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Présidentielle 2015: Le pouvoir farouchement opposé à une initiative de suivi de l’UE via la société civile togolaise
Publié le vendredi 12 septembre 2014  |  Liberté hebdo




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Togo - Le chef Projet PASCRENA « renvoyé » du Togo pour son « ingérence » . Une étude sur les listes électorales sème le froid entre Bruxelles et Lomé Décidément, le Fils du Père veut passer en 2015, et tous les moyens, même les plus viles sont bons. Après le verrouillage du processus, le pouvoir veut, en plus de l’opposition qu’il a écartée de la préparation, éviter toute initiative visant à assurer la transparence du processus, fût-elle des partenaires traditionnels. Et c’est l’Union européenne qui l’apprend à ses dépens. Un projet de suivi du processus par la société civile qu’elle comptait financer, suscite l’hostilité de Lomé avec qui les relations connaissent un grand froid par ailleurs, à cause d’une étude commanditée sur les listes électorales qui servent souvent de base aux fraudes du pouvoir.


Lomé hostile à un suivi du processus par l’Ue

La plupart des élections organisées dans notre pays ont été financées par l’Union européenne, puis suivies par ses missions d’observation qui se sont toujours comportées comme des gendarmes de la transparence de ces processus. Mais Bruxelles devrait se tenir à l’écart de celui de 2015. A cause du refus du pouvoir Faure Gnassingbé d’exécuter les réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’Accord politique global (Apg) et de mettre en œuvre les recommandations de ses missions d’observation des scrutins de 2007 et de 2010, l’Ue ne mettra pas la main à la poche. Et cette éventualité, le régime du Fils décidé à être de l’aventure en 2015, s’y est déjà préparé et compte bien financer le processus sur fonds propres, comme lors des législatives de juillet 2013.

Tout comme elle l’a fait lors de cette échéance, et à défaut d’être présente elle-même avec ses observateurs, l’Institution européenne comptait financer le suivi du processus par la société civile togolaise. Mais l’initiative suscite l’hostilité du pouvoir en place. Décidé à frauder tout en silence, et à éviter toute présence pouvant compromettre l’opération, il est donc farouchement opposé à cette démarche. Le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Gilbert Bawara aurait signifié en mai dernier aux représentants de l’Union européenne, l’hostilité de ses mandants. La démarche est donc conçue comme visant à empêcher le pouvoir de disposer des suffrages populaires à sa guise et d’opérer le traditionnel hold-up électoral qui lui permet souvent de l’emporter à chaque fois. Et depuis, les dirigeants de la Délégation de l’Ue seraient l’objet de pressions et de chantages de la part du pouvoir en place et auront donc renoncé à l’initiative.

Le chef Projet PASCRENA « renvoyé » du Togo, une étude sur les listes électorales qui refroidit les relations

Selon les informations, l’initiative de suivi du processus électoral par la société civile togolaise serait portée par le Projet d’appui à la société civile et à la réconciliation nationale (Pascrena), l’un des bras agissants et financiers de l’Ue en la matière. Et c’est son chef projet, Christophe Courtin qui en a payé le prix.

L’homme était déjà accusé de partialité par le pouvoir en place dans l’exécution de sa mission au Togo. Et cette initiative de suivi du processus électoral de 2015 est vue comme un culot de sa part, une sorte d’ingérence (sic) dans les affaires internes du Togo. M. Courtin est juste dans la position de celui qui a voulu illuminer une maison entre-temps dans le noir, au moment même où le voleur s’apprêtait à opérer. Et cette audace, il l’a payée. Par le jeu des pressions et chantages du pouvoir de Lomé sur les responsables de la Délégation de l’Ue, son séjour dans notre pays a été écourté, et M. Christophe Courtin a quitté le Togo au cours du dernier week-end du mois d’août. Un euphémisme pour ne pas parler d’un renvoi tacite du Togo.

