Les choses se précisent au sein de la classe politique de l’opposition. A quelques mois de la présidentielle de 2015, la Coalition Arc-en-ciel, un regroupement de sept (7) partis politiques de l’opposition a pu dégager en son sein un candidat unique en la personne de Me Dodzi Apévon du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR). Ce n’est pas tout, le Collectif « Sauvons le Togo » (CST) est en conclave depuis plusieurs jours avec la coalition dans la perspective de définir une «vision commune » et un candidat unique pour 2015.
Qu’est-ce qui a été déjà fait lors de ce conclave ? Dans un entretien exclusif accordé à l’Agence de presse Afreepress, Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, secrétaire nationale de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) se dit « très confiante que cette fois-ci est la bonne ».
Plusieurs choses permettent à la responsable de la coalition de faire cette affirmation : « ce que j’ai remarqué et qui me réjouit énormément, c’est que même lorsque les discussions par moment sont houleuses, chacun se reprend très vite et tout redevient vraiment harmonieux. C’est comme ça que les discussions ont avancé et continuent d’avancer. Pour moi, c’est révélateur de ce que tout le monde a pris la mesure du danger qui nous guette aujourd’hui et c’est quelque chose qui présage d’un dénouement heureux ».
Pour ce qui concerne les réformes politiques qui n’ont pas pu être faites le 30 juin dernier à cause du vote sanction de l’Assemblée nationale, l’opposition, selon elle, est en train de mettre en place les moyens pour obtenir ces réformes avant la présidentielle.
Afreepress.info : Bonjour madame Brigitte Adjamagbo-Johnson, vous présidez aux destinées de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA), parti membre de la Coalition Arc-en-ciel. Nous avons ouï dire que cette coalition composée de sept (7) formations politiques est parvenue à dégager un cancidat unique, en la personne de Me Dodzi Apévon dans la perspective de la présidentielle de 2015. Dites-nous, est-ce vrai ?
Brigitte Adjamagbo-Johnson : Bien sûr que c’est vrai et j’espère que ça ne vous étonne pas puisque la Coalition Arc-en-ciel, dès sa création, a intégré dans ses objectifs de provoquuer l’alternance en 2015 et a dit qu’à cet effet, elle préconise une action unitaire de l’opposition, une action qui aboutirait à la présentation de listes communes pour les élections législatives et de candidature unique de l’opposition en 2015 à l’élection présidentielle.
Nous avons dans un certain nombre de textes que nous avons fait paraître, et le dernier en date, c’est celui qui a sanctionné la réflexion que nous avons menée au lendemain des élections législatives, où nous avons défini une vision qui précise ce qui est consigné dans notre acte fondateur, cette vision de la candidature unique de l’opposition en précisant qu’à cet effet le moment venu, la coalition aura un candidat à la candidature unique. Pour rester fidèles à cette vision-là, nous avons fait ce qu’il fallait.
Afreepress.info : Comment en êtes-vous arrivés à dégager un candidat unique ? C’est par un choix ou un vote ?
Brigitte Adjamagbo-Johnson : Des candidatures se sont exprimées au sein de la coalition, nous avons défini les modalités de désignation du choix, nous prévu que nous privilégierions le consensus. Des concertations ont eu lieu entre les candidats et ces concertations n’ayant pas pu permettre de dégager un candidat, comme prévu, nous avons procédé au vote. Me Apévon s’est trouvé avec 20 voix, suivie de la candidature de la CDPA en ma personne avec 19 voix et puis du PDP et du MCD. Voilà comment les choses se sont déroulées.
