Depuis quelques années, les autorités religieuses catholiques ou l’ordre ecclésiastique expriment vertement leur opinion sur la politique de leur pays. Bref, elles veulent être au côté des opprimés dont la plupart sont leurs fidèles. Dans certains pays, devant l’intention de réviser les constitutions au profit des Présidents sortants ou en fin de mandat, ces hommes d’Eglise n’hésitent pas d’attirer l’attention des dirigeants sur les conséquences désastreuses qui découleraient de ces révisions taillées sur mesure.
C’est ainsi qu’au Congo, au Burkina et bien d’autres pays dont les Présidents au terme de leurs mandats nourrissent l’ambition de s’éterniser au pouvoir, des voix ecclésiastiques s’élèvent pour fustiger cet état de choses, préjudiciable à la paix sociale, indispensable au développement de ces pays.
Si au Congo démocratique et au Burkina, les révisions constitutionnelles sont décriées, au Togo, par contre, les réformes constitutionnelles sont souhaitables. Dans les deux cas, les enjeux sont les mêmes et d’une importance capitale, car le non respect de ces dispositions peuvent conduire ces pays dans les méandres. L’objectif poursuivi par ces voix religieuses est la préservation de la paix durant les processus électoraux.
Fort de cette responsabilité tant morale que spirituelle qui n’a rien à voir avec les tendances politiques de l’heure, les Togolais se posent la question de savoir si le clergé togolais peut, à la veille de la Présidentielle de 2015, exercer des pressions morales et spirituelles sur les acteurs politiques afin qu’ils transigent sur la question des réformes constitutionnelles et institutionnelles, susceptibles de garantir une élection transparente, crédible et acceptée par tous.
Il nous souvient que le clergé togolais se prononce régulièrement sur la situation politique du pays, au cours de ses conférences épiscopales et d’une façon discrète, à travers les lettres épiscopales publiées dans la revue « Présence chrétienne ». Pour prouver leur empathie au peuple de Dieu, certains prêtres individuellement écrivent des lettres ouvertes, publiées dans certains journaux de la place. La dernière, c’est celle envoyée par le Père Pierre Marie Chanel AFFOGNON, Directeur diocésain de l’enseignement catholique à Aného, après la mort de deux élèves froidement abattus par les forces de l’ordre pendant des manifestations à Dapaong, et publiée par le quotidien « Liberté » N° 1442 du jeudi 25 Avril 2013. Elle exprime l’indignation de ce prêtre qui pense que « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ (…) » (Vatican II, Gaudium et Spes. n°1§1).
C’est pourquoi, le clergé togolais devrait faire tout ce qui est à son pouvoir pour décrisper l’atmosphère politique qui devient davantage lourd, ces derniers jours pendant la recomposition de la Cour Constitutionnelle et de la Commission Electorale Nationale Indépendante. Une fois encore, le consensus n’est pas au rendez-vous. Et l’on craint le pire, car les élections présidentielles ravivent souvent les tensions latentes dues au déficit de confiance.
Alors il urge que le bon sens puisse prévaloir pour que les acteurs politiques s’épanchent et s’acceptent mutuellement même après le scrutin, comme dans les pays traditionnellement démocratiques. Et c’est le rôle que doit jouer le clergé catholique togolais, à défaut d’un médiateur de la République, pourtant prévu par notre constitution. Médecin après la mort, à travers le cycle élections-violences-dialogue, les Togolais n’en veulent plus.