De longues heures sans courant électrique, des délestages intempestifs au cours de la journée…les activités plombées par l’indisponibilité du courant. C’est le calvaire vécu par les ménages togolais il y a des années. Elle est peut-être loin, cette époque. Mais le spectre des délestages hante les consommateurs, au regard de la nouvelle donne du côté de la Compagnie électrique du Bénin (Ceb) créée par la réduction de la livraison des fournisseurs. Du côté du Bénin, on souffre déjà des affres de cette situation.
Le Ghana et le Nigeria réduisent leur fourniture, Cotonou dans le noir
Le Bénin connaît des délestages depuis le début de l’année 2014. Cotonou et sa banlieue sont plongées dans le noir. Le confrère koaci.com Bénin parle de « 20 heures de coupure sur 24 ». C’est la désolation dans les ménages, les administrations, les unités de production, surtout en l’absence de toute communication de la part du gouvernement. C’est seulement ce lundi 3 février que l’Exécutif a rompu le silence. Un communiqué évoque «depuis le 29 janvier 2014 une réduction drastique aux heures de pointe de la puissance contractuelle provenant du Ghana passée de 80 Mégawatts à 30 mégawatts ainsi qu’une instabilité importante de l’énergie en provenance du Nigeria ». Pour le Ghana, on parle des pannes sur certaines installations qui contraignent à la réduction de la production habituelle de 400 mégawatts. S’agissant du Nigeria, sont mis en cause les problèmes sécuritaires rencontrés.
Pour un besoin total estimé à 200 MW, le Bénin n’en dispose que de 70 MW, avait laissé entendre en décembre 2013 le ministre béninois de l’Energie, Barthélemy Kassa. Et visiblement, la situation n’a pas changé ; au contraire, elle a empiré. L’espoir d’une amélioration semble même perdu au point que les autorités envisagent d’autres alternatives. «Au regard de cette situation de dépendance énergétique, le gouvernement a décidé la mobilisation des ressources auprès de nos partenaires financiers afin de : construire une centrale de 300 mégawatts ; réaliser le projet d’aménagement hydroélectrique d’Adjaralla pour lequel l’évaluation des offres est en cours afin de les comparer avec les offres proposées par le Consortium des bailleurs de fonds avec la Banque Mondiale comme chef de file ; construire la centrale thermique 2×25 mégawatts par les entreprises iraniennes ainsi que la centrale thermique de 400 mégawatts sur financement de la Banque Islamique de Développement ; faire installer la Centrale thermique à réaliser par Layous, PDG de l’entreprise de la Nouvelle cimenterie du Bénin ( Nocibe) ; enfin la réalisation d’une centrale thermique de 300 MW par l’opérateur économique nigérian Alyko Dangote », indique le communiqué.
Le Togo pour l’instant épargné, mais…
Pour l’instant Lomé est encore loin de la situation vécue par Cotonou depuis plus d’un mois. Mais on se demande si le Togo est vraiment épargné quand on sait que notre pays est alimenté par la Compagnie électrique du Bénin (Ceb), une structure commune au Bénin et au Togo, elle-même recevant l’énergie du Ghana et du Nigeria. Et c’est cette énergie qui est dispatchée entre les deux pays.
Pour le fournisseur ghanéen, on parle d’une quantité habituelle de 60 MW livrée à la CEB pour le compte du Togo et du Bénin (à raison de 30MW chacun). Mais Accra ne lui fournit actuellement que 30MW, ce qui revient à 15 MW pour chaque pays. A cause de la situation sécuritaire, le Nigeria, lui, n’approvisionnerait pratiquement plus la CEB ces derniers temps. On évoque même une révision technique de ses deux turbines à gaz depuis quelques jours.
