Réformes et candidature
unique, ce sont là deux problématiques qui mobilisent actuellement les
deux regroupements majeurs de l’opposition. Les leaders du Collectif
« Sauvons le Togo » et de la Coalition Arc-en-ciel planchent là-dessus
en conclave depuis un moment. C’est un secret de Polichinelle, la
Coalition connaît des dissensions internes au sujet du choix de Me Dodji
Apévon dans la perspective de la candidature unique de l’opposition. On
peut y voir juste une guerre d’ego. Mais à en croire des sources, cette
agitation va au-delà et répond à des desseins secrets.
Le choix d’Apévon suscite des remous
Me Dodji Apévon, président
du Comité d’action pour le renouveau (Car) dégagé par la Coalition
Arc-en-ciel comme son choix pour la candidature unique de l’opposition.
L’information a été officialisée par Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson lors
d’une sortie médiatique. Mais ce choix de raison va susciter un concert
de désapprobations au sein de la Coalition.
C’est d’abord Gerry Taama du Nouvel
engagement togolais (Net) qui lança les hostilités. Il sera suivi par Me
Tchassona Traoré du Mouvement citoyen pour la démocratie (Mcd) qui,
dans une lettre adressée début août aux autres composantes de la
Coalition, parle de « simulacre de vote » et dit ne pas s’y
reconnaître ; puis tout dernièrement Bassabi Kagbara, le président du
Parti démocratique panafricain (Pdp) et de la Coalition. « Je
n’étais pas au pays quand la réunion du 27 juillet s’est tenue. Et en
tant que Président en exercice de la Coalition, je n’ai pas été informé
de la tenue d’une telle réunion. C’est par les médias que j’ai appris
que Me Apevon a été désigné comme candidat unique de la Coalition
Arc-en-ciel pour la présidentielle de 2015. Par qui ? Je ne sais ! En ce
qui nous concerne au Pdp, cette désignation ne nous engage aucunement !
C’est un non évènement… La désignation d’un candidat de la Coalition
doit se faire dans les règles de l’art. Deux leaders étaient absents à
la réunion du 27 juillet, moi je n’ai même pas été informé, bien que je
sois encore le président en exercice de la Coalition. Vous voyez que la
démarche est vraiment déplorable ! Ce genre d’attitude n’est pas de
nature à renforcer la cohésion au sein de la Coalition. Et c’est bien
dommage !», a-t-il relevé dans une interview en début de semaine passée.
Même au Car, une certaine frange coachée
par Me Yawovi Agboyibo militerait contre le président officiel du
parti. De toutes les composantes de la Coalition, seuls la Convention
démocratique des peuples africains (Cdpa), l’Union des démocrates
socialistes du Togo (Uds-Togo) et Santé du peuple semblent ne pas
trouver à redire.
Un brin de malhonnêteté
On peut s’étonner que ce choix de Me
Dodji Apévon fasse autant polémique et que certains partis viennent à le
rejeter publiquement, alors même que tous ont été bien représentés à la
séance du 27 juillet dernier qui y a procédé. Si certains frondeurs
reconnaissent la participation de leur formation politique, ce n’est pas
le cas du patron de la Coalition. A lire sa réaction, on ne croyait pas
que Bassabi Kagbara avait été avisé de la réunion et que des délégués
du Pdp y ont bien participé. Et pourtant ! Ce que ce dernier et Me
Tchassona Traoré ne disent pas aux Togolais, c’est qu’ils ont une
conception assez régionaliste de cette problématique, ne concevant pas
que le pouvoir puisse aller de si tôt au Sud et ambitionnent aussi
d’être ce candidat unique de la Coalition. Sans blague, devrait-on
dire !
Sur la légitimité même du choix de Dodji
Apévon, on peut s’étonner qu’il puisse être remis en cause. Car il est
simplement logique. De toutes les composantes de la Coalition
Arc-en-ciel, le Car est de loin le parti le plus représentatif. Cette
formation politique peut se targuer d’avoir un électorat, même s’il se
réduit aux préfectures de Yoto et de Vo. Contrairement aux autres partis
qui ne sauraient nullement s’en prévaloir ou dont l’électorat est
confidentiel. Tout rejet de ce choix ne serait que mauvaise foi de la
part de ses auteurs et répondrait à des desseins obscurs. C’est
justement ce que rapportent des indiscrétions.
Un complot contre Jean-Pierre Fabre ?
