« L’esprit sans jugement est un vaisseau sans lest qui est sans cesse en danger d’être renversé par la légèreté » (Alexander Pope, Maximes et réflexions morales)
La ville de Lomé compte à ce jour plus de 15 bassins dont celui d’Eda-Oba, les bassins de l’Université autre fois appelés « Tchoukoutchou Piscine »,
et depuis un moment les Lacs Kpatcha et Faure, le bassin d’Akossombo
désigné par la municipalité bassin de la mort, ceux d’Agbalépédogan, du
lycée d’Agoè, Totsi et autres d’Akodessewa, Nukafu sans oublier la
puante Lagune de Lomé. Ces nombreux bassins de rétention devraient en
principe minimiser les récurrents problèmes d’inondation auxquels font
face les populations de Lomé à chaque saison des pluies.
Mais la pluie qui s’est abattue sur Lomé
dans la nuit du jeudi 3 juillet 2014 avait inondé de nombreux quartiers
et causé de graves pertes matérielles. Parmi les quartiers les plus
gravement touchés, se trouve Agbalépédogan. Paradoxalement, les
habitations à proximité de ce bassin d’eau, aménagé récemment et d’une
capacité, semble-t-il de 10 000 litres, ne sont épargnées alors que
l’objectif de son aménagement est de mettre fin à ce phénomène. Selon
les propos d’un riverain, les « aménageurs » ont orienté les
eaux de plusieurs quartiers vers ce bassin d’eau sans tenir de sa
capacité. Mais, l’un des responsables de l’entreprise CECO qui a exécuté
les travaux, pointe un doigt accusateur sur l’intensité de la pluie.
Cette interprétation des faits dans un monde en pleine évolution
technologique paraît extraordinaire pour pas ne dire incroyable. Se pose
alors cette question anodine : à quelle intensité de pluie le bassin
d’eau ne serait-il pas débordé?
Les travaux sont mis en œuvre comme si
les techniciens togolais ont décidé d’innover dans l’antiquité. Les cas
des bassins du lycée d’Agoè et de Totsi sont révélateurs. Des années
durant, le bassin d’Eda-Oba avait laissé des stigmates dans les mémoires
des riverains car devant fonctionner avec une machine de pompage. Alors
il suffisait d’une panne technique ou de rupture de carburant et même
d’une négligence humaine dans la mise en service de cette pompe pour que
survienne la catastrophe. Et il a fallu plus de 20 ans après pour que
les grands maîtres penseurs du Togo ne reviennent sur les fondamentaux
des vases communicants que chaque élève du cours primaire se devrait
d’apprendre en drainant directement l’eau jusqu’à la lagune. Mais voilà
que les mêmes erreurs se répètent au niveau des bassins aménagés du
lycée d’Agoè et de Totsi. A la suite des fameux grands travaux du « fils de la Nation »,
des pompes ont été installées pour dégager les eaux. Nonobstant les
coûts des machines, les réparations et les dotations de carburant, il
faut redouter les pannes et les défaillances humaines. Pire, le non
traitement des eaux va faire exploser la population de moustiques et de
bestioles de tout genre, et par ricochet mettre en danger la santé des
riverains.
Les sinistrés au nombre de 3 787 sont
relogés au camp des sinistrés à Logopé. Ce camp construit pour
accueillir 1 000 personnes peut-il résoudre le problème? Alors qu’au
même moment, les nouvelles routes continuent de faire des centaines de
nouveaux sinistrés. La promiscuité ne cesse donc de poursuivre les
pauvres sinistrés dans une ville pourtant qualifiée de « Lomé la belle ». Comment un Etat responsable peut-il décider de certifier une bonne partie de ses citoyens « sinistrés permanents » en leur dédiant un abri pour chaque saison de pluie ?
En outre, ce camp de sinistrés financé à
plus de 3 milliards de FCFA avec l’appui des partenaires au
développement, est victime de la mauvaise gestion. Evidemment, les
travaux composés de quelques dizaines de bâtiments dont les toits sont
en tuile ont été exécutés et contrôlés par la haute hiérarchie
militaire. Et selon l’avis des spécialistes en bâtiment, le coût de
l’ouvrage ne peut excéder 200 millions FCFA.
B. Douligna
LIBERTE TOGO