A la CDPA, nous pensons que c’est une étape essentielle qui vient d’être franchie. Notre parti depuis 1992 avait perçu que la résistance de l’adversaire politique que nous avons en face, la durée au pouvoir de cet adversaire qui a eu le temps de vraiment s’enraciner, tout cela fait qu’il va être difficile à combattre si nous ne nous mettons pas ensemble. A la CDPA, nous avions l’impression que les forces de l’opposition se sont fait piéger en demandant et en obtenant le pluralisme politique. Le pouvoir a cédé la-dessus en mettant fin au parti unique et a permis que d’autres partis politiques soient créés mais cela lui a donné les moyens de jouer sur les ambitions légitimes de ces partis. Je dis bien légitimes, pour diviser l’opposition et empêcher que la démocratie s’installe véritablement au Togo. Nous avions aujourd’hui une démocratie de façade et nous avions déjà dit qu’il faut faire comme si on n’avait pas plusieurs partis politiques. C’est ce que nous avions exprimé à travers le fameux programme de Tchékpo, « démocratie d’abord, multipartisme ensuite ». Conformément à cette ligne, nous avons toujours placé le Togo d’abord et nous avons toujours été prêts à faire des sacrifices pourvu que le Togo s’en sorte, qu’il devienne une démocratie et que les bases du développement soient jetées.
Nous avons été très heureux de constater que beaucoup de partis se sont ralliés à un moment donné à cette idée, c’est ce qui a été concrétisé à l’Arc-en-ciel et notre ambition a toujours été d’élargir cette approche.
Afreepress.info : Justement, vous avez compris que l’opposition ne pourra rien devant le pouvoir quand elle n’est pas unie et depuis plusieurs jours déjà, vous avez commencé à discuter avec le CST. Où en êtes-vous ?
Brigitte Adjamagbo-Johnson : Les discussions se passent bien et la CDPA s’en réjouit parce que l’exercice est difficile. Nous avons pu faire un bilan qui est même allé au-delà du temps de collaboration des deux structures, nous sommes remontés à la lutte qui a commencé au début des années 90, nous avons cherché à comprnedre les causes profondes de la division de l’opposition.
Afreepress.info : Y compris les incompréhensions survenues à la veille des législatives de juillet 2013 qui ont conduit l’opposition à se présenter en rangs dispersés à ces échéances électorales.
Brigitte Adjamagbo-Johnson : Y compris les incompréhensions de 2013. Nous nous sommes posé la question de savoir qu’avons-nous fait, comment cela s’est fait que nous n’ayons pas pu avoir les listes comme nous nous sommes expliqués. Les discussions ont été franches, sincères et ont eu lieu dans un climat de sérénité qui pour moi augure d’un aboutissement heureux de cette démarche. Quand chacun a eu à finir de dire ce qu’il avait à dire, nous avons tiré les leçons et nous nous sommes demandé si nous pouvons passer l’éponge.
Afreepress.info : A vous entendre, madame la présidente, on peut dire que la population peut s’attendre cette fois-ci à une candidature unique de l’opposition devant le candidat de l’Union pour la République (UNIR) en 2015 ?
Brigitte Adjamagbo-Johnson : En tout cas, je suis très confiante que cette fois-ci est la bonne et je ne pense pas, de toute façon qu’un parti, au jour où nous sommes, dans le contexte actuel, oserait prendre position contre cette candidature, même si dans nos efforts pour les réformes nous arrivons à obtenir ce que je crois, les deux tours de scrutin, la position correcte à avoir, c’est de se dire nous irons quand même ensemble, nous aurons un seul candidat. Parce que dans la situation actuelle, il est clair que celui qui oserait faire route tout seul, celui-là est dans une logique de faire perdre l’opposition et de faire gagner le pouvoir. Il est dans la logique que le pouvoir doit demeurer après 2015 et par conséquent, il cherche à pouvoir coopérer avec lui. Mais je suis convaincue que les Togolais sont des gens qui réfléchissent, analysent, voient les actes que chacun pose, les populations sauront sanctionner. En tout cas, la CDPA appelera à ce qu’ils soient sévèrement sanctionnés.
Tour le monde reconnaît aujourd’hui que la candidature unique de l’opposition est la seule issue que nous avons. Tout ce que je demande, c’est que les populations nous accompagnent de leurs prières. Ce que nous sommes en train de faire est très sérieux, nous avançons bien et il y a bon espoir que d’ici peu nous aboutissions à la mise en place de cette candidature unique.
