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Le déni d’Ebola traduit un sentiment d’exclusion des populations (anthropologue)
Publié le mardi 2 septembre 2014  |  AFP


© AFP par DOMINIQUE FAGET
Liberia : Les Médecins Sans Frontières mettent en place l`équipement de protection contre le virus de la fièvre d`Ebola
Samedi 30 aout 2014. Morovia (Liberia)


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Dakar - Le déni d’Ebola parmi les populations touchées par l’épidémie exprime une révolte contre le "paternalisme" des autorités, et un sentiment d’exclusion plutôt qu’un refus de la médecine moderne, explique à l’AFP l’anthropologue sénégalais Cheikh Ibrahima Niang.

Selon lui, il est impossible de soigner les malades sans prendre en compte leur environnement culturel.

"Quand les populations disent qu’Ebola n’existe pas, elles se rebellent contre quelque chose", estime cet enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, de retour de mission avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

"Elles sont dans des situations où on ne les a pas consultées et ont l’impression qu’on les traite avec beaucoup de paternalisme", précise le socio-anthropologue.

M. Niang a séjourné pendant tout le mois de juillet dans les zones de Kailahun et Kenema, dans l’est de la Sierra Leone, aux confins de la Guinée et du Liberia, épicentre de l’épidémie qui a fait plus de 1.500 morts en Afrique de l’Ouest.

A la mi-août, des jeunes de la banlieue populaire de West Point, à Monrovia, avaient pris d’assaut un centre d’isolement pour malades, niant la présence d’Ebola dans le pays et allant jusqu’à piller de la literie souillée et potentiellement contaminée. Plusieurs habitants avaient dit protester contre l’implantation de ce centre dans leur quartier.

La présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, avait placé le 20 août West Point en quarantaine, citant parmi les causes de propagation de l’épidémie, tout comme l’OMS, un "déni persistant" ainsi que "le non-respect de l’avis des personnels de santé".

Cheikh Ibrahima Niang juge hâtif d’incriminer des réticences des populations à l’égard de la médecine moderne.

"Il faut au moins poser la question de savoir ce qui leur fait dire cela.

Les populations ont l’impression qu’on ne leur donne pas toute l’information nécessaire, ou elles ne sont pas d’accord sur les démarches et les procédures médicales qui leur sont imposées", souligne-t-il.

- Cibler la cellule familiale -

Selon lui, "globalement, l’approche médicale est relativement limitée. Elle ne voit que la maladie et non le contexte (culturel). C’est l’une des raisons pour lesquelles le problème a tardé à avoir une réponse adéquate".

L’anthropologue affirme avoir dissuadé des équipes médicales de "venir dans les villages avec des ambulances à drapeau noir et des sirènes hurlantes" pour ne pas effrayer davantage les populations déjà traumatisées par les guerres civiles, en Sierra Leone comme au Liberia.

"Ebola est transmis par un virus mais l’éclatement de l’épidémie vient à partir du moment où il y a un contexte social, politique, culturel et historique favorable à son expansion", indique-t-il.

Par exemple, "on ne peut pas régler cette question si on exclut les femmes. Or, dans l’organisation de la réponse, la plupart du temps, ce sont les hommes qui occupent l’essentiel du leadership. Il faut un leadership féminin".

Dans les zones touchées, remarque le chercheur, "il y a une gestion des malades essentiellement par les femmes, qui les lavent, leur donnent à manger et des médicaments. Dans les statistiques de mortalité, elles sont sévèrement touchées".

Par ailleurs, "la famille est l’espace le plus atteint. Or, la communication suit des modèles occidentaux de ciblage de l’individu", poursuit M. Niang.

Il accuse également les autres pays africains de mener une politique de l’autruche face à l’épidémie au lieu de "mobiliser des ressources pour envoyer des équipes apporter des réponses cliniques et sociologiques" à Ebola.

Selon l’anthropologue sénégalais, la fermeture des frontières décidée par de nombreux pays du continent est "contre-productive et donne un faux sentiment de sécurité: +C’est là-bas, ça ne nous concerne pas. Il faut fermer et on va être à l’abri+".

"Il y a une métaphore africaine très importante qui dit que le feu de forêt, dans une ville ou une communauté, se combat à sa racine. Ce n’est pas en me barricadant chez moi et en faisant des stocks d’eau pour quand ça arrive que je vais l’éteindre", observe-t-il.

En outre, "combien de personnes traversent les frontières la nuit, par des pistes et des sentiers de brousse, parce que cette frontière, un héritage colonial, est artificielle?"

mrb/sst/sd

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