Fin du suspens dans son cabinet « privé » depuis début août. L’ex coadjuteur de Faure Gnassingbé est candidat contre son patron d’hier. Une menace certaine pour le président sortant qui, dans son fief septentrional, devrait déjà compter avec la candidature annoncée de Kofi Yamgnane. Une nouvelle qui ne laissera pas la justice togolaise, conquise par le système, indifférente.
Électricité dans l’air pour 2015 ?
Il n’en fait aucun mystère. Il l’avait esquivé de façon à peine voilée lors de la conférence de presse qu’il a donnée en juillet dernier et pour son entourage, la question de la candidature ne se pose plus. « Il n’est plus important que de savoir comment procéder et avec qui ou
quelles structures aller à la prochaine présidentielle » a confié à Afrika express une source certaine. A ses avocats et ses visiteurs de soir, la nouvelle est confiée, « mais la réflexion continue« . Il ne sera pas question qu’il reste en marge de la prochaine présidentielle au
Togo. Si du côté de Unir, on l’accuse de faire le show pour « être sollicité pour 2015?, Bodjona semble avoir déjà divorcé d’avec son ancien camp. Un camp qu’il combattra, éminemment.
Menace au Nord ?
Kofi Yamgnane, ancien secrétaire d’État français et ancien maire de Saint Couliz en Bretagne a été la première personnalité politique à annoncer sa candidature pour 2015. Si le franco-togolais reste un mystérieux inconnu au Togo en général, il a influence électoraliste importante dans le Grand Bassar, sa région d’origine où, en prétextant d’une proximité avec lui, un ovni s’est fait élire député lors des législatives dernières sur une fameuse liste «Sursaut ».
Sursaut-Togo, c’est le nom de la formation politique qui porte la candidature de celui que Faure Gnassingbé a souvent taxé d’avoir « reçu des largesses financières de son feu père ». La préfecture dont il est originaire fut l’une des plus influentes au sein de l’armée togolaise pendant des années, comptant le plus grand nombre de « généraux ». Cela ne leur a pas permis de profiter d’un système dont ils assument, dans l’ombre comme au soleil, la protection. A la mort de Gnassingbé Eyadèma, le Général Zakari Nandja qui était chef d’Etat-major n’a pas trouvé
mieux que de faire allégeance à Faure Gnassingbé. Après avoir été jeté à l’eau, comme ministre de l’hydraulique, cet officier tempéré et prudent a été très vite poussé à la retraite.
Les Bassar (ethnie du Nord-ouest du Togo représentant à peu près 6% de la population) se sont sentis trahi par un régime auquel ils ont voué « soutien et docilité » et qui les a remerciés en monnaie de singe. C’est l’occasion pour eux de prendre leur revanche. Pire, le nombre
d’électeurs dans la préfecture de la Kozah n’a cessé de décroître depuis l’élection présidentielle de 2003.
De 180.000 électeurs cette année-là, il est passé à 130.000 en 2010 et lors des législatives de juillet 2013, seuls 110.000 personnes se sont inscrites et le tiers s’est abstenu de voter. Ce qui n’est pas sans conséquences néfastes pour le pouvoir alors qu’il s’agira en 2015 d’élection présidentielle dans laquelle chaque voix compte au plan national. Il faut ensuite compter, avec les frustrés du camp présidentiel dont le nombre n’a cessé de gonfler sans négliger les facteurs sociopolitiques importants comme l’arrestation de Kpatcha Gnassingbé et la mise en cabale de Agba Bertin Sow.
Le premier finançait les frais de scolarité des lycéens et étudiants de la préfecture de la Kozah et le second était un généreux escroc présumé yoyo qui donnait à qui veut le flatter. Les deux disposent d’énormes réseaux dont certains sont restés fidèles et le fait que le président
Faure Gnassingbé se soit montré très limité dans sa capacité de déchaîner l’espoir et de répondre aux attentes des Togolais lui compliquent le combat électoral d’avance. Dans une telle condition, la candidature de Bodjona qui reste auprès des populations du Nord populaire ne facilitera pas la tâche à Faure Gnassingbé qui brigue un troisième mandat. Le mandat de trop pour l’opposition togolaise. Encore que Agba a promis de « financer un candidat au moment venu contre le pouvoir en place ».
Avec qui rouler ?
Son option ? Créer un mouvement qui regroupe associations et partis politiques pour le soutenir. Cette option a ses limites notamment la possibilité de disposer d’une force de mobilisation nationale qui couvre toutes les régions du pays. Pascal Bodjona comptera sur peu de personnes parmi les barons déçus du régime. D’abord parce qu’ils ne l’aiment pas, ensuite parce qu’il ne sera pas facile pour eux de s’afficher à ses côtés sans craindre des représailles.
Sa chute a été un événement festif pour beaucoup de ses congénères. Le renard de Kouméa n’est pas aimé dans son ex-camp et il le sait. Il pourrait se tourner vers certains opposants mais aura du mal à mobiliser les partis organisés de l’opposition même s’il peut compter parmi
quelques contacts. Il aura donc beaucoup de mal à mobiliser et surtout, il ne pourra pas compter sur des personnes connues, elles craindront pour leur « tranquillité ». Il promet tout de même de ratisser large, avec pour objectif, non pas de gagner la présidentielle, il est
suffisamment réaliste pour savoir qu’il émergera difficilement du lot avec une classe politique si désorganisée et des populations plus que prudentes. Son passé de baron ne plaidera pas en sa faveur mais il réussira sans doute à troubler l’ordre au détriment d’un Faure Gnassingbé dont le 3e mandat a du mal à passer.