«Je voudrais vous dire et vous certifier qu’il n’y a aucun cas d’Ebola au Togo»
Face à la menace de plus en plus grandissante de la fièvre hémorragique à virus Ebola devenue un fléau mondial, le Togo tout comme beaucoup d’autres pays prend des mesures en vue non seulement de prévenir mais surtout d’une riposte efficace contre la maladie. Le Professeur SONGNE Badjona, Directeur Central du Service de Santé des Armées, membre du Comité technique de gestion de la maladie à virus Ebola, dans cette interview exclusive accordée à la rédaction de l’agence Togoenmarche.com et du www Togonews.info, revient sur les mesures prises par le gouvernement togolais et surtout les précautions à prendre face à ce virus hautement mortel.
Professeur dites-nous, quel est la situation actuelle d’Ebola au Togo?
Professeur SONGNE Badjona : Actuellement nous sommes à une phase de prévention et de sensibilisation, surtout se préparer pour une éventuelle riposte contre la maladie. Il y a eu de fausses rumeurs qui font part de la présence de la maladie au Togo. Je voudrais vous dire et vous certifier qu’il n’y a aucun cas d’Ebola au Togo. Tous les cas qui ont été suspectés ont été examinés et ceux ne sont que de fausses alertes.
Quel est le niveau d’alerte actuellement au Togo?
Professeur SONGNE: Disons que le service d’épidémiologie du ministère de la santé est une structure qui se charge de renseigner l’autorité et la population sur des cas suspects et de coordonner les informations du centre d’isolement installé au CHU Campus pour la gestion d’éventuels cas. Il est joignable au numéro vert 111 pour toutes informations au public.
Ce centre est un centre de référence de la région Sanitaire Lomé Commune. Il est également prévu sept autres centres de référence les cinq autres régions sanitaires du pays.
Pensez-vous professeur, qu’aujourd’hui le Togo est suffisamment préparé non seulement à prévenir le virus mais surtout à prendre en charge d’éventuels cas ?
Professeur SONGNE: Oui, je crois que des efforts se font dans ce sens. Nous ne pouvons pas toute suite vous dire qu’on est à cent pour cent prêt. Mais, le gouvernement prend toutes les dispositions nécessaires pour que, si jamais il y avait un cas, la riposte puisse se faire. Depuis l’apparition de cette maladie dans la sous-région, très rapidement le ministère de la santé a élaboré un plan d’action qui comporte un certain nombre d’activités basées essentiellement sur la sensibilisation. Ces sensibilisations ont débuté depuis le mois d’Avril où nous avons sensibilisé les forces de sécurité. On est ensuite passé à une seconde phase qui était celle de la sensibilisation des leaders d’opinion, des leaders politiques, traditionnels etc. Nous allons passer à une troisième phase qui est celle de la formation. Former les cadres opérationnels : les directeurs régionaux et préfectoraux de santé et certains cadres de la cellule IEC sans oublier les médecins du secteur privés, pour que tous ces cadres puissent descendre au niveau de chaque communauté pour l’informer afin que chaque citoyen puisse faire face à d’éventuels cas si jamais cela se présentait. Donc, nous pouvons dire que nous sommes entrain de réunir toutes les dispositions nécessaires pour une bonne riposte si d’éventuels cas.
Professeur, la plupart des pays de la sous-région renforcent les mesures sécuritaires au niveau des frontières. Au Togo cela ne se sent pas. Qu’en est-il surtout que les frontières togolaises sont très poreuses?
Professeur SONGNE : Oui, les frontières togolaises sont très poreuses surtout terrestres. Au niveau de l’aéroport, c’est beaucoup mieux contrôlé parce que l’organisation à ce niveau est telle qu’il y a des structures sanitaires appropriées pour le personnel naviguant et pour le personnel à terre. Le problème se situe au niveau des frontières terrestres et c’est là où, la sensibilisation a tout son intérêt. C’est pour cela que nous avons voulu impliquer tout ce qu’il y a comme décideurs afin qu’au niveau de chaque préfecture, le préfet, le chef traditionnel et autre leader soient informés pour que dès qu’un étranger arrive, ils pussent savoir que ce dernier vient d’une zone à risque et qu’ils puissent avoir une référence par rapport à l’unité de soin qu’il y a dans la zone ou dans la préfecture. Je crois que c’est à ce niveau que nous avons des efforts à faire et nous sommes entrain de voir comment nous pouvons mettre en place un dispositif de médecine itinérante au niveau des frontières afin de sensibiliser les populations riveraines et suivre leurs mouvements.
Pour ce qui concerne, les grandes frontières biens connues à savoir Ilakondji, Kodjoviacopé et Cinkassé, des structures sont déjà en places, des banderoles pour renseigner la population et des services d’hygiènes qui enregistrent les passants et tous ceux qui rentrent au pays. Toutes ces structures fonctionnent pour le moment mais elles sont à renforcer.
Certains pays ont déjà fermé leurs frontières. Est-ce que le Togo envisage en faire de même ?
Professeur SONGNE: Vous savez, on ne décide pas du jour au lendemain de fermer une frontière. Les pays qui ont fermé leurs frontières sont soient des pays qui connaissent l’épidémie ou ceux qui partagent les frontières directes avec ces pays parce qu’il faudrait limer le flux migratoire. Au Togo, nous n’en sommes pas encore à ce stade parce que dans tous les pays frontaliers, aucun cas n’est encore signalé. Donc, nous nous contentons de la surveillance au niveau de nos frontières.
