Depuis le déclenchement de l’épidémie de la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest, il y a huit mois environ, plusieurs gouvernements ont pris des mesures pour protéger leur population ou mettre en place une réponse nationale. Mais la gestion de l’information relative à la maladie est devenue une question d’extrême sensibilité, amenant certains pays à user de l’arme de de la censure et de l’opacité. Les mesures d’ostracisme adoptées contre les pays où sévit le mal n’encouragent pas les dirigeants des autres pays à communiquer autrement sur la réalité sur leur territoire.
Tout est parti de la Guinée
Les observateurs et les spécialistes impliqués dans la crise d’Ebola sont unanimes pour reconnaitre que l’expansion rapide connue par l’épidémie est due en grande partie au laxisme des autorités de la Guinée, premier pays où le virus s’est révélé dans la région. Lorsque l’OMS et l’ONG MSF alertaient sur les dangers de propagation du virus, le gouvernement guinéen déclarait chaque jour que « la crise d’Ebola était sous contrôle ». Le Liberia et la Sierra Leone ont été pourtant affectés, à partir de la Guinée. Alpha Condé, président de la Guinée a attendu huit mois pour intervenir sur l’épidémie et décréter « l’urgence sanitaire nationale ».
Au Sénégal, le Directeur de publication du quotidien La Tribune a été jugé et condamné à un an de prison avec sursis et à un million CFA d’amende pour avoir annoncé que 5 cas d’Ebola avaient été détectés dans le pays. L’information s’était révélée fausse.
Alors que le Ghana et le Nigeria, à l’instar du Liberia et de la Sierra Leone, tous des pays anglophones d’Afrique de l’ouest ne prennent aucune précaution particulière pour informer le public de la situation relative à l’Ebola, la situation est totalement différente dans les pays francophones. Dans ces autres pays, Ebola relève d’une question d’Etat et aucune information relative aux cas suspects ne peut être révélée avant qu’elle ne soit examinée au haut lieu. L’information publique sous forme de communiqué ou de rapport de conseil de ministre est sujette à caution.
Des réponses nationales sous contrôle politique
Dans plusieurs pays d’Afrique de l’ouest, c’est l’alerte maximum contre Ebola. En Côte d’Ivoire, au Togo, au Bénin, au Niger, au Burkina Faso et au Mali, on affiche fièrement qu’aucun cas n’a été recensé. De « fausses alertes » sont fréquemment signalées, vite démenties par les autorités. Souvent sans que l’on expliquât ce qui fut réellement l’objet de l’alerte.
Selon le Dr Tom Frieden du Centers for Disease Control and Prevention américain, « les cas d’Ebola déclarés officiellement en Afrique de l’ouest représenteraient à peine 25 à 50% de la réalité ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est du même avis, quand elle affirme que les chiffres de malades et de décès du fait d’Ebola sont sous-estimés.
Ebola, question de santé publique est devenue ainsi un sujet de gouvernance en Afrique de l’ouest. Certains régimes peu ouverts ne laissent pas filtrer les informations sur les cas suspects ; ils se contentent d’agiter l’opinion sur de pseudo-mesures de prévention. De l’avis des spécialistes, la porosité des frontières ajoutée à la longue tradition de libre circulation des personnes entre les différents pays de la CEDEAO sont des facteurs favorables à l’expansion de l’épidémie.