Depuis 2011, le Gouvernement togolais à travers le Ministère des Enseignements Primaire et Secondaire met en œuvre le Projet Education et Renforcement Institutionnel (PERI). Evalué à environ 22,5 milliards de F CFA, le PERI est destiné à améliorer l’accès à l’éducation primaire par la construction des infrastructures scolaires et à favoriser une meilleure qualité de l’enseignement à travers le renforcement de capacités des enseignants. A quelques semaines de la fin de ce projet, prévue pour octobre prochain, son coordonnateur, Philippe KOUDAYAH, revient sur les objectifs de ce projet, ses réalisations actuelles et son avenir.
Depuis quelques temps, le Gouvernement togolais conduit la mise en œuvre du Projet Education et renforcement Institutionnel (PERI).
Dans quel cadre s’inscrit ce projet?
Le Projet Education et Renforcement Institutionnel que nous dénommons PERI, est une partie de la mise en œuvre du Plan Sectoriel de l’Education (PSE). Un plan élaboré pour booster le secteur de l’éducation et assurer un développement harmonieux de tous les départements du secteur à savoir du primaire au supérieur en considérant aussi l’alphabétisation. Le plan est élaboré, évalué et soumis à nos partenaires, ceux qui nous aident pour le développement. On a eu un don pour la mise en œuvre première de ce projet qui concerne seulement l’enseignement primaire. Donc disons que pour le moment c’est ma mise en œuvre du PSE en ce qui concerne l’enseignement primaire.
En quoi consiste le Projet Education et renforcement Institutionnel?
Comme son nom l’indique, le PERI c’est le renforcement institutionnel pour l’éducation. Il comporte trois composantes qui visent l’amélioration de l’accès à l’éducation primaire en mettant l’accent sur l’amélioration des conditions d’accueil des enfants par la mise en place de salles de classes. Selon la stratégie de construction du Ministère, la mise en place des infrastructures scolaires doit tenir compte d’une forme d’équité.
Nous savons qu’il y a des localités qui disposent d’ écoles mais avec des salles de classes qui ne donnent pas la sécurité aux enfants. Donc pour une première mise en œuvre du plan sectoriel de l’éducation, on a voulu remplacer ce qui est en paille ou en matériaux provisoires pour donner des conditions d’accueil assez confortables aux élèves. Donc si vous suivez bien, nous ne créons pas de nouvelles écoles, mais nous remplaçons ce qu’il y a de vétuste dans les établissements déjà existants dont le choix se fait sur une base d’équité et en toute transparence. Il y a des critères qui touchent à l’environnement, à ce que l’établissement à déjà, la distance par rapport aux localités ; donc il y toute une série de critères que nous mettons dans la balance.
Ce projet est-il seulement réalisé dans les villes ou dans les milieux ruraux?
Ce projet est réalisé sur toute l’étendue du territoire. Même non loin de Lomé, vous trouverez des écoles avec des bâtiments en paille. Mais dans notre choix, nous savons que c’est les milieux ruraux qui sont les plus défavorisés donc nous faisons pour 1/3 dans les milieux urbains et 2/3 dans les milieux ruraux.
A ce jour où en est-on avec les réalisations dans la mise en œuvre de ce projet ?
Au jour d’aujourd’hui nous sommes presqu’à la fin de ce projet parce qu’en réalité nous avons fini la période qui nous a été accordée mais nous avons obtenu six mois de délai supplémentaire. Donc à ce jour nous sommes à près de 60 % de réalisation en matière de construction des bâtiments scolaires. Je dis 60 % parce que ça ne concerne que les bâtiments déjà réceptionnés.
Il y en a plein qui sont également en cours de réalisation. On avait misé sur la construction de 815 salles de classes au départ dont 1/3 en milieu urbain et 2/3 en milieu rural mais actuellement nous sommes en train d’aller vers 999 salles de classes. Ce qui veut dire que nous avons déplacé les objectifs de plus de 22 % en faveur des salles de classe à construire. A côté des réalisations, il y a aussi les manuels que nous avons distribués aux écoles primaires publiques. Nous commençons par le public qui est notre maison d’abord et quand il y en a de trop, nous allons en donner aussi aux écoles privées. En matière de manuels scolaires, on avait prévu acquérir 1 600 000 manuels scolaires et guides des enseignants. Mais avec nos maisons d’édition, on a pu avoir jusqu’à 2 900 000 manuels soit 1 300 000 manuels de plus grâce aux négociations. Ce qui a fait que nous avons dépassé l’objectif à ce niveau de plus de 80 %. On donne également des subventions de fonctionnement aux écoles suivant des critères bien précis relatifs aux performances et à l’environnement. Et là sur les trois ans, on a donné un peu plus de 04 milliards pour les dépenses dans les écoles. Ça exclu ce qu’il y a comme investissement et construction dans les écoles car c’est seulement pour le fonctionnement pédagogique des écoles. Pour améliorer la qualité, nous avons œuvré pour la mise en place de trois ENI (Ecole Normale d’instituteur) à Niamtougou, Sotouboua et Tabligbo. Ces écoles sont en train d’être équipées pour le démarrage des activités de formation des enseignants.
