Des malades d’Ebola étaient activement recherchés lundi au Liberia après leur évasion d’un centre d’isolement attaqué et pillé par des habitants, qui renforce l’inquiétude dans le pays le plus frappé par l’épidémie.
Avec 413 morts sur un total de 1.145 victimes en Afrique de l’Ouest, le Liberia est le plus sévèrement touché, selon le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : il a dépassé la Sierra Leone et la Guinée depuis l’instauration de l’état d’urgence le 6 août.
Selon les autorités sanitaires, 17 patients testés positifs au virus Ebola ont fui le centre d’isolement, récemment installé dans un lycée de West Point, une banlieue de la capitale Monrovia, attaqué dans la nuit de samedi à dimanche par des hommes armés de couteaux et de gourdins.
"Jusqu’à ce matin on recherchait toujours ces 17 malades qui ont fui le camp mais on ne les a pas encore retrouvés", a déclaré à l’AFP le ministre de l’Information Lewis Brown.
"Le pire est que ceux qui ont pillé le centre ont pris des matelas et des draps souillés des fluides venant du corps des malades", a-t-il souligné, évoquant une possible mise en quarantaine du quartier d’environ 75.000 habitants, comme c’est déjà le cas pour trois provinces du nord du pays.
"Ces voyous qui ont pillé le centre sont tous maintenant probablement porteurs du virus Ebola. La mise en quarantaine du quartier pourrait être une solution", a-t-il prévenu.
Fallah Boima, dont le fils Michel Boima était au centre d’isolement de West point, a indiqué par téléphone à l’AFP n’avoir aucune nouvelle de lui depuis l’attaque. "J’ai peur qu’il meure quelque part sans que je le sache", a-t-il confié.
Une équipe de recherche constituée par les jeunes du quartier n’a pas retrouvé non plus les 17 disparus.
"On a fouillé partout dans le quartier, mais en vain. Ceux qui les ont vus passer disent qu’ils sont partis vers d’autres quartiers", a affirmé à des journalistes le président des jeunes de West Point, Wilmont Johnson.
- ’Ebola, on n’y croit pas’ -
Selon des témoins, les assaillants criaient des slogans hostiles à la présidente Ellen Johnson Sirleaf et assuraient qu’"il n’y a pas d’Ebola" dans le pays.
"On leur a dit de ne pas (installer) leur camp ici. Ils ne nous ont pas écoutés. Ils n’ont qu’à aller construire leur camp d’isolement ailleurs. Cette affaire d’Ebola, on n’y croit pas", a dit à l’AFP un jeune riverain.
A Caldwell, dans la province de Monrovia, des habitants ont imputé la propagation de l’épidémie à l’incurie du gouvernement, dénonçant sa lenteur à évacuer les corps.
"Nous avons dit au gouvernement à plusieurs reprises que la façon dont il faisait face à ce problème d’Ebola était complètement erronée", a déclaré Sheikh Idrissa Swaray, père d’un présumé malade décédé, dont le corps n’a été retiré qu’au bout de trois jours, entraînant la fuite de son épouse vers une destination inconnue.
A cause de ces délais, "les proches, qui vivent dans cette maison, qu’ils soient contaminés ou non, s’enfuient et vont dans d’autres quartiers contaminer d’autres gens", a-t-il expliqué, exhortant le gouvernement à "se montrer plus sérieux que jusqu’à présent".
En Guinée, d’où l’épidémie est partie au début de l’année, le docteur Sakoba Kéita, chef de la lutte contre la maladie au ministère de la Santé, a fait état d’une "grande inquiétude du côté de la préfecture de Macenta (sud) à cause de l’arrivée d’une vague de malades en provenance du Liberia voisin".
Après environ deux mois de répit, la préfecture de Macenta, limitrophe du Liberia, "commence à avoir beaucoup plus de cas suspects", a-t-il indiqué à l’AFP.
Selon un médecin militaire guinéen qui doit bientôt être positionné avec son unité à la frontière avec la Sierra Leone, "nous avons toutes les peines du monde à réunir les moyens humains et matériels pour nous déployer sur le terrain, car entre les discours et la réalité, il y a un grand fossé". "Nous avons l’impression que l’OMS a tiré les oreilles de la Guinée pour qu’elle accepte de décréter l’urgence sanitaire nationale", proclamée le 13 août par le président Alpha Condé, a-t-il expliqué à l’AFP sous le couvert de l’anonymat.
En Europe, l’agence pour la gestion des frontières Frontex a annoncé la suspension des vols de rapatriement d’immigrés en situation irrégulière vers le Nigeria, le quatrième pays africain touché avec quatre morts.