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Affaire ECOBANK Togo : Les protagonistes, le préjudice, les vrais chiffres, l’état de la procédure : dossier complet
Publié le samedi 13 septembre 2014  |  Focus Infos


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Depuis plusieurs mois, un scandale financier de plus de deux milliards de francs CFA secoue la banque panafricaine ECOBANK Togo. Au centre de l’affaire, Elvire Blanchette AblaviGRUNITZKY, une quinquagénaire, fille de l’ancien président togolais Nicolas GRUNITZKY, cadre de l’établissement bancaire et gestionnaire des comptes VIP.

Mais aussi son concubin depuis trente ans, Jonathan FIAWOO, directeur de plusieurs sociétés, Président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie du Togo (C.C.I.T). Autant dire que comme pour tout dossier où se mêlent argent, pouvoir et sexe, celui-ci fait les choux gras de la presse avec une opinion qui en redemande, dans un voyeurisme non dissimulé et pour certains, l’exultation de voir des « puissants tomber. » Il vous est proposé une enquête fouillée, dans le respect de la présomption d’innocence et celui du secret de l’instruction.


Tout part d’une cliente, Corinne DUSSEY, qui se rend à la banque à la fin du premier trimestre 2014 pour réaliser une opération. Cette commerçante est considérée comme une VIP ; c’est-à-dire disposant d’au moins un million (1.000.000 F) CFA sur son compte. Contrairement à son habitude, elle n’est pas reçue par sa gestionnaire et amie, Elvire Grunitzky, absente. Elle découvre, ahurie, que les actions à hauteur de cinquante millions (50.000.000 F) CFA qu’elle pensait détenir par virement de son compte et par l’intermédiaire de sa gestionnaire n’ont pas été achetées et que le placement à hauteur de cent soixante six millions (166.000.000F) CFA sollicité, n’a pas non plus été réalisé. Informée, la direction de la banque met en branle le contrôle interne qui met à nu des faits gravissimes : les opérations ordonnées par madame DUSSEY n’ont jamais été effectuées quand bien même les sommes aient été prélevées sur son compte.

Une plainte est formée contre madame Grunitzky au même moment qu’un audit approfondi des comptes qu’elle gérait est mis en œuvre. Le 07 avril 2014, elle est interpelée, placée en garde-à-vue et auditionnée à la Direction de la Police Judiciaire. Tandis qu’elle reconnaît les faits et que sa famille et son concubin mobilisent près de trois cent millions de francs (300.000.000 F) pour rembourser, ECOBANK découvre l’ampleur du délit : plusieurs clients sont victimes avec un préjudice avoisinant les deux milliards trois cent millions de francs (2.300.000.000 F) CFA.



LE MODUS OPERANDI.

Le mode opératoire d’Elvire Grunitzky consistait à débiter les comptes de certains clients, toutes des femmes, pas trop regardantes voire illettrées et qui surtout, lui vouaient une confiance aveugle, au moyen d’ordres de virements où leurs signatures étaient imitées. La gestionnaire profitait des ordres donnés à la banque par les victimes et par son intermédiaire, pour acheter des actions ECOBANK ou encore placer certaines sommes en Dépôt A Terme (DAT ; lire par ailleurs.), pour débiter leurs comptes et transférer les fonds sur plusieurs autres.

Pour ne pas éveiller leur soupçons, elle leur servait périodiquement des intérêts et gagnait davantage leur confiance, en leur offrant en des occasions particulières (fêtes de fin d’année par exemple) des cadeaux : tissus, pagnes prétendant que c’était des présents de la banque. Parfois, elle alléguait de la mauvaise connexion pour faire partir les clientes victimes qui se déplaçaient chez elle à la banque ; le temps d’effectuer certains jeux d’écriture.



LE PRÉJUDICE :

Entre septembre 2008 et août 2013, ce sont vingt-deux ( 22) opérations délictuelles qui ont été réalisées sur les comptes de cinq (5) victimes pour un montant total de deux milliards trois cent millions cent trente-un mille cinq cent trente-un francs ( 2.300.131.531F) CFA.

Elles se sont été étalées comme suit sur les cinq (5) ans :

- septembre 2008 : 50.000.000 FCFA

- entre mars et septembre 2009 : 129.999.531 FCFA

- entre mai et décembre 2010 : 236.000.000 FCFA

- entre janvier et décembre 2011 : 888.914.000FCFA

- entre octobre et décembre 2012 : 600.000.000 FCFA

- entre janvier et août 2013 : 395.218.000 FCFA



FIAWOO DANS LA TOURMENTE :

Dès le début de l’enquête, le nom du Président de la Chambre de Commerce est apparu dans le dossier. Et pour cause. Les fonds débités frauduleusement des comptes des victimes étaient transférés pour une large part sur un de ses comptes personnels ou ceux de ses sociétés. Ainsi le premier a reçu un virement datant de septembre 2010 de 50 millions. Ses sociétés ont reçu quant à elles par virement ou par chèques plusieurs centaines de millions dont 1 milliard 381 millions 218 mille francs CFA pour Omnium Service du Togo (OST), 658.238.531 FCFA pour AVIS OST et 21. 780.000 FCFA pour IMPACT GROUP. Une certaine madame Mensah-Assiakoley étant la bénéficiaire des 88.895.000 FCFA restants. Au total, ce sont donc plus de deux milliards qui ont transité frauduleusement sur ses comptes. Suffisant pour la banque pour estimer que monsieur Fiawoo est le complice et bénéficiaire des opérations frauduleuses étant donné que les fonds positionnés après le détournement sur les comptes de ses sociétés ou sur son compte personnel, repartaient à partir de chèques émis à l’ordre de plusieurs personnes dont son comptable, un de ses employés et un agent de change qu’il solliciterait régulièrement.