Quand est-ce que ce projet a démarré et quel était le temps imparti ?
Le projet a démarré en février 2011 pour une durée de trois ans. Donc ce projet devait finir en février 2014 mais avec le délai supplémentaire de six mois, nous irons en fin octobre 2014. Ce n’est pas parce que nous sommes en retard que ce délai supplémentaire qui nous a été accordé, mais parce que nous aurons à construire des salles de classe en plus. Donc c’est l’économie que nous avons fait pour la réalisation de 180 salles de classes en plus qui nous amène à demander ce délai supplémentaire.
Comment peut-on comprendre les retards dans certains programmes de construction dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet?
Les retards dans le programme de construction peuvent se comprendre du fait de l’approche communautaire. C’est dû au fait que les membres des communautés qui sont appelées à gérer le processus ne sont pas des techniciens mais de simples ruraux qui sont appelés à conduire le processus. Donc il nous fallait un temps pour leur formation pour les amener à bien suivre et piloter le processus. Donc c’est le temps de formation, de l’appropriation des outils et de lancer le processus qui justifie ces retards mais il faut dire que dès qu’ils ont commencé on a compris qu’on peut leur faire confiance aux membres de ces communautés que ce soit dans les hameaux ou dans les villages les plus reculés. Il suffit de leur montrer comment ça marche et je suis très satisfait à ce niveau.
Au niveau de l’approche classique, on sélectionne les entreprises et on leur donne le marché pour la réalisation des travaux. Nous supposons que ces entreprises doivent pouvoir réaliser les ouvrages dans les délais, mais il y a eu pas mal de malfaçons et on a été un peu déçu.
Quel avenir pour le PERI?
Ceux qui nous ont donné l’argent puisque c’est un don qui est évalué à 45 millions de dollars soit environ 22,5 milliards de F CFA, nous font confiance sur la base des prouesses qu’on a eu à faire. Donc on nous donne encore un peu d’argent pour une deuxième phase et c’est presque la moitié de ce que nous avions eu. En attendant ce montant, les gens ont cru qu’on nous pénalisait!
On est nombreux à solliciter ces fonds; presque tous les pays en développement. Ces dons se font en fonction de ce qu’il y a dans la cagnotte c’est pour cela que nous avons eu moins que la première fois. Mais la deuxième phase de ce projet va mettre l’accent sur la qualité de l’enseignement. On va changer un peu les composantes. Pour le PERI actuel nous avons la construction de salles de classe en priorité et la qualité en second et le renforcement en troisième position. Pour le PERI 2, nous allons mettre la qualité en premier, la construction en deuxième et le renforcement toujours en troisième position. L’avenir que moi je vois pour ce projet est que c’est un outil qui permet d’atteindre les coins les plus reculés du territoire. J’avoue que c’est à travers ce projet que moi-même j’ai connu certains coins du Togo. Et vous verrez que ce sont des localités qui ont vraiment besoin de ces constructions. Si pour les projets à venir du Ministère ou de l’Etat, on adoptait l’approche communautaire avec des critères de sélection qui se font en toute transparence avec une certaine équité, tous les coins du pays peuvent bénéficier des infrastructures sociales. J’ai remarqué que L’approche communautaire de ce projet nous a permis d’avoir beaucoup d’économie nous permettant d’enclencher la phase additionnelle de la construction des salles de classes. Je crois que si on adopte cette même méthode dans les autres départements, on fera beaucoup d’économie.
Dans le cadre du PERI 2, qu’est-ce qui sera fait concrètement en matière d’enseignement?