Professeur, étant donné que le cas qui s’est avéré fatal au Nigéria a transité par le Togo. Est-ce qu’il n’est pas envisageable de fermer les frontières par mesure de prudence ?
Professeur SONGNE: Fermer les frontières, ce n’est pas aussi facile. Parce qu’il y a des réglementations auxquelles le Togo a souscrit. C’est vrai que le transport joue un grand rôle dans la transmission de la maladie ; mais nous pensons que les dispositions qui ont été prises par rapport à ces pays suffisent déjà. C’est presqu’une fermeture partielle de ces frontières parce que le Togo a interdit ses vols vers ses pays surtout le Liberia.
Professeur, pouvez-vous nous rappeler les signes cliniques et les précautions à prendre pour éviter ce virus hautement mortel ?
Professeur SONGNE: D’abord les signes cliniques. Le virus est reconnaissable par trois grands signes. Une forte fièvre qui s’accompagne de maux de tête, de fatigues intenses faisant penser au paludisme mais il faut faire attention.
En suite, il y a les troubles digestifs, le malade a des nausées, il vomit, il fait la diarrhée. Ces vomissements et diarrhées peuvent s’accompagner ou non de sang, il faut se méfier. Le troisième signe est le saignement, l’hémorragie. Le malade peut saigner par la bouche à travers les gencives, par le nez ou tout autre endroit du corps. Donc quand vous avez les trois signes, il faut être sûr que ça ne peut pas être le paludisme. Il faut faire appel à un agent de santé. Un signe isolé ne signifie pas qu’on est en présence d’Ebola. Dans tous les cas, il faut signaler tout cas suspect et c’est pour cela que le 111, le numéro vert est disponible 24h/24. Au niveau des précautions, commençons par nos coutumes. Chez-nous, quand quelqu’un est malade ou mort on veut s’occuper de lui. Il faut éviter des actes comme laver le malade ou le corps du défunt, habiller le mort, danser avec le corps lorsque la cause de la maladie ou du décès est suspecte.
Parce que tout ce qui sort du corps comme fluide est bourré de virus. Il faut également respecter les mesures d’hygiènes élémentaires à savoir laver régulièrement les mains avec de l’eau et du savon. Pour ceux qui sont en contact avec plusieurs personnes surtout les étrangers, se protéger les mains et les orifices de la face. Il faut que nous soyons vigilants à tous les niveaux. Dès qu’on a connaissance de l’arrivée d’une personne en provenance d’un pays contaminé, il faut le signaler afin qu’on le mette sous surveillance pendant 21 jours.
Est-ce que vous rassurez la population quant à la fiabilité du numéro vert 111 ?
Professeur SONGNE : Oui, ceux ne sont que des problèmes qui étaient liés à des dysfonctionnements d’ordre technique dus à un souci de coordination entre les sociétés de téléphonie. Maintenant, tout est rentré dans l’ordre.
Comment comptez-vous mettre en exécution l’interdiction de la consommation et la manipulation des animaux dits porteurs du virus qui continuent d’être vendus sur nos marchés?
Professeur SONGNE : Les dispositions sont entrain d’être prises et cela ne va pas tarder. Ce qui est important, c’est que la population elle-même, doit se soucier de sa santé, savoir qu’elle est entrain de prendre des risques et qu’elle doit éviter ces pratiques à risques à savoir la consommation et la manipulation de ces animaux. L’Etat est entrain de prendre des dispositions avec les experts pour voir dans quelle mesure des mesures seront prises au niveau de la sensibilisation.
Professeur, beaucoup de personnes s’interrogent au sujet de la manipulation des billets de banques. Est-ce que les billets de banques peuvent être source de transmission du virus Ebola?
Professeur SONGNE: Tout ce qui transite par le malade que ce soit le malade lui-même, peut transmettre la maladie. C’est pourquoi on parle de contamination directe ou indirecte. Directe, quand vous rentrez en contact avec le malade ou le corps du malade. Indirecte quand vous rentrez en contact avec les objets du malade y compris les billets de banque. Au niveau des frontières et des aéroports, vous aurez pu remarquer, toutes les personnes qui rentrent en contact avec les documents des gens, portent des gants. Il y a certains qui portent des masques. C’est une mesure sanitaire très salutaire qui permet de limiter beaucoup de choses. Nous encourageons toutes les personnes qui sont au niveau des frontières ou des unités où, il y a beaucoup de flux migratoire, de se protéger les mains et les orifices de la face par les masques chirurgicaux pour limiter les risques de contamination par rapport à ces objets dont nous venons de parler. Ne surtout pas oublier le lavage des mains après avoir toucher un objet suspect
Un message à la population togolaise?
Professeur SONGNE : Il faut être vigilant et surtout ne pas céder à la panique. Dès qu’il y a un cas suspect, il faut s’adresser aux personnes qualifiées, c’est-à-dire aux agents de santé ou appeler le 111. Enfin, il faut que nous soyons conscients que l’Etat est entrain de prendre des mesures adéquates en vue d’une éventuelle riposte si jamais la maladie surgissait dans notre pays.