« Car la tyrannie, entre autres privilèges, peut faire et dire ce qu'il lui plaît ».
J'ai reçu, comme certains compatriotes, un commentaire de Jacob Atayi, des propos d'un certain docteur Babina, exprimés sur radio « Kanal K » Fenêtre sur l'Afrique, dans une émission diffusée le 28 juillet. Je comprends parfaitement l'indignation de Jacob Atayi qui intitule son commentaire UNE FUNESTE RHETORIQUE DU DOCTEUR BABINA DE RPT/UNIR SUR KANAL K.
Funeste, car ledit docteur impute à l'opposition togolaise les atrocités commises, les meurtres de 2005 qui avaient permis à Faure Gnassingbé de s'installer au pouvoir hérité de son père.
Que voulez-vous qu'il (s) dise(nt)? Il faut rapprocher les propos de ce docteur Babina de ceux tenus par Georges Aidam, pour qui le « chef de l'État » serait plein de bonne volonté pour opérer des réformes. Et si on demandait à Aidam quels seraient les signes probants de cette volonté, je ne crois pas qu'il soit mieux placé pour éviter l'embarras dans lequel se trouvait Bawara face à la même question, comme on peut le trouver sur Icilome: « 25 Juillet 2014. Le ministre de l'administration territoriale s'est embourbé face aux questions pointues de la journaliste. Il s'est honteusement contredit en faisant croire que le pouvoir UNIR a fait des concessions qui ont pourtant été rejetées par les députés du même parti » . Mais, n'empêche : l'opposition a tort sur toute la ligne. Une autre question qu'on pourrait poser, non à Aidam, ni à Bawara, encore moins à Babina, mais à Gnassingbé lui-même : nous admettons qu'il n'est pas dépourvu de volonté de réformes, mais s'il devait établir une hiérarchie entre la volonté de réformes et celle de la conservation du pouvoir, laquelle passerait avant l'autre? Or, c'est à cela que nous jugerions de la valeur de sa bonne foi.
Si nous appliquons l'aphorisme de Sophocle au Togo, et il y est parfaitement applicable, puisque nous sommes bien sous un régime tyrannique, le pouvoir Gnassingbé a tué et tuera, le pouvoir Gnassingbé a usé de subterfuges et de fraudes pour se maintenir en place et il ne renoncera pas à ces méthodes, le pouvoir Gnassingbé s'est permis les abus qu'il voulait et il s'en permettra d'autres qu'il voudra. Ces défenseurs auront toujours des arguments, si boiteux, si ridicules soient-ils, pour l'innocenter et rejeter le tort sur ses adversaires. L'homme, avant sa disgrâce, le plus acharné à vanter « la détermination » de Gnassingbé à opérer des réformes, c'était Pascal Bodjona. Les défenseurs des réformes de Gnassingbé passent. L'essentiel, c'est que le pouvoir Gnassingbé demeure.
Personnellement, je ne m’emporterais pas, je ne m’indignerais pas devant les arguties sempiternelles dont use ce régime. La solution n’est pas non plus de les tourner simplement en dérision, j’en conviens, même si ce qui caractérise ces arguties est leur allure grotesque, car, derrière le grotesque, on découvre le tragique : il ne s’agit pas seulement des morts, victimes du règne tyrannique d’Eyadema, ni seulement des morts de 2005 et de ceux enregistrés depuis la prise de pouvoir du fils Gnassingbé, du sang de Togolais versé pour permettre à d’autres Togolais de conserver le pouvoir. Au tribut payé en morts, en sang versé des Togolais, il faut ajouter celui de l'exil de milliers de citoyens togolais, payé pour asseoir, maintenir le trône des Gnassingbé. Mais, il s’agit surtout de la mort programmée de la république au Togo, que l’on voudrait remplacer par une monarchie.
Là où les Babina, les Aidam, les Bawara et autres thuriféraires du RPT/UNIR auraient raison, malgré leur raisonnement bancal qui ne convainc personne, c’est quand des opposants, perdant de vue cette nécessité de préserver des vies et de sauver la République vont tout faire pour consolider, sciemment ou sans le savoir, cet État qui voue à la mort citoyens et cité. Preuve : l’État RPT/UNIR rejette toutes mesures de réforme qui contraindraient le clan Gnassingbé à céder le pouvoir. Que fait alors l’opposition ? Bien sûr qu’elle a, dans un premier temps, d’un commun accord, refusé de signer le rapport du dialogue présenté par Mgr Barrigah. Et c’est bien.
Mais, la même opposition, n’a-t-elle pas commencé à se préparer aux élections présidentielles de 2015, comme si les conditions étaient réunies pour lui permettre de les gagner ? Pire, n’est-on pas déjà parti en campagne, chacun de son côté, chacun critiquant, dénigrant l’autre au sein de la même opposition ?
J’ai lu qu’il y aurait déjà, au départ, sept candidats au sein de la coalition Arc-en-ciel ! Combien y en a-t-il au CST ? Combien dans les partis moins connus ? Combien dans les partis satellites ? Combien dans Sursaut-Togo ? Combien d’indépendants ? Combien encore tapis dans l’ombre qui surgiront au dernier moment, ne serait-ce que pour troubler le jeu en faveur de… ?
Combien, au total, de candidats de l’opposition à l’arrivée ? Et, supposons que l’opposition n’obtienne jamais de limitation du mandat présidentiel avec effet rétroactif, ni de scrutin à deux tours (cela m’étonnerait fort que le RPT/UNIR concède ces deux mesures), Gnassingbé se trouvant face à 7,8,10, 20 concurrents, avec une CENI, ordinairement acquise, la fraude en plus et un Conseil Constitutionnel qui n’attend rien d’autre que le moment de le proclamer vainqueur, que va faire l’opposition ? Le ridicule est-il seulement du côté du RPT/UNIR ? Or, le ridicule tue, dit-on communément.
Le champ des arguties, champ du burlesque dont se nourrit le RPT/UNIR, néanmoins tragique et meurtrier pour la nation togolaise est déjà suffisamment fertile. Peut-on demander à notre opposition de ne pas l’engraisser davantage ?