Il y aura la révision de programmes de formation au niveau CP1 et CP2. Après, on ira vers les CE ; on formera en même temps les enseignants pour pouvoir enseigner ces programmes de formation. Ce sont des programmes qui tiennent compte des réalités actuelles du pays. Un accent sera mis sur les compétences à faire acquérir aux enfants. Ce programme tiendra également compte de la formation de tous ceux qui vont être nouvellement recrutés dans les métiers de l’enseignement, car souvent, le diplôme obtenu à la sortie d’une école n’est pas un diplôme d’enseignant ou de formateur. Donc ces enseignants seront formés dans les ENI pour avoir la capacité pédagogique d’encadrer les enfants et de les amener à acquérir les compétences qu’on veut d’eux. Vous convenez avec moi que de plus en plus, les gens disent que la qualité n’est pas encore ce qu’il faut ; et quand les élèves sortent de l’école, ils n’arrivent pas à bien parler Français. Donc nous voulons lutter contre toutes ces choses dans l’aspect qualité de l’éducation.
A quand la réception des ENI construites dans le cadre de ce projet?
Je ne suis pas dans le processus qui conduit à cela mais je crois qu’il doit y avoir le recrutement des administrateurs c’est -à- dire les formateurs, les directeurs, etc.… Le processus est lancé et pour les équipements, on attend que ça soit mis en place. Et je crois que le processus de recrutement des élèves-maîtres est aussi en cours. Le Ministre se propose de faire l’ouverture à cette rentrée mais c’est peut-être les équipements qui vont nous retarder un peu.
Il y a quelques jours, le Ministre des Enseignements Primaire et Secondaire était sur le terrain à l’intérieur du pays. A la suite de cette mission, le Ministre a émis un sentiment de mécontentement par rapport à certains aspects de la mise en œuvre du PERI surtout en matière de construction des infrastructures.
Qu’en est-il exactement?
J’avais évoqué les retards qu’on a dans l’approche classique, la malfaçon et la mauvaise qualité. Ce qu’il faut dire, c’est que les entrepreneurs n’utilisent pas le bon matériel pour les constructions.
Vous faites les prescriptions techniques mais ce qu’ils utilisent n’est pas de bonne qualité. L’exemple des fers, c’est ce que nous avons eu à détecter premièrement avec l’appui d’un expert de la Banque Mondiale. La où on doit utiliser des fers de 10, on a utilisé des fers de 8 et parfois de 6; ce qui fragilise les bâtiments. Et moi, ça m’a permis de comprendre pourquoi dans certains pays on parle de bâtiment tout entier qui tombe du jour au lendemain. C’est parce que les gens n’utilisent pas les matériaux prescrits. Ils tiennent compte de leurs bénéfices pour fragiliser les ouvrages sur le plan technique.
Le Ministre, premier responsable du département de l’Education, non plus n’est pas content parce que nous ne construisons pas pour mettre la vie des enfants en danger ; mais plutôt pour assurer l’avenir de ces enfants. Et dans la chaîne du projet jusqu’aux plus hautes autorités, personne n’a été content. Suite à ces constats de malfaçon, de mauvaise volonté des entrepreneurs à assurer des ouvrages de bonne qualité, on avait eu des réceptions de certains ouvrages et la nature aidant, il y a eu des pluies quelques jours après et l’eau coulait dans les salles de classes.
Il y a également des retenues d’eau sur les dalles. Ce n’est pas possible car nous ne sommes pas en train de promouvoir la pisciculture sur les toits des écoles. Nous nous sommes dits que ça ne peut pas aller comme cela. Nous avons demandé une expertise pour pouvoir constater la durabilité et la résistance de ces ouvrages. Ce qui est en cours.
Il y a eu même des dalles sans quadrillage de fer. C’est donc des sentiments de mécontentement. Ce qui a amené le Ministre à voir si tout se passe bien dans la 2ème phase des constructions. Là aussi, c’est la déception totale. On s’est rendu compte que les contrôleurs et les chefs chantiers ont constitué un clan de mafia pour pouvoir profiter de l’argent du projet. On a eu seulement à mettre la main sur un mur et c’est tombé, un mur qui doit abriter des enfants ! Et dans leur réaction, c’est comme ils ne cherchent pas à s’améliorer car pour eux, ça se fait comme ça. Mais je vous avoue que tous ces faits, nous les avons constatés plus au niveau de l’approche classique. Au niveau de l’approche communautaire, il y a des imperfections, mais pas à cette hauteur- là. La semaine prochaine, je serai également sur le terrain pour la réception des ouvrages en phase de finition, car nous sommes à moins d’un mois de la rentrée scolaire et nous voulons nous assurer que tout est prêt et de bonne qualité.
Il faut que les gens prennent conscience de l’avenir du pays ; un avenir qui ne passe que par celui des enfants. Et ce n’est que par l’éducation, la meilleure richesse que nous pouvons léguer à nos enfants. Je vais demander aux parents à tous les niveaux d’accompagner le gouvernement dans ce processus de développement du secteur de l’éducation pour le bien-être de nos enfants.