Il a géré d’une main de fer et en toute opacité Togotelecom et pendant que le gouvernement tente de reprendre la main sur une société comateuse, il y va de tous les délires. Se comparant à Fernand Tchamsi, un autre « voleur » qui aurait, selon lui, détourné pour « servir » et qui aujourd’hui, « est en toute liberté », Bikassam pourrait tout déballer si on tente de le prendre. A la présidence, « on ne lui a jamais demandé de donner à tel ou tel ». Le ping-pong des pics débute.
Au moins 100.000 milliards selon les premières estimations du gouvernement, au moins le double selon d’autres sources, la somme exacte des dettes n’est pas connue. La variation du montant est due essentiellement aux aspects de la faillite abordée. Si on tient compte uniquement de dettes non payées de la société, on est autour de 52 milliards alors que si on ajoute les prêts non remboursés de la même société, le montant atteint les 100 milliards. Ce montant ne tient pas compte de l’augmentation statistique prévisionnelle de la société. Si cet aspect est pris en compte, c’est 253 milliards qui seraient en l’air.
En résumé, pendant le règne de Bikssam, la société a miraculeusement retrouvé des bénéfices stables alors que jusque-là, c’est l’une des sociétés d’Etat les plus florissantes. Imaginez-vous qu’en 2003 par exemple, cette société contribuait à hauteur de près de 20% au budget de l’Etat et qu’une décennie après, alors que le nombre d’abonnés filaires a été multiplié par deux entre 2000 et 2013, la même société s’en sort avec d’énormes impayés. Et une faillite abyssale sur laquelle plusieurs experts travaillent mais qui, selon un cadre de la maison rencontré par Afrikaexpress, dépasse largement les 250 milliards « si on tient compte de la progression annuelle des bénéficies en comparaison des conjonctures d’impacts importants ». Cela ne fait pas taire le principal intéressé qui continue de recevoir beaucoup de monde. Journalistes, parents, anciens collaborateurs, quelques barons du régime et surtout « ses derniers amis » qui rôdent en attendant de le livrer. L’Emir argenté de Piya, son village natal à 450 km de Lomé, la capitale, se livre.
« Je peux jurer que je n’ai rien pris pour moi, il y a eu des erreurs d’appréciations et des investissements qu’on aurait pu mieux apprécier » esquive l’intéressé avant de conclure, « rien de plus » se présentant comme une victime des fantasmes de sa ministre de tutelle qui ne l’aurait « jamais aimé« . Dans des confidences faites à l’un de ses nombreux amis journalistes, il lance, comme un pic, « si je suis encore libre, on sait pourquoi » sans préciser qui il désigne par le pronom indéfini. A un baron avec qui il a gardé une certaine amitié, il évoque le fait qu’on ne peut pas le tenir seul responsable. « Je ne veux pas me retrouver dans la position de devoir me défendre en déballant des choses qui dérangeraient » lui ajoute-t-il en début de semaine dernière menaçant de façon à peine voiler que si on le touche, il serait obligé de parler. Il va même plus loin, se comparant à un autre ancien financier présumé du régime.
« Tchamsi a aidé le pouvoir avec l’argent de Cerfer, personne ne l’a touché » constate Bikassam qui ne sait pas pourquoi lui, « devrait il s’inquiéter« . Et puisque l’humour reste la seule consolation d’un homme-à-terre, il conclut, « il fait le tour du monde avec le chef de l’Etat » comme pour rire, une blague qui n’a pas fait sourire son interlocuteur. Le mouchard a aussitôt tenté de faire remonter le message « à qui de droit ». Alors qu’aucune note écrite n’a été envoyée à l’ex directeur général de Togotélécom pour lui demander de financer quoique ce soit, il aura du mal à s’en sortir, encore qu’il se targue d’avoir « aidé parents et maîtresses de son maître », une offense que Faure Gnassingbé aura du mal à excuser.
Son cousin lointain a déjà oublié que son patron est un rancunier… et que comme tout félin, pour se venger, déguste son plat au froid, sous un arbre de la forêt, loin de tout regard. C’est la discrétion du méchant, comme on le dit chez les Bantous. Si plusieurs personnes cherchent à le noyer auprès du chef de l’Etat pour prendre sa place, les maladresses de l’ex Dg ne joueront pas en sa faveur. Il le sait et devrait faire attention.
Parallèlement, il serait bien difficile pour le Togo de laisser dans la nature l’auteur d’une telle catastrophe financière tout en demandant de l’aide à ses traditionnels partenaires au développement. Faire la lumière sur cette affaire, c’est aussi veiller à ce que la loi Djondoh sur la gestion des sociétés d’Etat soit respectée. Elle stipule en partie que les bénéficies d’une société d’Etat ne peuvent servir qu’à des investissements s’ils ne sont pas reversés au trésor public.
Togotélécom est une société d’Etat qui gère la télécommunication au Togo. Avant l’arrivée de Bikassam, avec environ 80.000 abonnés, la société a contribué à hauteur de 57 milliards au budget de l’Etat. En quelques années ce dernier a tout dilapidé et alors qu’il a été démis de ses fonctions de Directeur général, la société doit 100 milliards de dettes directes avec un déficit de plus de 250 milliards.