Le rapport est assez lointain et cette
assertion difficile à accepter. Mais c’est ce qu’il nous revient des
sources informées. L’agitation notée dans les rangs de la Coalition
répondrait donc à des desseins secrets et à un complot ficelé depuis les
officines du sérail. Et une analyse approfondie pousse à donner du
crédit à cette thèse.
Au-delà de la personne de Dodji Apévon
dont le choix ne contente pas tout le monde, même au sein de son propre
parti – c’est un secret de Polichinelle que l’opposant has been manœuvre
pour se porter candidat de la Coalition et de l’opposition -, c’est en
fait le sort de Jean-Pierre Fabre, probable candidat unique de
l’opposition à la présidentielle de 2015, qui se joue indirectement. Que
cela plaise ou non, c’est une question de logique, il est issu du parti
le plus populaire du Collectif « Sauvons le Togo » et de
l’opposition, l’Alliance nationale pour le changement (Anc). C’est sur
la popularité que doit se baser le choix du candidat unique de
l’opposition, qui serait capable de concurrencer celui du pouvoir dans
les urnes. Toute tentative visant à faire croire le contraire, à servir
des morceaux du genre ce personnage doit être aimé des autres ou humble,
ne relèverait que de la malhonnêteté. Comme le dit l’adage, entre le
lézard et le crapaud, s’il y a une bestiole à aider à grimper àun arbre,
c’est bien la première. Jean-Pierre Fabre apparaît comme le candidat
unique naturel de l’opposition. Et sur la base de l’audience, il
n’aurait pas de concurrent.
Aux yeux de certains, tout le conclave
et ce processus de choix ne seraient qu’une préparation de son
adoubement futur. Et si au niveau de la Coalition Arc-en-ciel on ne
réussit pas à s’entendre, la candidature unique de l’opposition au
scrutin de 2015 est donc vouée à l’échec. Il faut craindre que
l’agitation enregistrée ces derniers ne réponde à cet enjeu caché et ne
vise à saboter la dynamique.
Les « anti-Fabristes » de service
Comme par hasard, c’est en pleine crise à
la Coalition Arc-en-ciel sur cette problématique de la candidature
unique de l’opposition, avec vue sur Jean-Pierre Fabre que certaines
analyses « anti-Fabristes » se font jour.
Tout en reconnaissant la nécessité et
les bienfaits de la candidature unique – mobilisation du peuple,
campagne électorale à l’unisson, meilleure lisibilité des messages, plus
grande visibilité du candidat retenu, meilleure représentativité du
candidat dans les bureaux de vote, meilleure surveillance du déroulement
du scrutin et de la collecte des résultats, coordination idoine des
stratégies pour défendre la victoire à l’intérieur et à l’extérieur du
Togo -, ces analyses font une bien curieuse fixation sur Jean-Pierre. On
tente de démontrer que le poids réel de l’Anc et son président n’est
pas connu, sous prétexte que le parti est allé aux dernières
législatives sous la bannière du Cst – on connaît les adeptes de ce
raisonnement – et de minimiser l’accueil réservé par les populations à
sa délégation lors de la tournée du parti, entre autres petitesses.
Pour des observateurs, cette sortie est
loin d’être fortuite et viserait à dégonfler Jean-Pierre Fabre, doper le
moral de ses détracteurs au sein de la Coalition Arc-en-ciel qui ne
manqueront pas de s’illustrer le moment venu pour plomber la dynamique
de candidature unique de l’opposition. « Comment peut-on designer le
candidat unique en écartant de facto celui qui, avec son parti, a eu le
plus de députés? Que l’électorat ait changé entre 2013 et 2014 est une
supposition. Mais aujourd’hui, c’est incontestablement l’Anc qui a le
plus de députés, et on doit en tenir compte. Pour avoir une chance de
gagner, on doit compter sur l’Anc…Pendant que l’Anc est sur le terrain,
que font les autres? Quelles activités politiques les autres mènent? Je
ne suis pas partisan de l’Anc, mais je trouve injustes certains procès
qui lui sont faits. On ne veut pas de Jean-Pierre Fabre, mais on veut
profiter de son travail sur le terrain », a réagi un compatriote
sur la toile. Et comme par hasard, c’est l’autre Docteur dont l’état
d’esprit tue chez tout jeune étudiant toute envie de pousser loin les
études et devenir Docteur, qui est spécialiste de sondages « Fauristes »
et dont la haine pour l’Anc et son président est un secret de
Polichinelle, a récupéré tout de suite l’analyse à son profit et chanté
son traditionnel refrain.
Tino Kossi
LIBERTE TOGO