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Consommation de la viande de brousse: une habitude qui persiste malgré la menace d’ Ebola
Publié le vendredi 12 septembre 2014  |  Focus Infos


© aLome.com par Parfait
Pr Badjona SONGNE, Directeur Central du Service de Santé des Armées, membre du Comité technique de gestion de la maladie à virus Ebola.


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Apparue au premier trimestre de l’année en cours, la fièvre hémorragique à virus Ebola continue de faire des ravages dans la sous- région ouest-africaine. Au Togo, même si aucun cas de la maladie n’est encore signalé, les autorités du pays sont sur le pied de guerre et intensifient la sensibilisation.

La population est ainsi appelée à éviter certaines pratiques et comportements dont la manipulation et la consommation de la viande de brousse . Si cette mesure est nécessaire pour prévenir la maladie, elle est difficilement acceptée par certains Togolais accrocs de la viande de brousse et qui malgré la menace , continuent d’en consommer. Face à cette situation, les autorités hésitent entre restriction et interdiction. Comment la viande de brousse est-elle servie? Quel est le circuit de distribution de cette viande? Quel est l’impact de la menace du virus Ebola sur la viande ordinaire? Eléments de réponse dans ce dossier.

En mars 2014, un premier cas de la fièvre à virus Ebola a été diagnostiqué en Guinée. Très rapidement la maladie se propage au Libéria, en Sierra-Leone et tout récemment au Nigéria. Cette épidémie qui sévit pour la première fois en Afrique de l’Ouest, fait un nombre impressionnant de victimes en l’ espace d’un semestre. La cap de 2000 morts vient d’être franchi.

Au sein de la communauté scientifique, l’unanimité est faite sur la cause de la maladie. Singes, rats, agoutis, chauve-souris…sont les vecteurs de la maladie, selon les scientifiques. Aussi est-il déconseillé de consommer la viande de ces animaux ou de tout autre animal sauvage.

La viande de brousse: une habitude alimentaire qui persiste malgré Ebola

Qui n’a jamais goûté au plaisir d’une bonne sauce bien pimentée à la viande tendre de l’agouti, du lièvre ou de l’écureuil?

Les Togolais raffolent de la viande de brousse, très présente dans leur alimentation. Chaque jour des quantités importantes de gibiers sont déversés à Lomé et servis à tous les coins de rue dans les bars et restaurants. Ces gibiers pour la plupart proviennent de la préfecture de Kloto dans la région des plateaux, et des préfectures du Zio et de Yoto dans la région maritime. A Lomé, on les retrouve au grand marché , plus précisément à la place dite « Hollando ». C’est là que viennent s’approvisionner les gérants de restaurants. D’autres restaurateurs en revanche ont leurs propres fournisseurs.


De toutes les viandes de brousse servies à Lomé, celle de l’agouti reste la plus prisée. La chair tendre de ce rongeur est très recherchée. Cette viande abonde surtout pendant l’harmattan, période propice aux feux de brousse et donc à la chasse.

Plus qu’une habitude alimentaire, manger de la viande de brousse est donc devenue une tradition chez les Togolais.

La menace du virus Ebola a -t-elle un impact sur cette tradition? La mesure recommandant d’éviter la consommation de la viande de brousse est-elle scrupuleusement respectées par les Togolais?

Pour le savoir, nous avons décidé de faire un tour à certains endroits de la capitale et sa banlieue où en temps normal, on sert de la viande de gibier.


Notre ballade nous a d’abord conduits au centre- ville de Lomé. Nous entrons dans un restaurant de fufu très animé. Beaucoup de monde attendent d’être servis. Lorsque vient notre tour, nous demandons de la viande d’agouti. L’air surprise, la serveuse nous répond : » On ne sert plus cette viande ici! ».

Suite aux informations d’un contact, nous changeons de direction et mettons le cap sur Avéta , à 15 km au nord-est de Lomé. Dans cette localité , se trouve , à côté du du marché, un restaurant très fréquentés par les voyageurs . Ce restaurant, selon nos informations, est un lieu de transit de gibiers pour Lomé.

Nous y entrons et nous nous faisons passer pour des acheteurs. Nous demandons un agouti et à notre grande surprise, la responsable, une femme d’une quarantaine d’années, corpulence forte, se prénommant Vénavino, sort de dessous une table, un sac banalisé. Le contenu est réellement de la viande fraîche d’agouti mais morcelée. Environ une vingtaine de kilogrammes de viande. «Je l’ai découpée , il y a juste quinze minutes», regrette-t-elle. Puis elle nous propose les morceaux au prix de 500 F, négociable si nous en voulons en quantité.