Le deux pays ayant les mêmes fournisseurs, le Togo devrait aussi connaitre a priori les mêmes difficultés que le Bénin. Mais des sources proches du ministère des Mines et de l’Energie relayées par le confrère savoirnews.net font état de ce que le Togo trouve son salut dans la centrale thermique Contour Global. « La situation n’est pas ressentie au Togo, grâce à la Société Contour Global, selon des sources proches du ministère des Mines et de l’Energie. Cette société qui fournit 100MW a fait tourner à fond ses moteurs ces derniers jours, ont souligné ces sources. Contour Global aurait même porté secours au Bénin voisin en lui fournissant 10 MW », écrit le confrère. Mais comme pour rappeler aux consommateurs qu’ils ne sont pas à l’abri, il a été constaté plusieurs coupures de courant dans certains quartiers de Lomé lundi dernier, comme à Bè Bassadji.
ContourGlobal, une assurance-vie ?
D’un coût global de 100 milliards de FCFA, financée par la société américaine ContourGlobal basée à New York, la construction de cette centrale était brandie comme la panacée au problème d’énergie que connaît le Togo depuis plusieurs années. « Le 12 janvier 2009, en ces mêmes lieux, nous nous étions rassemblés pour la pose de la première pierre d’une centrale de 100 MW à construire par la société Contour Global. C’était pour certains de l’utopie, pour d’autres une illusion, et pour les plus sceptiques un rêve. Pour les bâtisseurs au premier rang desquels Son Excellence Monsieur le Président de la République togolaise, c’était le début d’une réelle entreprise… », avait jubilé le ministre des Mines et de l’Energie, Noupokou Dammipi à l’inauguration de la centrale le 15 octobre 2010. Une euphorie qui portait à croire que l’espoir était permis. Mais la suite sera moins joyeuse.
Le gaz naturel sur lequel avaient compté les concepteurs pour alimenter la centrale et qui devrait être fourni par la West african pipeline company (Wapco), ne viendra pas en quantité suffisante. « En raison d’une avarie sur le pipeline, la Wapco, la société qui exploite le Gazoduc d’Afrique de l’Ouest avait dû interrompre ses approvisionnements en gaz naturel en septembre 2012. Depuis début juillet, les clients, dont la CEB, sont de nouveau livrés, mais dans des quantités largement inférieures aux besoins. Le pipeline, long de 1.033 kilomètres et d’un coût de 500 millions de dollars devait initialement transporter 120 millions de mètres cubes de gaz par jour du Nigeria vers ses trois voisins ouest-africains, le Bénin, le Togo et le Ghana. La CEB revend la totalité du gaz naturel à la centrale thermique de Lomé, opérée par l’Américain ContourGlobal. Elle a été conçue justement pour fonctionner à la base au gaz naturel, mais seuls 2 moteurs sur 6 utilisés sont opérationnels, faute de recevoir suffisamment du précieux combustible », a entre-temps rapporté republicoftogo.com sous le titre « Avec le gaz, rien de naturel ». Et d’ajouter : « Les experts estiment que le gazoduc ne sera jamais en mesure d’atteindre la production annoncée et certains opérateurs envisagent désormais de se tourner vers le gaz liquéfié. Problème, il ne sera pas disponible avant 4 à 5 ans. En attendant, la centrale de Lomé tourne principalement au fuel lourd, beaucoup plus cher. Si les 6 moteurs étaient opérationnels au gaz naturel, ContourGlobal pourrait renforcer la distribution au Togo et même exporter de l’énergie vers les pays voisins ».
C’est donc à minima que la centrale fonctionnait. Aujourd’hui avec la réduction des fournitures du Ghana et du Nigeria, elle est davantage mise à contribution pour combler le déficit d’énergie et pouvoir alimenter les consommateurs nationaux. Il est même fait état de ce que ContourGlobal fournit 10 MW au Bénin aussi. Un geste appréciable, au nom de la solidarité africaine. Mais elle aura besoin de beaucoup plus de combustible pour fonctionner ; d’où le problème de l’approvisionnement. L’autre question est de savoir si les moteurs pourront résister, n’étant pas habitués à tourner à ce rythme. Et dans le cas où le problème durait du côté des fournisseurs..? Une panne, et les consommateurs togolais aussi seront sevrés. Autant d’inquiétudes légitimes.