, s’approprier ses vertus pour agir comme lui dans la vie de tous les jours.
Ainsi, bien plus qu’un simple folklore, les luttes Evala revêtent un sens sacré et immacerscible qu’aucun Kabyè ne saurait négliger dans sa vie active.
En principe, aucun jeune ne peut se targuer d’être un vrai Kabyè s’il n’est pas passé par ce processus initiatique rigoureux d’intégration sociale.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’’il est inconcevable qu’un Kabyè digne de ce nom, suffisamment ancré dans ces valeurs initiatiques de base, vienne à manquer de noblesse et de courage dans les actes qu’il pose tout au long de sa vie active.
Ce descriptif que nous faisons ici sur la formation sociale et spirituelle du jeune Kabyè, les loges maçonniques et beaucoup de religions et sciences initiatiques de l’Orient le connaissent parfaitement.
En vérité et selon les principes de base qui fondent l’identité de ce peuple, l’ingratitude, la lâcheté, la légèreté, la faiblesse, l’immoralité, l’indécence, la cupidité, la peur, le vol et toutes autres carences qui réduisent la dignité de l’homme ne font pas partie de la culture Kabyè.
Les incessants errements et divagations que l’on note aujourd’hui dans les agissements de certains prétendus cadres et intellectuels Kabyè constituent une honte pour ce peuple plutôt exemplaire. Ces petites âmes, par leurs actes indignes finissent par ternir la noble image du Kabyè.
Et pour tout dire, il n’importe pas seulement pour quiconque d’assister évasivement chaque année aux luttes Evala en pays Kabyè. Il est question, chaque fois que l’on voit les images de ces luttes, de se remémorer tout le sens profond et les vertus universelles que ces rites revêtent et s’en approprier autant que possible. Cela participera à forger un salut heureux pour le Togo et l’ensemble de son peuple.