C’est dans cette hostilité ambiante que le rapport d’une étude commanditée par la Délégation de l’Ue sur les listes électorales qui servent de base aux fraudes au Togo est venu envenimer les relations déjà assez tendues. Selon les sources, l’étude en question qui a consisté à passer au peigne fin les listes électorales, a été confiée à une association de la société civile togolaise très active et aurait permis de déceler des anomalies monstres souvent sources des manipulations. Parlant de listes électorales au Togo, c’est un secret de Polichinelle, elles ont toujours été gonflées, avec l’enrolement de mineurs et d’étrangers souvent conditionnés à voter au profit du pouvoir. Plus d’une fois, l’Union européenne a recommandé l’audit du fichier électoral à la suite de ses missions d’observation électorales ; mais le pouvoir ne s’est donné aucune peine pour s’exécuter, en connaissance de cause. Il nous revient que le rapport en question serait transmis aux responsables de l’Ue, mais aussi aux gouvernants. Au sein du pouvoir, on redoute qu’il ne tombe simplement entre les mains des journalistes et son contenu rendu public. Toute chose qui refroidit davantage les relations entre Lomé et Bruxelles.

Le pouvoir n’a simplement pas encore digéré un cas précédent. Il s’agit de la publication par les médias du rapport intérimaire n°5 d’une mission d’expertise électorale effectuée du mercredi 24 au mardi 30 juillet 2013 sur les élections législatives, une initiative qui a permis de relever les anomalies ayant entouré ce scrutin. Ce qui avait valu aux responsables de l’Ue de se faire taper sur les doigts par le pouvoir, au point de se rétracter à travers une curieuse mise au point. Tout en rapportant que le scrutin s’est déroulé dans le calme, le rapport a tout de même relevé que « le scrutin a cependant été émaillé de nombreuses défaillances techniques », notamment sur l’ouverture des bureaux de vote, le déroulement du scrutin, la transmission puis la proclamation des résultats, entre autres aspects. Entre-temps, un autre rapport de l’Institution européenne transmis au gouvernement togolais et sur lequel un embargo a été décrété, a été ébruité par la presse. Toute chose qui convainc le pouvoir d’une collusion entre la Délégation de l’Ue et une certaine presse.

Une issue du processus dessinée

Au regard de la façon dont le processus électoral était préparé, très peu de Togolais en attendent du bon. Au-delà du refus des réformes constitutionnelles et institutionnelles devant tracer le sillon de l’alternance, une manœuvre pour simplement permettre au Fils du Père de rempiler, le pouvoir est dans une logique de verrouillage systématique, qui l’a vu écarter l’opposition de la préparation du processus, pour ainsi s’offrir tous les moyens de définir les règles iniques et poser les jalons de la victoire du candidat du pouvoir. Par ailleurs, la recomposition de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) est retardée au maximum. Depuis la clôture le 8 août 2014 du dépôt des candidatures, l’annonce de sa recomposition se fait toujours attendre. La manœuvre consiste simplement à mettre l’opposition devant le fait accompli. Et toutes les initiatives visant à assurer la transparence du processus ne sont pas les bienvenues. Même venant de l’Ue, le partenaire de premier choix du Togo.

On se rappelle que pour les législatives de juillet 2013, une initiative de création d’une plateforme Internet dénommée « Nukpola » devant permettre de publier les résultats proclamés dans les bureaux de vote et dénoncer les anomalies constatées a été proprement sabotée par le pouvoir. Ce n’est qu’une récidive d’un réflexe inauguré le 6 mars 2010 et qui a consisté à saborder le Vsat pour créer les conditions de hold-up. Et la suite, tout le monde la connaît. A l’allure où vont les préparatifs et au regard des derniers développements de l’actualité électorale ici rapportés, on peut d’ores et déjà se faire une idée de l’issue du processus en cours. C’est la victoire de son champion que le pouvoir vise, et il a visiblement le « chemin tracé » pour y aboutir. En tout cas, rien ne semble contrarier ce plan.

Tino Kossi
Liberté Hebdo

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