TOGO: Nicodème Habia : « Nous ne voulons plus aller à une élection au Togo pour compter des morts. Il faut une alternance mais une alternance négociée »
Publié le mardi 29 juillet 2014 | Le Télégramme du Togo
Il y a un an, les Togolais étaient aux urnes pour le scrutin législatif.
Dans les mois qui viennent ils seront à nouveau appelés à se prononcer sur le mandat de Faure Gnassingbé. Lui donneront-ils un quitus à poursuivre sa gouvernance ou opteront-ils pour une alternance appelée de
tout leur vœu par certains Togolais ? C’est une question à mille points et bien malin sera celui qui peut y répondre avec exactitude. En attendant ce scrutin, l’ancien député UFC, actuellement président de
l’Action pour les Droits de l’Homme et le Développement Social (APDHDS), Nicodème Habia y va de son analyse de situation, aussi bien sur les douze premiers mois de la nouvelle législature et la dynamique
dans laquelle doit s’inscrire les Togolais avant la présidentielle de
2015.
25 Juillet 2013-25 Juillet 2014, il y a un an les
Togolais étaient aux urnes pour les législatives quelle appréciation
vous pouvez faire de ce qui s’est passé et de la suite des évènements ?
Je peux dire qu’il y a eu beaucoup d’évènements. Mais ce qui est
important, c’est le quotidien des Togolais. En tant qu’homme politique
et défenseur des Droits de l’Homme, j’ai fait mes preuves quand j’étais
au parlement. Même en dehors du parlement, je continue par faire mes
activités de défenseur des Droits de l’Homme. Ça fait juste un an qu’on a
fait les législatives. Je vois ce qui se passe dans notre pays et c’est
pourquoi nous disons que les choses doivent changer, qu’il faut une
alternance dans ce pays mais pas à n’importe quel prix. Nous avons vu
l’exemple des autres pays et nous nous disons qu’il faut une alternance
négociée, maitrisée.
Vous étiez au parlement, quel regard vous jetez sur le travail accompli par les députés de cette la nouvelle législature ?
Les institutions ne sont pas libres. Nous avons un parlement dominé par
le parti présidentiel, dont le président vient également de ce parti.
Les gens nous accusaient que les députés ne faisaient pas de
propositions de loi. Mais ce l’on doit savoir est qu’on a fait beaucoup
de choses dans ce pays. Mais seulement que la majorité au parlement n’a
pas accepté faire passer. Donc, je peux vous dire qu’il y a eu beaucoup
de choses, mais comme l’a dit Sankara Thomas puis repris par Tavio
Amorin, « il faut être fou pour pouvoir poser certains actes ». Il faut
être fou pour pouvoir dire certaines vérités. Donc être député au Togo,
il faut être fou pour pouvoir défendre sa population. Je prends
l’exemple de Sambiri Targone du PDP (Parti Démocratique Panafricain) et
de la Coalition Arc-En-Ciel (allusion faite à ses démêlées avec le
préfet de Dankpen, Dadja Manganawè, ndlr). J’ai eu les mêmes problèmes
dans ma préfecture, avec le préfet et les juges, quand j’étais au
parlement. Ceci pour s’être prononcé sur la question des impôts et taxes
dans les marchés. Et comme l’a dit Barack Obama, on a besoin des
institutions fortes. On n’a pas besoin des hommes forts.
Selon certains Togolais, les députés surtout ceux de l’opposition ont fait ce qu’ils ont pu. Qu’en dites-vous ?
Il y en a qui n’ont rien fait. Je n’étais pas député de la majorité
présidentielle mais les gens ont vu ce que je faisais. J’étais député de
l’opposition mais ce que je faisais chez moi, tout le monde l’a vu. Je
me battais pour ma population. J’ai fait créer des écoles, j’ai fait
faire des fontaines… A mon avis, c’est une question de bonne volonté,
une question de patriotisme. Ce n’est pas parce que le gouvernement ne
donne pas de moyens aux députés qu’on va rester là à ne rien faire. Il
est vrai qu’il faut des moyens mais avec le peu qu’on a, on peut faire
quelque chose. Je vous donne l’exemple de certains pays de la
sous-région où le député a son véhicule de service, son garde du corps…
Prenez l’exemple de l’ancien député de l’UFC, feu Sodahlon, élu dans
l’Est-Mono. Il est décédé suite à son accident en allant à Tohoun, c’est
lui-même qui était au volant de son véhicule, au lieu d’avoir un
chauffeur à sa disposition. Un ministre se déplace avec un garde du
corps et un chauffeur pourquoi pas un député. Pour tout dire, il faut
tout de même penser à donner des moyens aux députés pour qu’ils puissent
mieux répondre aux aspirations de ses élus.
Le dernier sujet qui a fait couler d’encres et de
salives, c’est le rejet du projet de loi portant réformes
constitutionnelles et institutionnelles, par la majorité présidentielle.
Comment faire pour que cette loi soit finalement adoptée ?
Le problème du Togo c’est hautement politique. Ce n’est pas au parlement
que ce problème sera réglé. Il faut que les politiciens se parlent
entre eux pour l’intérêt du peuple. C’est ce qui est important. Le
reste, ce sont des gymnastiques. On n’a pas besoin d’envoyer quoi que ce
soit au parlement. Nous devons parler entre nous, nous pardonner,
penser au peuple. Je donne l’exemple d’un couple. En cas d’erreur de
l’un des compagnons, toute décision est prise en pensant aux enfants.
Dans quelques mois la présidentielle. Dans quelle dynamique doit-on aborder cette échéance ?
Notre désire, c’est qu’il y ait l’alternance. Et cette alternance, je ne
crois pas qu’on pourrait aller à une quelconque élection et dire que
voici, celui-ci a gagné. Il faut des négociations préalables. Nous ne
voulons plus aller à une élection au Togo pour compter des morts.
Réalisée par Mathias G. (Le Télégramme du Togo N°009)