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Interview/Tchassona TRAORE:«L’Opposition est victime de l’incompréhension du système en place»
Publié le mardi 5 aout 2014  |  Corps Diplomatic Togo


© Autre presse par DR
Me Tchassona-Traoré


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Le Président national du Mouvement citoyen pour la démocratie et le développement (MCD) suite aux malentendus suscité par la désignation du candidat de la Coalition arc-en-ciel s’est confié à la Rédaction du « Corps Diplomatic Togo ».

Dans cet entretien, il dénonce la procédure cavalière et peu orthodoxe utilisée par ses camarades de la Coalition pour cette désignation. Il pointe un doigt accusateur sur la passivité de la communauté internationale face à la situation qui prévaut au Togo et invite le pouvoir en place à faciliter les réformes politiques nécessaires pour faire avancer la démocratie togolaise. Aussi, invite t-il l’Assemblée nationale à jouer sa partition pour l’encrage d’un véritable Etat de droit.

Lisez plutôt.



Bonsoir Me Tchassona. La semaine dernière, le sujet de candidature a créé une cacophonie au sein de la Coalition Arc-en-Ciel, qu’en est-il exactement ?


Merci mon cher ami. La semaine dernière, nous avions eu à écouter sur les radios que la Coalition Arc-en-ciel avait un candidat en la personne de Me Apévon qui a été élu suite à des élections serrées. Et il y avait un journaliste qui m’avait appelé pour savoir si c’était vrai. Et j’ai répondu que je venais de l’apprendre et s’il y a élection, elle ne m’est pas opposable puisse que je ne suis allé à ces élections. Ce qu’il faut retenir, c’est que la Coalition Arc-en-ciel a été créée sur certaines idées fortes. Nous mettons ensemble nos moyens et nos forces pour aller à toutes les élections: locales, législatives et présidentielles. Et compte de tenu de nos spécificités, on était conscient qu’on ne pouvait pas faire ce pari là en dehors des autres forces politiques qui évoluent sur le terrain. On s’est engagé par notre pacte fondateur qu’il faut travailler à ce qu’il y ait une action unitaire qui soit menée sur le terrain politique. C’est ce qui explique qu’à la veille des élections législatives passées, nous avons fait des pieds et des mains pour faire une liste commune avec le Collectif Sauvons le Togo (CST). On n’a pas pu le faire et vous connaissez les résultats.

Aujourd’hui, ce sont les élections présidentielles qui pointent à l’horizon et nous voulons étudier les mécanismes par lesquels on pourra dégager un candidat pour l’opposition toute entière. Au niveau de la Coalition, il a été demandé à chacun des Présidents de partis de clarifier sa position à propos de cette candidature. Il y a eu quatre candidatures: celle du CAR, de la CDPA, du MCD et du PDP. Et pendant six, on a cherché en vain le mécanisme par lequel on pouvait dégager un candidat unique. Entre temps il y a eu des incidents fâcheux. On en était dans les réflexions que le samedi 26 Juillet autour de 22H, nous a été contactés par SMS pour une réunion le dimanche 27 Juillet à 16 heures, à la veille du Ramadan. Aussitôt j’ai réagi.



Qui vous a contacté ?

C’est le président en exercice de la Coalition Monsieur Antoine Folly. Nous lui avons dit que dimanche qui est le dernier jour du carême est un jour chargé de symboles. Nous avons programmé des activités et par ailleurs il y a une aumône qui se fait ce dernier jour. Et je me suis excusé pour cette réunion. Il m’a dit qu’il va contacter les autres présidents pour avoir leur avis sur la réunion. Le dimanche (le 27 Juillet) autour de midi, il m’a dit que les autres présidents étaient d’accord pour la tenue de la réunion. Pour moi, c’était une réunion qui était prévue pour préparer le conclave avec le Collectif Sauvons le Togo (CST). Contre toute attente, j’ai appris mardi, le lendemain du Ramadan, qu’ils ont désigné le candidat de la Coalition pour les élections présidentielles.

Et je me dis ce qu’on n’a pas pu avoir dans six mois, comment ils se sont arrangés pour le faire en une soirée? Par quelle alchimie? Selon les résultats issus du vote, je suis placé en 4e position alors que je n’étais même pas présent; c’est dommage. C’est pourquoi j’avais répondu au journaliste qui m’avait appelé que ces résultats ne m’étaient pas opposables. Il paraît même qu’avant d’aller au vote, on a donné le temps à chaque candidat de s’exprimer sur ce pourquoi il s’est positionné comme candidat. Qui m’a écouté, moi ?
Voilà ce qui s’était passé le 27 Juillet. Nous combattons un système, on ne peut tolérer en notre propre sein qu’il y ait ces pratiques malsaines.


Est-ce que vous allez avaler la couleuvre?

Non, pas question. On est un parti créé pour lutter contre la dictature. On revient à la règle du jeu Si nous sommes d’accord pour avoir un candidat unique au sein de la Coalition, il va falloir qu’on également d’accord sur les règles qui doivent mener à cela.


Allez-vous claquer la porte à la Coalition?


Pour le moment, on n’en est pas là. J’ai adressé une lettre de protestation au Président en exercice que je me garde de rendre public. Nous avons une réunion demain (c’est-à-dire le mardi 05 Août) et je crois qu’il y a des explications sur cet état de fait. Si on ne peut pas se comprendre, chacun tirera les leçons qui s’imposent. Une candidature CST et une candidature Arc-en-ciel ne seront pas la solution pour l’alternance parce qu’il y aura d’autres candidatures. Il y en a qui sont déjà annoncées, celles de Koffi Yamgnane et d’Alberto Olympio. Si nous voulons donner des chances au conclave qui se déroule, c’est de nous inscrire dans une démarche unitaire. C’est la seule qui puisse sauver les meubles. Maintenant si chacun devrait se cantonner dans son petit groupe, on ne pourra pas régler le problème des Togolais.