Afreepress.info : A vous entendre, madame, on a l’impression que la façon dont le CST et l’Arc-en-ciel travaillent aujourd’hui en conclave est différente de tout ce qui a été fait depuis toujours ?
Brigitte Adjamagbo-Johnson : Absolument. Vous avez raison et c’est justement pourquoi j’ai confiance parce que par le passé, vous observerez que d’abord, nous avons toujours pensé très tardivement à mettre en place la candidature unique. Nous avons par conséquent manqué de temps pour faire quelque chose de sûr. Par le passé, nous avons toujours mis l’accent sur la personne qui doit le faire, c’est ce qui a été plus préoccupant pour nous mais cette fois-ci, on en a tiré leçon. Nous avons dit, nous allons prendre d’abord le temps de réfléchir à une vision, de nous donner des objectifs, d’arrêter des stratégies communes, de penser aux modalités de désignation de notre candidat unique. Une fois que tout cela aura été fait, nous allons désigner notre candidat. Nous avons commencé à réfléchir en juillet alors que les élections sont prévues pour le premier trimestre 2015. Nous pouvons prendre le temps de mettre en place les choses et avoir suffisamment de temps pour faire du travail.
Ensuite, ce que j’ai remarqué et qui me réjouit énormément, c’est que même lorsque les discussions par moment sont houleuses, chacun se reprend très vite et tout redevient vraiment harmonieux. C’est comme ça que les discussions ont avancé et continuent d’avancer. Pour moi, c’est révélateur de ce que tout le monde a pris la mesure du danger qui nous guette aujourd’hui et c’est quelque chose qui présage d’un dénouement heureux. Honnêtement, je dois dire que cette fois-ci, nous avons beaucoup plus de chance de faire quelque chose qui tienne la route.
Afreepress.info : Autant la candidature unique de l’opposition est importante, autant les réformes politiques le sont. Le 30 juin dernier, la majorité parlementaire a choisi de voter contre le projet de loi des réformes introduit à l’Assemblée nationale par le gouvernement. Dites-nous madame, que faire aujourd’hui pour avoir ces réformes avant la présidentielle prochaine ?
Brigitte Adjamagbo-Johnson : Que faire ? Nous y réfléchissons. Par contre, nous sommes déjà d’accord et nous sommes déterminés, c’est une priorité pour nous de faire en sorte que les réformes aient lieu. On ne pourra pas faire autrement, il n’y a pas d’autres voies. Ce n’est pas seulement la classe politique de l’opposition qui le dit, mais c’est toute la population, c’est une institution aussi importante que la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) qui a fait un travail impartial, qui a réfléchi et qui a dit que ces réformes sont importantes pour une véritable réconciliation, pour la démocratie et le développement, qu’on donne aux Togolais des perspectives d’alternance, que les Togolais voient que l’horizon n’est pas bouché, comme tous les peuples peuvent un jour changer leur gouvernement si tel est leur souhait. Pour l’instant, au vu de la manière dont nos textes sont rédigés, l’horizon est bouché, il faut le déboucher, il faut que nous ayons des institutions fortes. Et donc, on ne peut pas y échapper. En réalité, c’est quelque chose qui devrait nous interpeller tous au sein de la classe politique. Je sais, je suis convaincue que même au niveau du pouvoir, beaucoup parmi eux sont dérangés par la conscience. Je pense aujourd’hui que nous avons beaucoup d’atouts. Même au sein de la communauté internationale, on ne comprend pas pourquoi nous n’arrivons pas à faire ces réformes. Notre rôle en tant qu’acteurs politiques engagés pour conduire ce pays vers des lendemains meilleurs, c’est de tout faire pour que les réformes aient lieu et nous ferons tout, nous sommes tous d’accord.
Afreepress.info : Mais madame, à la question de savoir pourquoi les réformes n’aboutissent pas jusqu’à présent, le camp d’en face vous accuse, vous l’opposition surtout parlementaire de bloquer.
Brigitte Adjamagbo-Johnson : Non, vous savez très bien que l’opposition ne bloque rien. Mais l’opposition trouvera les moyens de débloquer là où ça bloque.