Le président de Sursaut-Togo prend le risque de jeter un pavé dans la mare en relaçant la crise ivoirienne, alors qu'il s'apprête lui-même à se présenter une deuxième fois à la présidentielle togolaise de 2015.
« C’est Gbagbo qui a réellement gagné les élections de 2010 !» Ce n’est pas un dirigeant du Front populaire ivoirien (FPI), ni un de ces intellectuels panafricanistes et anti-impérialistes qui le dit, mais Kofi Yamgnane, proche conseiller de François Hollande sur les questions africaines pendant la campagne présidentielle française, probable candidat à al présidentielle togolaise qui fait cette affirmation. Incroyable !
L’information est relayée par le site www.laregionale.com, un site ivoirien consacré à l’actualité de la CEDEAO et de la CEMAC. S’agissant de certains journaux en ligne, on peut s’inquiéter d’une intox. Mais en fait, il s’agit d’une interview accordée au quotidien ivoirien L’Inter. Et L’Inter est un quotidien ivoirien généraliste créé le 16 avril 1998 par le groupe de presse Olympe. L’Inter est, début 2013, le cinquième média de presse écrite de Côte d’Ivoire et constitue un des rares médias ivoirien indépendants de tout parti ou tendance politique.
La source est donc fiable. Voyons voir ce que dit le Togolais, à l’occasion de la sortie du livre “Pour la vérité et la justice“, que le Président ivoirien a cosigné avec le journaliste François Mattei.
"Ce livre apporte des preuves qu’il (Gbagbo) avait réellement gagné les élections de 2010 et que cette nouvelle ne plaisait pas à grand monde. Le rôle joué par la France de Chirac puis de Sarkozy n’est pas brillant…Mais la France admettra-t-elle jamais l’indépendance des pays africains ?", déclare en substance l’ancien candidat à la présidentielle 2010 au Togo .
Et d’ajouter sur le ton de l’indignation: "Je retiens que le président Gbagbo réaffirme (dans le livre de Mattei) son authentique africanité et ses convictions profondes de démocrate. Il avait, il a toujours, une vraie ambition pour l’Afrique : démocratie, liberté des peuples africains, développement. Dans nos civilisations, jamais, au grand jamais, un peuple ne livre son chef à la justice de l’ennemi ! Quoiqu’il ait fait, quelle que soit la faute qu’il ait commise, le chef doit toujours être jugé ” à la maison”. C’est pourquoi, en ma qualité d’Africain, je pense que ce transfèrement de Gbagbo est une trahison de la tradition africaine", s’est-il indigné.
C’est la première fois que Kofi Yamgnane tient de tels propos sur la crise post-électorale ivoirienne. Manifestement, il s’agit d’un pavé dans la mare quand on sait le rôle majeur joué par la France dans le coup de force ayant abouti au départ du président Laurent Koudou Gbagbo du pouvoir. La Force licorne française a été l’instrument de l’ONU pour briser la résistance ivoirienne.
Les raisons de cette déclaration demeurent obscures. On note toutefois qu’elle intervient quelques semaines après la visite de François Hollande à Abidjan. Lors de la réception des dirigeants du FPI, le locataire de l’Elysée a demandé à Affi N’Guessan, l’actuel président du FPI, de tourner la page Gbagbo, et de construire une nouvelle politique en tenant compte de la nouvelle donne. Ce qui n’a pas été vraiment du goût des autres dirigeants du FPI qui mènent une guérilla politique contre le président Alassane Ouattara, réclamant avant tout dialogue le retour du Président Gbagbo.
François Hollande est un soutien d’Alassane Ouattara et durant sa présidence du Parti Socialiste, il a pris ses distances avec le régime Gbagbo et soutenu l’intervention de la France. L’ancien président ivoirien aujourd’hui détenu à la Haye, lui a d’ailleurs rendu la monnaie de sa pièce en le traitant sans ménagement dans le livre co-écrit avec Matteï.