Selon vous qui pourra être le porte étendard de la Coalition Arc-en-ciel ?


Vous savez le problème ne se pose en terme d’individu pour ces élections. Si on parle de critères, il y a des difficultés à dégager un candidat ; si on parle de profil, il y a aura également des difficultés pour le faire l’unanimité. La meilleure solution pour y parvenir ce sont les conditions. Et ces conditions, c’est qu’il y ait un minimum d’accord et d’adhésion. Dans les conditions actuelles, même si tu acceptes, tu n’adhères pas. Au bout des discussions, quelles sont les pistes sur lesquelles on se serait mis d’accord en fonction de la vision qu’on a pour notre pays. Quel est le but poursuivi en allant aux élections? On doit penser à l’avant, pendant et après élection. Voilà ce à quoi on doit penser avant de choisir le candidat.

Selon vous pourquoi l’alternance n’arrive pas au Togo?

L’alternance n’arrive pas au Togo parce que l’opposition est victime des obstructions mises en place par le parti au pouvoir au pouvoir. On crie partout la démocratie, la biométrie mais personne ne sait comment le fichier électoral est géré. On a une CENI politique avec des démembrements politiques, aucune élection au Togo n’a emporté l’adhésion de tout le monde. On a aujourd’hui on a un pays dont l’avenir n’est pas dégagé. Personne ne sait ce que le Togo sera dans deux ans, dans cinq ans.

Il y a des réformes qui limitent le mandat présidentiel à deux. Nous ne demandons pas si le président actuel va se présenter ou non. Si l’Assemblée nationale demande à l’opposition d’accepter une disposition transitoire pour que le Chef de l’Etat puisse se présenter à l’élection, je dis que l’Assemblée sort de son rôle. Le rôle de l’Assemblée, c’est de voter une loi. Mais l’interprétation d’une loi revient aux magistrats. C’est aux magistrats de dire qui peut être candidat ou non. On lui a envoyé un projet de loi, il lui revient de le voter. Mais si elle pense que le projet de loi la dérange, elle devrait la retourner à celui ou à celle qui l’a envoyé. C’est tout ce que le Parlement devrait faire.

L’opposition est victime de l’incompréhension du système en place et également de la population qui pense que la faute provient de l’opposition qui ne veut pas s’étendre. En réalité l’opposition est plurielle et en tant que telle, elle a des idéologies différentes, des démarches différentes, des visions différentes; or aujourd’hui le régime fait croire à la population que c’est l’opposition qui ne veut pas s’entendre. L’obligation de s’entendre est devenue la règle alors qu’elle devrait être l’exception. Nous sommes doublement victimes.

Au regard de ces complications, pourquoi vous ne recourez pas à l’ONU comme cela a été le cas en Côte d’Ivoire?

Vous avez posé une question intéressante. Nous insistons sur l’implication de l’ONU. Aujourd’hui, tout le monde se presse pour qu’on ait les réformes avant les six mois parce qu’au sein de la CEDEAO, il y a une règle. Compte tenu des turpitudes togolaises, six mois avant les élections, on ne doit pas faire des réformes à moins d’une entente nationale. Le Togo est membre de la CEDEAO. Que fait cette CEDEAO pour venir au secours des Togolais? La communauté internationale ne se meut que lorsqu’il y a des morts. Regardez ce qui se passe aujourd’hui en Palestine. C’est parce que le nombre des morts est passé à trois chiffres et subitement ça a commencé par être intéressant. Et voilà, on dit qu’il faut arrêter l’épisode. Nous aujourd’hui avec les cas qu’on a eus en 2005 et de par le passé, est-ce que la communauté internationale a besoin qu’il y ait plus de sang sur le Togo?

Nous ne voulons pas proférer des actions de masse ou de violence pour qu’il y ait perte en vies humaines de sang. Nous voudrions vivre malheureux que d’envoyer ces malheureux vivants à la boucherie. Donc ce que nous disons, c’est que vous sommes victimes d’une situation. La presse doit aider, tout le monde doit aider pour que la communauté internationale commence à suivre de prêt ce qui se passe au Togo. Nous sommes un petit pays qui compte beaucoup dans la sous-région. Notre port est l’un des plus grands et constitue un couloir économique des pays de la sous-région. Donc s’il y a un problème au Togo, ils seront affectés. Il vaut mieux réagir avant qu’il ne soit trop tard. Personne ne peut présager de ce que demain serait fait.

Est-ce que vous jugez nécessaire que l’opposition aille aux élections si les mêmes institutions sont toujours en place?

Qu’est-ce qu’il faut ? Si vous sortez la nuit de votre chambre et vous observez le ciel, il est entièrement noir. N’eût été la présence des étoiles, il serait entièrement noir. C’est justement la présence de ces étoiles qui vous amène à admirer le ciel. Nous sommes comme ces étoiles qui maintiennent l’espoir. Qu’en serait-il pour un régime qui aime tant l’obscurité? Si l’opposition doit boycotter, je trouve qu’elle pèche. Aujourd’hui, on a une Assemblée où le parti au pouvoir a 62 députés. Malgré ce nombre, il ne pourra pas faire les réformes tout seul et à sa guise. Il a besoin de l’opposition. Mais si ce parti avait à lui seul les 91 députés, le boulevard est ouvert à tous les dégâts. Chaque terrain de gagner doit être gardé. Donc on ne doit pas perdre espoir parce qu’on n’a pas tout, tout de suite. C’est une lutte qu’on doit mener tous les jours pour faire avancer la démocratie.

Monsieur le Président, merci.

C’est plutôt moi qui vous remercie.
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