Ainsi par exemple, en avril 2011, 138.914.000 FCFA ont été frauduleusement débités du compte d’une victime et virés sur celui de la société OST appartenant à monsieur Fiawoo. Sur cette somme, 100.000.000 FCFA partiront sur le compte personnel de monsieur Fiawoo. De là, un chèque sera émis à l’ordre de son comptable pour un montant de 50.000.000 FCFA et un deuxième du même montant à l’ordre cette fois d’un de ses employés.



LE DÉNI :

La défense du président de la Chambre de Commerce balaie d’un revers de la main ces accusations et crie au complot. Elle met en avant les déclarations de madame Grunitzky lors de son audition à la DPJ le 7 avril, soutenant avoir agi seule et mettant hors de cause monsieur FIAWOO. Elle déclarait alors avoir voulu spéculer avec les fonds pour les reverser après, afin de « régulariser sa situation au port ». A la question « est-ce que monsieur Fiawoo connaissait les fraudes » elle avait répondu non. A celle-ci : « Comment avez-vous opéré dans ce cas, puisque les archives de la banque révèlent qu’il a donné des ordres de virements ? » elle avait allégué que « c’est moi qui ai ordonné le virement en imitant les signatures de M. Jonathan FIAWOO », indiquant qu’en tant que chargée de comptes, elle était habilitée à viser, à confirmer un chèque pour le paiement. « Une fois confirmé et visé, le chèque va en opération pour avoir une visite de sortie de caisse » avait-elle souligné, indiquant avoir en sa possession les chéquiers de ce dernier. Selon son entourage, ces déclarations de la gestionnaire de comptes constituent la preuve que Fiawoo ne serait mêlé ni de près ni de loin à ce scandale, avançant même son statut de victime.

Sur le fond, la défense avance que depuis 2008, monsieur FIAWOO ne recevait plus de relevés bancaires par la poste et ignorait les opérations effectuées sur son compte. « Tous les comptes ont été ouverts par l’intermédiaire d’Elvire Grunitzky et toutes les opérations passaient par elles » soutient-elle. Sur certains mouvements suspectés, elle fait valoir le déblocage d’un DAT de 100.000.000 FCFA qui justifieraient des chèques émis au bénéfice de ses deux employés. En somme, il serait tout aussi victime que les autres.



LES QUESTIONS :

Même si elle a mis hors de cause monsieur FIAWOO lors de ses premières déclarations, madame Grunitzky est revenu sur celles-ci pour le désigner comme l’instigateur des opérations frauduleuses. Elle soutient qu’elle les avait faites contre la promesse de son concubin de la tirer d’affaire. A quel moment dit-elle la vérité ? En tout état de cause, le fait qu’elle soit revenue sur ses déclarations ne peut constituer un argument décisif emportant que les premières étaient celles correspondant à la réalité, comme le soutient la défense. Mais c’est sur le fond que plusieurs interrogations demeurent. Est-il possible pour un chef d’entreprise, président de la Chambre de Commerce, d’ignorer des vingtaines d’opération et de mouvements sur ses comptes personnels et de société, d’un montant de près de 2 milliards 500 millions étalés sur 5 ans ?

En outre, alors que l’inculpé soutenait qu’il n’y avait aucune trace des opérations frauduleuses sur les quelques relevés en sa possession, son comptable a fourni à la police des relevés pris sur le bureau de son patron comportant lesdits mouvements. Par ailleurs, en affirmant que les chèques émis au bénéfice de ses deux employés provenaient d’un déblocage de DAT, ne reconnait-il pas implicitement suivre les mouvements de ses comptes, contredisant ainsi ses premières déclarations ? Au surplus, aucune trace d’une quelconque convention de DAT signée entre elle et monsieur Fiawoo n’a été retrouvé dans les fichiers de la banque. Or, si la signature d’une convention est nécessaire à l’installation d’un DAT. Comme celle par exemple au bénéfice de la CCIT retrouvée quant à elle dans les fichiers.



PROCÉDURE :

Monsieur Jonathan FIAWOO a été inculpé pour complicité d’abus de confiance, contrefaçons de documents bancaires et usage de faux. Il risque de six mois à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 20.000 FCFA à 100.000 FCFA pour le premier chef ; de trois mois à deux ans d’emprisonnement pour le reste.

Madame Elvire Grunitzky a été inculpée d’abus de confiance, contrefaçons de documents bancaires, faux et usage de faux. Elle risque un à cinq ans d’emprisonnement pour le premier chef et d’un à cinq ans pour le reste, avec en outre la possibilité d’être déchue du droit d’exercer sa profession pendant 5 ans.

Les deux ont été placés sous mandat de dépôt.



LES VICTIMES :

Madame Corinne Adjovi DUSSEY

Madame ATADEGNON Akouavi

Madame Folly-NontchronAkouété

Madame Folly-NontchronAkoko

Ets Les Jumelles

Ets TwinsFamily



LES PRESUMES AUTEURS OU COMPLICES :

Madame ElvireGrunitzky

Monsieur Jonathan Fiawoo

Madame MensahAssiakoleyAdjoko

Monsieur KekereSéfiou



LES AVOCATS

Pour Jonathan FIAWOO : Mes Ahlin KOMALN et Serge DOGBEAVOU

Pour Elvire GRUNITZKY : Me Valère AMEGAKPOE

Pour ECOBANK : Cabinets Martial AKAKPO/ Monnou-Attoh



QU’EST-CE QU’UN DAT ?

Un DAT (Dépôt à terme) est un dépôt de fonds rémunéré sur la base d’une convention signée entre la banque et son client, avec un montant minimum à placer, une échéance et un taux déterminés et négociés. Le déposant qui retire les fonds avant l’échéance prévue est redevable de pénalités pour retrait anticipé.

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