Togo - Me Koko Essiamé Dzoka, avocat au barreau de Lomé vient de publier son 1er recueil de poèmes, intitulé « Le silence des barreaux ».
Avocat, écrivain puis poète, Me Dzoka, passionné de l’écriture, exprime à travers ses verres et la puissante de ses strophes, les réalités d’un monde très peu connu du grand public.
Il passe à la tronçonneuse cette justice à double vitesse caractérisée par la loi du plus fort, les souffrances infligées aux justiciables…
Bref, la lenteur dans les procédures, les procédures viciées, la corruption à grande échelle, etc.
C’est ce tableau qu’a peint Me Dzoka qui ne s’est pas arrêté à une simple dénonciation, mais propose une catharsis pour justice juste, équitable pour tous.
Dans l’entretien qui suit, Me Dzoka rompt totalement le silence, creuse l’abcès et ouvre les portes du barreau à tout le monde.
Afreepress : À propos de la réforme de la justice, que fait aujourd’hui le barreau pour plaider pour cette cause, faire en sorte que les choses aillent beaucoup plus vite à l’endroit des justiciables et surtout des détenus ?
Koko Dzoka : Souffrez que je parle un peu de moi-même dans ce contexte. Il y a quelques années j’étais au conseil de l’ordre et nous avions eu à élaborer un programme par rapport à ces cas que nous avons essayé de dénombrer.
Dans le cadre de ce projet justement, nous avions eu à rencontrer les chefs de juridiction, l’ancien président du tribunal, le procureur près le tribunal, le président de la cour d’appel, le procureur général près la cour d’appel. Nous avions eu une série de réunions sur des problèmes que les avocats rencontrent particulièrement d’une part et d’autre part les problèmes des justiciables qui n’ont pas de conseil rencontrent également au tribunal, à la cour d’appel ou à la Cour Suprême.
Afreepress : À la suite de cet état des lieux, qu’avez-vous fait ?
Koko Dzoka : Ayant fait l’état des lieux, nous avons préconisé un certain nombre de dispositions à prendre pour faire évoluer les choses. À titre d’exemple, quand vous avez un dossier au tribunal et que vous ayez un avocat ou non, le dossier suit son cours jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par le tribunal. Pour en arriver là, ça été un parcours du combattant.
Maintenant la décision est rendue en votre faveur et vous voulez l’exécuter, il faut avoir la décision entre les mains. Pour avoir cette décision entre les mains, c’est un autre parcours du combattant parce qu’il faut à chaque fois aller vers le greffier pour le voir et le relancer. S’il le fait, il doit soumettre la minute à la signature du juge qui a rendu la décision. Ce dernier, compte tenu du fait qu’il a d’autres audiences et d’autres dossiers, fait trainer les choses. Pour avoir une décision entre les mains il faut une semaine ou des semaines, parfois on peut aller jusqu’à des mois et des années parfois avant d’obtenir une décision.
Afreepress : Qu’en est-il des personnes qui sont déjà en détention dans les prisons ?
Koko Dzoka : Pour le cas des détenus, il arrive que des détenus soient oubliés parce qu’ils ont été déposés par une note de service. C’est le cas par exemple de quelqu’un qui envoie une personne qui a eu un problème avec un autre citoyen.
Normalement, c’est un mandat de dépôt qui envoie quelqu’un en prison, mais c’est une pratique qui s’est instaurée. Des fois, quand on fait la note de service, il peut arriver que, compte tenu des occupations le juge oublie qu’il a envoyé quelqu’un en prison. Au parquet de Lomé, il y a de multiples dossiers qui arrivent tous les jours des différents commissariats et brigades de gendarmerie.
Il y a beaucoup de travail et les juges sont submergés. Aujourd’hui, après les nombreuses réunions et même au niveau de la magistrature et aussi dans le cadre de la modernisation de la justice, les notes de service ont été supprimées, mais il y a un autre problème.
Mais il faut avouer que cela ne suffit pas parce qu’il y a beaucoup trop de dossiers pour chacun des cabinets pris individuellement. La modernisation de la justice, c’est vrai, mais on n’a pas encore l’effet qu’il faut. En France par exemple, lorsqu’un avocat fait une procédure qui donne lieu à une décision, il n’a pas à aller chercher le greffier ou connaître quel greffier a été à l’audience le jour-là. La décision est servie à l’avocat dans son casier, ce qui fait que l’avocat ne court pas derrière une décision.
Aujourd’hui, il y a beaucoup de magistrats qui font l’effort de taper leur factum (décision), ce qui fait que certaines fois pour avoir une décision, c’est très rapide, le greffier n’aura qu’à corriger les qualités et les petites coquilles.