«A cause du virus Ebola, nous commandons ces derniers temps, moins de viande de brousse. Juste ce qu’il faut pour satisfaire les clients fidèles et accrocs comme vous. Nous sommes parfois obligés de jeter le surplus si les clients ne consomment pas à temps », ajoute-t-elle, sans doute pour nous rassurer.


Notre stupéfaction était à son comble lorsque , s’adressant à une employée du restaurant, cette dernière nous confie : « Actuellement, la viande de brousse est moins chère. Les chasseurs et intermédiaires ne cessent de la proposer à maman ( ndlr: la responsable) à bas prix. Par exemple, les gibiers qui étaient à 15000 F CFA sont aujourd’hui pratiquement à moitié prix. Il nous est même déjà arrivé de les mélanger avec d’autres viandes à l’insu des consommateurs bien sûr. Nous les employés et la famille en mangeons également ».

Avant notre départ, Vénavino, persuadée d’avoir affaire à de gros clients, nous pressa de laisser nos contacts; ce que nous fîmes pour ne pas compromettre notre couverture. Le lendemain nous reçûmes un coup de fil de la jeune femme. « J’ai actuellement six gibiers frais dont quatre agoutis. Vous en voulez encore ? Réagissez vite, sinon j’ai une commande qui doit partir pour la Belgique demain ( ndlr dimanche dernier) », insista t-elle au téléphone. Nous déclinons l’offre en prétextant un problème d’argent.

Le cas de Vénavino n’est pas isolé. D’autres tenants de restaurants servent clandestinement de la viande de brousse.

Face à cette situation, les autorités sont partagées entre interdiction et restriction de la commercialisation et la consommation de la viande de brousse.

Pour le professeur Ouro-Koura Napo, président du Comité de gestion du virus Ebola, il n’est pas du ressort du Comité d’interdire la consommation de la viande de brousse. Il appartient au ministère de l’Agriculture de prendre un arrêté dans ce sens et le faire respecter par ses agents sur le terrain.

Le Colonel Badjona Sognè, membre du même Comité , lui , se fait plus incisif. « La consommation de la viande de brousse doit être interdite jusqu’à nouvel ordre tout simplement parce que beaucoup d’animaux sauvages sont porteurs de ce virus. C’est très important que nous respections cela. Qu’au niveau de la chasse et de la vente, cela soit interdit et que les consommateurs aussi prennent des dispositions pour consommer autre chose que de la viande de brousse », martèle-t-il.


La menace d’Ebola plombe la commercialisation de la viande ordinaire

Même si la consommation de la viande ordinaire ne présente aucun danger , des mesures sont néanmoins prises pour éviter tout risque de contamination.

A l’abattoir de Lomé, où nous nous sommes rendus, les lieux sont sécurisés par des agents de l’ONAF (Observatoire National des Abattoirs et Frigorifiques). « Les responsables du Port Autonome de Lomé, de l’ONAF, du ministère de la Santé et celui de l’Elevage ainsi que l’organisation des bouchers sont très mobilisés pour épargner l’abattoir de tout risque de contamination. Très bientôt, l’entrée à l’abattoir sera subordonnée à la présentation d’une carte de santé. Toutes les mesures sécuritaires sont prises », témoigne Bitori Akla Esso, Assistant d’Hygiène d’Etat auprès de l’ONAF.

Il va donc sans dire que la consommation de la viande sortant de l’abattoir ne présente aucun risque.

Même si l’ONAF connaît la provenance des animaux (porcs, bœufs, moutons) qu’il abat et qu’il y a des inspections pour s’assurer qu’il n’y a pas de risque ni immédiat, ni différé à la consommation de ces viandes, la psychose consécutive à la menace du virus Ebola, porte un sérieux coup à la commercialisation de la viande provenant de l’abattoir. » Avec l’ apparition d’Ebola, de 100 bœufs abattus en moyenne par jour très récemment, nous en sommes actuellement autour de 70. Nous avons le sentiment que la population est mal informée », déplore Godze Ali, président des bouchers du Togo et chef boucher de Lomé . Face à cette situation, DEGANUS Abdoul Rashidi, Secrétaire général de la Communauté Nationale des Bouchers du Togo (CNB) et également Secrétaire Général du Syndicat National des Bouchers et Charcutiers du Togo (SYNABOUTO) appelle le ministère en charge de l’Elevage et celui de la Santé à mener conjointement des actions pour la sensibilisation des consommateurs afin de booster les activités du secteur.


Face à la menace du virus Ebola, la consommation de la viande de brousse est un risque inconsidéré qu’il vaut mieux ne pas prendre.

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