Médecin, spécialiste de santé et sécurité au travail à l’Organisation Internationale du Travail de Turin, Gilbert Tsolenyanu, est le Porte-parole de la Synergie des travailleurs du Togo (STT). C’est la principale force syndicale qui se bat depuis 2013 pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des fonctionnaires togolais. Après l’annonce d’un éventuel mouvement de grève à leur dernière assemblée générale, le porte-parole de la STT répond à nos questions sur leurs prochaines démarches. Interview!
Vos revendications sociales reviennent encore à la page, avec des mouvements de grèves en perspectives. N’est-ce pas possible de régler une fois de bon vos problèmes avec le gouvernement?
Évidemment nous étions en assemblée générale le 18 juillet dernier à Lomé, et l’Assemblée générale a décidé de retenir le principe de rentrer en grève. Mais cela ne se fera qu’après des préalables. Et ces préalables, c’est d’abord de s’assurer de la mobilisation de tous les travailleurs, donc on a fait un appel à cotisation pour recueillir des fonds qui vont nous permettre de pouvoir lancer une tournée sur toute l’étendue du territoire national. Le Togo ne se limite pas seulement à Lomé et nous devons recueillir également les avis, les informations de nos camarades de l’intérieur qui veulent discuter avec nous.
C’est au retour de cette tournée que nous allons organiser une autre grande assemblée générale pour voir ce qu’il faut faire. D’ici là nous espérons que le gouvernement nous invitera à table de négociation, pour que nous puissions en adéquation et en accord avec l’accord d’état signé le 7 octobre 2013 ; discuter des éléments restés en suspend et faire le bilan des accords obtenus. C’est ce qui était prévu. Nous appelons le gouvernement au fait le gouvernement à respecter son engagement. Mais si nous faisons face à un silence chronique de la part du gouvernement, nous serons dans l’obligation malheureusement de mettre à exécution la menace de grève, le principe étant retenu par l’Assemblée générale.
Qu’est-ce qui vous pousse aujourd’hui à vouloir réactualiser la plateforme revendicative de la STT?
Ceci est advenu du fait que nous avons constaté qu’il se faisait un petit jeu de « yo-yo» de la part de certaines autorités ministérielles qui estiment que les acquis obtenus en 2013 ne sont pas choses gagnées. Alors si ce ne sont pas des acquis, du coup ça voudrait dire que la partie gouvernementale remet en cause l’accord de 2013. Nous disons que nous ne nous sentirons non plus concernés si jamais il y a une remise en cause. C’est ce qui justifie la mise à jour de la plateforme initiale de 2013 qui avait été introduite. Voilà ce qui explique la motivation de l’Assemblée générale qui demande que si le gouvernement reste ferme sur sa position de ne pas observer une nouvelle grille avec les deux redressements sur les deux Smig passés, donc autant faire revenir la plateforme initiale qui demande une augmentation de la valeur indiciaire à 100%, une nouvelle grille, une prime de transport celle et de l’allocation familiale.
Vous êtes associé à l’élaboration du document de développement à long terme du Togo, dénommé «Vision Togo 2030». Vous convainc-t-il?
Justement dans la droite ligne de nos revendications syndicale comme on le fait au niveau de la STT, nous-nous bâtons pour avoir un Togo meilleur, un pays où les richesses seront distribuées de façon équitable. Nous-nous bâtons qu’il y ait de l’équité. Et c’est à ce titre que nous estimons qu’il est important que nous puissions apporter notre lecture de la situation sociale et économique, même politique de notre pays dans ce processus qui est lancé. Nous contribuons à ce processus parce que la personne qui conduit ce processus, le Professeur Nubukpo est une personne qui jouit d’une certaine intégrité. Il a d’ailleurs travaillé avec nous sur le document de la Plateforme de la STT soumise au gouvernement en 2013.
Je trouve que c’est un continium pour nous de poursuivre l’œuvre qu’on a entamée il y a bientôt un an ; arriver à poser les bases d’un Togo nouveau. C’est en cela que nous contribuons à ce processus. Et je peux vous dire la main sur la conscience que nous ne nous sentons pas prisonniers d’un stratagème, et que pour nous c’est plutôt le moment que si jamais
des gens rêvaient à un stratagème politique, qu’ils se rendent à l’évidence que le peuple togolais va d’abord concevoir sa propre vision, va se l’approprier, faire en sorte que cela soit traduit dans les actes. Sans vous mentir le Togo ne saurait vraiment se priver d’une vision, parce que par rapport au diagnostique, il est clair que nous naviguons à vue.
D’après vos diagnostiques, quelles en sont les priorités?
La santé, aujourd’hui au Togo, elle est le parent pauvre de pratiquement tout. Il est clair que le budget du Togo consacre une part infime à la santé d’autant puisqu’il y a une obligation aux Etats de l’Union Africaine de consacrer 15% de leur budget à la santé. Ce qui n’est jamais fait au Togo. Nous avons même réaliser une étude sur la contribution du budget de l’État à la santé sur les cinq dernières années, les chiffres sont très édifiants.
Pour ce qui est de la jeunesse, la jeunesse togolaise n’a pas de modèle, elle est laissée pour compte. Elle se cherche à la limite. Nous pensons que c’est quand même un capital en ressources humaines qu’on ne peut laisser comme cela. Si nous on estime qu’on est plus ou moins sacrifié, on a le devoir de faire en sorte que ceux qui nous suivent n’aient pas subi les mêmes affres sous lesquelles nous ployons.
Par ailleurs, le problème foncier, que j’appelle le «nœud gordien», c’est peut-être le prochain grand mouvement qui nous éclater au visage. Le code foncier togolais date de 1906. Vous comprenez qu’il y a un problème, qu’on devrait rapidement aller à un nouveau code foncier mais qu’on ne pourrait pas y aller sans évoquer les problèmes actuels. Quand vous voyez que 90% des logements à Lomé sont faits d’une pièce ou deux, vous comprenez qu’il y a un problème. C’est en cela que nous estimons qu’il est important de préciser les vrais problèmes, n’en déplaisent aux gens qui pensent que ce n’est pas le moment. Je pense que nous allons vers la construction d’un nouveau Togo, et c’est à nous les jeunes de pouvoir s’emparer de cette démarche, de pouvoir s’approprier du pouvoir.
Propos recueillis pour Afrika Express à Lomé, par Eli GOKA