Quelque chose d’incroyable et de proprement dégoûtant s’est produit à Atakpamé cette semaine. Le vice-président d’UNIR, M. Georges Aïdam, est allé soutenir dans la capitale de la région des Plateaux, le “Mouvement des enseignants émergés“, une association qui rassemblerait, à en croire les fondateurs des enseignants auxiliaires et des enseignants titulaires.
Qu’est-ce qu’un enseignant émergé ? Pour comprendre ce néologisme, un rapide détour vers la situation de la corporation des enseignants du Togo. Vers le milieu des années 1980, le Togo a fini par payer chèrement l’incompétence et la corruption du régime Eyadèma. Le pays est alpagué par les fourches caudines du FMI et de la Banque mondiale : l’implacable Programme d’ajustement structurel (PAS) est appliqué au pays. Et l’une des conséquences du PAS, c’est la réduction abyssale des budgets sociaux et c’est la fin du recrutement dans l’enseignement, alors qu’il y a un besoin grandissant d’enseignants compte de l’augmentation effrénée de la courbe de la population.
Le gouvernement togolais a trouvé une solution cynique au problème : le recrutement d’enseignants dits auxiliaires. Il s’agit d’une catégorie d’enseignants sous-payés, sans droits et privilèges liés à la fonction (pension, assurance-maladie, etc), vivant dans des conditions misérables. Leur statut a quelque peu évolué pendant le premier-ministère Yawovi Agboyibo. Un décret N°2007-075/PR du 29 juin institue le cadre des enseignants auxiliaires…recrutés par voie de concours. Ce décret leur permet une évolution de leur statut d’enseignants auxiliaires vers « enseignants titulaires ». Les enseignants auxiliaires sont souvent payés à 33.000 CFA voire 40.000 CFA pour certains.
On peut regrouper aussi sous ce statut, les “enseignants volontaires” (EV), qui sont des enseignants employés par les parents et la communauté dans des villages. Ils représentent environ 20 – 27% des enseignants dans le pays et ont un salaire mensuel situé entre 5.000-15.000 CFA, l’Etat se chargeant (depuis 2012) de leur payer un traitement annuel de 90.000 CFA. Le pays compte près de 2000 EV.
Un enseignant émergent est donc un enseignant qui n’est plus auxiliaire et vient d’être titularisé. Par analogie à pays émergent, c’est donc un enseignant qui peut prétendre à un statut de fonctionnaire comblé.
C’est tout ce ramas de personnes exploitées par l’Etat que le “Mouvement des enseignants émergents” compte rassembler pour soutenir Faure Gnassingbé. C’est dire qu’ils sont mobilisés pour soutenir celui qui est responsable de leur misère !
"C’est bien ce qu’ils font, a dit M. Georges Aïdam. Ils comprennent que le président fait beaucoup de choses pour eux. Beaucoup de ceux qui sont appelés peuvent voir leur statut changé".
Georges Aïdam, ancien militant du CAR, passé avec armes et bagage dans le camp d’UNIR. fait fort de s’approprier rapidement les habitudes de la maison, un art de la communication qui consiste à présenter une situation honteuse comme une victoire éclatante. Etre enseignant auxiliaire ou émergent est situation honteuse. Mais Georges Aïdam ne sent pas responsable des conditions des travailleurs togolais.
L’incurie des dirigeants du RPT-UNIR est ainsi. Dans les années 1990, quand le Togo a été classé parmi les Pays les moins avancés du globe (PMA), le gouvernement Eyadèma a considéré que c’était une prouesse. Depuis que le Togo est aussi classé par les Pays pauvres très endettés (PPTE), Faure Gnassingbé, à l’instar de son père, a été satisfait d’un tel classement.